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lundi 24 avril 2017

VOTER BLANC OU S'ABSTENIR …


’ ET MAINTENANT QUE VAIS-JE FAIRE [1] ’’

RÉPLIQUE A UN ÉLECTEUR INSOUMIS QUI ANNONCE : « … pour la première fois de ma vie citoyenne, j’irai voter BLANC ».


> Permettez-moi, citoyen, de vous objecter ceci.

Une citation d'abord qui annonce ce qui va suivre : « Les kantiens ont les mains pures, mais ils n'ont pas de mains ».

Posez-vous moins de questions, ou commencez par vous demander quelle utilité il peut y avoir à taper à bras raccourcis sur Benoît Hamon comme vous vous y employez dans votre prise de position à laquelle je réagis. Un Benoît Hamon dont le programme n'a certainement pas eu de quoi justifier l'amalgame que vous faites entre droite et gauche du PS en les confondant dans la même philippique, en leur destinant le même anathème virulent.

VOTER BLANC ou s'abstenir, quelle différence ? En dehors, s'entend, de chercher à se donner une fallacieuse bonne conscience en optant pour le premier.

Toute casuistique réfutée, il s'agit de la même désertion.

On ne nous demande pas à nous, électeurs de gauche, électeurs républicains par définition, d'aimer M. Macron, de partager ses idées et son projet. Ce que nous sommes, au titre de ces deux qualités, nous dicte seulement le devoir, tout simple, tout évident, de défendre la République.

Sauf à considérer qu'avec Mme Le Pen à la présidence de la République, avec le Front National au pouvoir, nous serions encore en République. 

Encore en République, une fois effacés la Déclaration des Droits de 1789, le Préambule de la Constitution, et l’ensemble des principes et des lois qui portent nos libertés.

Encore en République, une fois révoqué le droit pour les homosexuel(le)s de contracter un mariage civil et de fonder corrélativement une famille – droit qui est entré dans les pierres fondatrices de la laïcité de la République.

Encore en République, une fois instauré le droit du sang, sinistre lubie née de représentations mentales identitaires qui sont ancrées dans le cerveau archaïque de notre espèce.

Je vous laisse compléter par et pour vous-même la liste des outrages que subiraient le droit et la dignité humaine - notamment en direction de nos compatriotes musulmans -, des régressions sociétales et des mesures abjectes, plus spécialement xénophobes, qui seraient décrétées si le prochain second tour tournait au cauchemar.

Une perspective en regard de laquelle le passage de M. Macron par la banque Rothschild, les décisions qu’il a portées en tant que ministre de l’économie, et son orientation libérale sociale très affirmée – que je ne partage pas plus que vous – ne sauraient compter en vérité que pour pas grand-chose. Je veux dire pour rien.


VOTER BLANC ou s'abstenir, c'est se défausser sur les citoyens qui, eux, iront accomplir ce devoir de défendre la République. Afin d'écarter le risque d'une élection de Mme Le Pen - risque faible peut-être, mais qui sait ce que peut réserver le report massif de voix qui est promis à la présidente du FN de la part de l'électorat le plus réactionnaire de la droite ex-filloniste - le plus clérical, le plus sécuritariste et le plus réceptif à la peur et à la haine de l'autre ?

Des citoyens qui s'en tiendront à ce devoir pour contraignant et pour contrariant qu'il puisse être pour beaucoup d’entre eux. Encore que pour un électeur de gauche, l’habitue de s'y conformer ait eu tout le temps d’être prise depuis au moins la présidentielle de 2002.

Pour ma part, j’ai ainsi voté Chirac contre Balladur en 1995, Chirac contre Le Pen-père en 2002, Royal contre Sarkozy en 2007, et j’aurais voté pour le cheval de Caligula s’il avait fallu en passer par là pour écarter le personnage qui tenait lieu de président sortant en 2012.

Toutes situations qui tiennent au peu de mobilisation dont historiquement, la gauche a fait preuve pour dénoncer et combattre un système d’élection anti-démocratique qui réserve le second tour de la présidentielle à deux candidats seulement – et qui exprime à lui seul, à travers la religion de la majorité absolue qui le détermine, le caractère plébiscitaire du régime de monarchie élective de la V ème république. Sans ce système, l’alternative qui vous désole ne se présenterait pas …


VOTER BLANC ou s'abstenir, c'est arithmétiquement aider à un possible succès de la candidate de l'extrême-droite en minorant le total des voix qui, réunies, doivent lui faire barrage.

C'est donc, en fin de compte, et par défaut, aboutir à un ralliement à Mme Le Pen qui se confondra avec celui qu’annonce la pauvre Mme Boutin. Et avec celui qui soudera une fois encore les arriérés de "Sens Commun", et autres croisés d’un confessionnalisme catholique renaissant, autour de la candidature qui incarnera à leurs yeux la défense des ’‘racines chrétiennes’’ et d’une ‘’identité’’ se revendiquant du baptême de Clovis. Plus, bien sûr, pour les autres fantasmes nauséabonds et résurgences du pétainisme, la militance rétrograde de prétendues "valeurs traditionnelles", toujours vouées à prospérer sur la négation de la liberté de conscience et de la liberté d'être.

VOTER BLANC ou s'abstenir, tout au bout du reproche qu’on encoure, c'est enfin effectuer un choix qui dans ses effets, équivaut à mêler sa voix aux suffrages que confirmeront certainement au second tour les sieurs Zeymour et Ménard.


 En revanche, citoyen, vous avez raison sur un point - capital : "Il conviendra immédiatement de préparer les législatives pour porter à l’Assemblée Nationale les forces d’opposition qui viendront limiter les velléités libérales du programme de l’élu et de ses soutiens".

A ceci près, toutefois, que l'élection de l'Assemblée nationale n'est pas destinée à conforter une opposition. Mais à décider de la direction que suivra la République sur les cinq années suivantes, en désignant la majorité d'où sortira le gouvernement auquel il appartient constitutionnellement de déterminer et de conduire la politique de la nation.

Observation qui vaut pour autant qu'on se soucie des institutions - ce qui devrait être la moindre des choses pour un républicain -, et à la condition que le résultat du vote populaire conduise à ce que ces institutions soient respectées (ce qui ne leur est arrivé depuis 1958 qu'en période dite de cohabitation, sous la contrainte du rapport de forces politique qui caractérisent celles-ci).

La même raison constitutionnelle faisant que l'élection présidentielle n'a vocation qu'à désigner un citoyen digne d'exercer les missions d'arbitre et de gardien qui, dans notre Loi fondamentale, résument la fonction de président de la République.

Un critère de dignité et d’aptitude dont il serait très excessif, de la part d'un électeur républicain, de penser que M. Macron ne le possède pas (d'autant que l'honnêteté intellectuelle semble commander qu'on reconnaisse chez lui une certaine inclination à ne pas accentuer les divisions qui fracturent présentement la nation, et même à contribuer à les réduire significativement).

Il n’est fait appel ici à la prise en compte de ce dont est faite la fonction de président de la République, et à la préoccupation des règles constitutionnelles - qui serait unanimement partagée dans les démocraties modernes qui nous entourent -, que dans l’espoir que l’une et l’autre, au-delà des arguments strictement politiques, puissent aider à prévenir les démissions citoyennes que constitueraient au second tour l'abstention ou le vote blanc.

En espérant très ardemment, citoyen, que j'ai pu vous aider à faire le bon choix qui est attendu du citoyen républicain et de l'électeur de gauche que vous êtes.

Didier LEVY - 24 avril 2017

Publié sur Facebook ce même jour. 

[1]  où l’on voit qu’une belle chanson peut servir à poser une fausse question.



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