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dimanche 3 novembre 2019

LA JUSTICE EST SAISIE DES MANQUEMENTS DU MAIRE DE NEUILLY-SUR-SEINE A L’OBLIGATION QUI LUI EST FAITE DE RESPECTER LES LOIS QUI FONDENT LA LAÏCITÉ DE LA RÉPUBLIQUE.

Un signalement, en application des dispositions de l’article 40 du code de procédure pénale, de faits commis dans la ville de Neuilly-sur-Seine, département des Hauts-de-Seine, en violation de la législation en vigueur relative au caractère laïque de la République française.


Monsieur le Procureur de la République,

Par la présente lettre recommandée avec avis de réception, je porte à votre connaissance les faits suivants constitutifs de la violation susvisée :

- pour pas moins de 11 jours consécutifs, une place de la ville de Neuilly-sur-Seine vient d’être affectée à une manifestation cultuelle, au bénéfice de laquelle l’emprise concernée s’est trouvée de fait privatisée à des fins strictement confessionnelles.

- au motif de la fête de Soukkot, cet espace public a ainsi été quasi entièrement occupé par des constructions en bois dédiées à cette célébration religieuse et décorées comme telles, et plus particulièrement destinées à recevoir la figuration (Soukka) des Tentes auxquelles cette fête est dédiée.

- des constructions qui, de plus, ont rendu impossible la circulation des piétons au travers de la dite place, puisque, au milieu de celle-ci, les piétons se heurtaient à ces édifices dont l’implantation interdisait leur passage.

Il ressort de la situation ainsi créée : 

1 - que l’appropriation d'un site public pour des cérémonies et festivités confessionnelles est en contradiction flagrante avec la laïcité proclamée de la République, telle que cette laïcité est inscrite dans la Constitution et protégée par les lois qui l’organisent et la régissent.

Une contradiction notamment établie - pour les dispositions législatives qui, s’agissant du caractère laïque de la République, en forment l’arrière-plan historique le plus signifiant - par les articles 27, 28 et 29 de la loi du 9 décembre 1905 concernant la séparation des Eglises et de l'Etat.

L’article 28 disposant ainsi :

‘’ (qu’) il est interdit, à l'avenir, d'élever ou d'apposer aucun signe ou emblème religieux sur les monuments publics ou en quelque emplacement public que ce soit, à l'exception des édifices servant au culte, des terrains de sépulture dans les cimetières, des monuments funéraires, ainsi que des musées ou expositions ’’.

2 - que cette appropriation a été opérée sur autorisation du maire de Neuilly-sur-Seine. Une autorisation publiée sous la seule forme d’un avis affiché in situ.

Procéder sous la forme d’un simple avis, et non par la publication d’un arrêté municipal, incite fortement à penser que l’illégalité entachant cette autorisation était clairement perçue. Et qu’était prudemment tenu compte du peu de doute existant quant au fait que la juridiction administrative, saisie d’un tel arrêté, aurait annulé un acte aussi manifestement contraire au respect de la laïcité en lequel un maire a l’obligation de se tenir dans l’exercice de ses fonctions.

Sachant, en outre, que le maire de Neuilly-sur-Seine peut se voir reprocher d’avoir en l’espèce méconnu les fins assignées à la fonction de police municipale, telles que celles-ci sont définies par l’article L2212-2 du Code général des collectivités territoriales. En ce que les différents objets de la police municipale ont en commun de concourir à la prévention de « tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique » - la confessionnalisation d’un emplacement public comportant assurément le risque d’un trouble public, ou constituant par nature ce même trouble.

3 - que l’avis susmentionné, signé du maire et informant le public de l’affectation cultuelle que recevait l’espace public concerné, indiquait, sous cette signature, que la dite autorisation était donnée  pour une fête de la « communauté juive ».

Une assertion au demeurant inexacte en ce que, factuellement, ce sont seulement certains juifs religieux qui, pour leur propre obédience – investie d’une personnalité spirituelle très spécifique - ont sollicité du maire de Neuilly-sur-Seine, et obtenu illégalement de ce dernier, l'implantation et l'édification de l’agencement religieux correspondant à "leur Souccah’’ sur le domaine public détourné à cette fin.

Pour leur part, et à ce qui s’est vu ou su , les autres affiliations spirituelles et de sensibilité culturelle auxquels se rattachent respectivement les juifs pratiquants de la Ville, ont organisé leurs célébrations liées à la fête de Soukkot, dressage et aménagement de la Souccah inclus, dans des lieux et espaces à caractère privatif destinés ou ajustés à cet usage - comme il se doit tout naturellement s'agissant de rites et de manifestations cultuelles.

Et, surtout, une assertion qu’invalide un démenti catégorique : il n'existe pas, il ne saurait exister, de "communauté juive’’ à Neuilly-sur-Seine - pas plus qu'ailleurs sur tout le territoire de la République française. Une récusation dont le principe est de portée constitutionnelle, et dont le pendant consacre une République « Une et Indivisible ».

Un principe qui s’enracine depuis la Révolution dans la conception française de la Nation. Une conception que la République a fait sienne et dont elle n’a jamais rien retiré.

Et qui a été formulée dès les débats de l’Assemblée Constituante de décembre 1789 : tous les individus, quelle que soit leur croyance, sont des citoyens égaux, mais rien ne doit faire écran entre les individus et la Nation - aucune ‘’nation particulière’’, et en particulier se référant à une appartenance religieuse, ne peut se constituer au sein de la ’’grande Nation’.’

L’énoncé de cette conception sans doute le plus clair a été, au reste, fourni par un très éminent rabbin : « En France, il n’y a qu’une communauté, la nation ».

4 - que la violation de la législation relative à la laïcité qui fait l’objet du présent signalement a connu en 2018 un précédent qui peut être considéré comme tout aussi grave et tout aussi exemplaire.

La même place de la ville de Neuilly-sur-Seine qui vient d’être réservée à une manifestation cultuelle a en effet vu son nom d'origine - "Place Beffroy" - être changé l'an dernier en celui de "Place Joseph Sitruk, Grand Rabbin de France". La proposition en ce sens du maire ayant été approuvée – sans vote - par le conseil municipal le 28 juin 2018 (postérieurement à l’inauguration de la place sous sa nouvelle dénomination, intervenue, elle, en date du 13 mai 2018[1]).

C’était bien là une première violation, et tout aussi flagrante, des dispositions précitées de l’article 28 de la loi du 9 décembre 1905.   

Les interpellations publiques faites alors en vain de ma part à son sujet – en direction des autorités publiques et des médias, ainsi entre autres que sur les réseaux numériques) ont notamment mis en avant ce rappel d’une notion républicaine tout à fait élémentaire : si tout justifie assurément qu'on attribue le nom de l'abbé Pierre à une rue ou autre voie ou emplacement publics, au regard de l'action sociale et humaine et des combats politiques correspondants que celui-ci a menés sa vie durant, en revanche, les principes et les règles qui entourent la séparation de l'Etat républicain d'avec les cultes, excluent qu'on puisse donner, par exemple, au parvis de Notre-Dame l'appellation de "Place du cardinal Lustiger".

Une position explicitée dans mon intervention auprès du préfet des Hauts-de-Seine, par LRAR du 20 juin 2018, qui outre la démonstration du manquement aux dispositions de l‘article 28  de la loi de 1905, faisait grief à la décision de donner à la place en cause le nom de Joseph Sitruk :

‘’ (…) eu égard au fait que celui-ci n’est cité dans cette distinction qu’au seul titre de ses mandats successifs de Grand Rabbin de France.

‘’Ce qu’expose, mot pour mot, la plaque à son nom apposée en l'ex-place Beffroy. Consacrant de la part de la mairie de Neuilly-sur-Seine une reconnaissance publique d’un mérite attaché à l’exercice de fonctions et de dignités strictement confessionnelles.

‘’Cette reconnaissance contredit manifestement l’intention de l’article 2 de la loi du 9 décembre 1905 qui a posé que « La République ne reconnaît, (…) aucun culte »’’.

Pour illustrer mon argumentaire d’un contre-exemple, je signalais aux autorités publiques deux dénominations substitutives qu’il serait convenable de retenir si l’on voulait que l’appellation de la ci-devant place Beffroy comportât une connotation de reconnaissance et d’hommage :

·       soit vis-à-vis de la citoyenneté des Français de confession, de culture ou d’origine juive,

·       soit quant aux persécutions ayant frappé ceux-ci et à l’aide qu’ils avaient alors reçue de leurs concitoyens,

> c'est-à-dire, respectivement, « PLACE DE L’ABBÉ GRÉGOIRE » et « PLACE DE L'HOMMAGE DE LA NATION AUX JUSTES DE FRANCE [2]».

5 – que l’atteinte portée à la laïcité qui se trouve constituée dans les deux décisions prises par le maire de Neuilly-sur-Seine et analysées ci-avant, voit sa gravité singulièrement accrue par le contexte de communautarisation confessionnelle qui particularise le périmètre de rues alentour de l’ex-place Beffroy, siège de chacun de ces manquements à la laïcité et de leur répétition à un peu plus d’un an d’intervalle. 

Une communautarisation que le même maire a laissé se développer, sinon soutenue, en donnant à penser qu’il la validait en tant que revendication religieuse identitaire. Un développement qui, au fil des ans, a impacté le quartier concerné de façon de plus en plus étendue et ostensible au point d’en modifier profondément la physionomie - par la concentration de plusieurs lieux de culte (à deux rues d’écart) ainsi que d’établissements scolaires pratiquant un confessionnalisme exclusif[3] et, en quelque sorte par voie de conséquence, de multiples commerces en lien direct avec la pratique cultuelle.

Un processus qui appelle les observations et mises en garde suivantes[4] :

> Il suffit, pour mesurer les risques afférents à l’exposition d’un phénomène de communautarisation - et spécialement si celle-ci se revendique de telle croyance ou observance - d'avoir interrogé les réactions des riverains et passants découvrant que la "Place Beffroy" était devenue la "Place Joseph Sitruk". Puis leur sentiment à la vue de cette même place réservée, plusieurs jours durant, à une célébration de juifs ‘’religieux’’.

> Les critiques entendues donnent à surprendre dans un grand nombre de cas (hors réactions foncièrement antisémites très isolées), une ‘’remontée’’ spontanée de préjugés, ordinairement inertes ou enfouis chez de braves gens, visant les juifs et se référant à leur emprise sur la société ou les considérant comme un corps étranger.

> En un moment où le débat public agite ses passions, dont les pires, sur le sujet du communautarisme religieux, et sur les questions connexes – dont celle de la neutralité confessionnelle dans l’espace public, convoquée à plus ou moins bon escient, ou clairement à contresens -, rien n’est assurément plus imprudent, sinon plus irresponsable, que de délibérer le choix de transgresser les règles sur lesquelles repose la laïcité.

Outre la commission d’actes arrêtés sur ce parti que leur illégalité voue à invalidation, cette transgression comporte la méconnaissance de ce que la laïcité, dans son principe, constitue le premier barrage aux revendications ou aux prétentions identitaires qui sont sourcées dans des séparatismes de référence confessionnaliste. Garantissant conjointement la liberté de conscience et le libre exercice des cultes, elle dresse ce barrage en s’adossant à l’affirmation de l’égalité des droits et à la notion républicaine sur laquelle se définit la nation.

Le cas d’espèce qui s’est fait à jour dans la ville de Neuilly-sur-Seine confirme cette constante qui veut qui tout groupe qui est porté, ou poussé, à apparaître sociétalement distinctif par l’exposition d’un différencialisme sur lequel il se réunit et tend à s’identifier, se voit imputer un communautarisme séparatif. Tout spécialement si ce différencialisme est de nature cultuelle, et que cette nature soit de manifestation ostensible ou ostentatoire.

> Par là, la double violation perpétrée par le maire de Neuilly-sur-Seine à l’encontre de la législation qui consacre le caractère laïque de la République, revêt une dimension évidente de risque social : le risque de voir les composantes du judaïsme qui, dans la Ville,  bénéficient des complaisances que le dit maire leur dispense illégalement, être irrémédiablement tenues, et en cela suivant la terminologie utilisée par l’intéressé, pour une communauté tout à fait ‘’à part ‘’.

Et partant d’être l’objet, avec en toile de fond une résurgence de l’antisémitisme tel que celui-ci a été nourri au long des siècles, de réactions instinctives de rejet et de manifestations croissantes d’hostilité. Les unes et les autres pouvant devenir de plus en plus agressives et extrémisées dans leurs formulations – et s’agissant de ces formulations, voisines de celles qu’empruntent les théories et les discours poussant actuellement à l’exclusion des Français musulmans, ciblés pour cette qualité à travers la visibilité spécifique de leur croyance (dont, à l’instar de toutes les autres, la République s’est donné l’obligation constitutionnelle de veiller au respect).

Les complaisances susvisées du maire de Neuilly-sur-Seine possédant ce facteur très aggravant que l’encouragement à des pratiques cultuelles communautaires qu’elles activent s’adresse à des familles du judaïsme, ou à des sensibilités, qui ne s’intègrent pas dans la conception de la Nation que la République a fait sienne.

Se distinguant ainsi des juifs entrés dans la citoyenneté française en 1791, ou ayant rejoint celle-ci de la fin du XIX ème siècle aux premières décennies du XX ème - après avoir fui les pogroms et les persécutions sévissant respectivement de la Russie tsariste à l’Europe centrale et orientale, ou pour avoir espéré en son refuge contre l’hitlérisme -, qui dans leur diversité ont globalement adhéré, en matière civique et du point de vue d’une civilité républicaine, à une démarche assimilationniste.  

Pour toutes ces raisons, les manquements à la laïcité qui sont portés par mon signalement soulignent que leur auteur a voulu ignorer les conséquences potentielles qui s’y attachent : le concours apporté localement à l’affaiblissement du corpus républicain et, corrélativement, la probabilité, ou la perspective, de fracturations communautaristes et d’exclusions sociétales dans la ville dont il est le premier magistrat.

Quelles que soient les motivations de cette ignorance, il paraîtrait plus qu’inconséquent  de laisser le détenteur d’une autorité publique ajouter dans son ressort des différencialismes séparatifs, et par conséquent de prédictibilité conflictuelle, à ceux déjà issus des divers référentiels religieux ; et en premier lieur de ceux qui prétendent modeler et forger des identités collectives - qu’ils viennent d’un islam fondamentaliste ou d’un ségrégationnisme historicisé qui s’invente pour racines la  filiation de ses adeptes avec le baptême de Clovis … 

C’est sur ces considérations que peut se justifier un rappel à la loi de nature à dissuader le maire de Neuilly-sur-Seine de récidiver dans ses violations de la législation relative à la laïcité. Des violations dont j’ai tenu, monsieur le Procureur de la République, à vous informer des conditions dans lesquelles elles ont été commises, ainsi que des effets qu’elles sont tout à fait susceptibles de produire.

Des effets à ce point dommageables à la tranquillité publique – dans les acceptions les plus signifiantes de notion -, qu’ils appellent à mon sens l’attention du ministère public au titre de la mission générale dont celui-ci est chargé de défendre les intérêts de la collectivité nationale.

Au vu des mêmes effets, il me semblerait profitable - et d’abord vis-à-vis des riverains et des passants dont j’ai parlé ci-avant -, que ce rappel à la loi soit affiché pendant une durée suffisante, à la charge et sous la responsabilité de la municipalité de Neuilly-sur-Seine, sur le lieu même où les dispositions illégales prises par le maire de Neuilly-sur-Seine ont été publiquement exposées.

Je joins à ce courrier le texte intégral de l’interpellation publique dont j’ai tout récemment pris l’initiative sur le sujet de mon signalement, tant en direction de concitoyens dont je connaissais l’attachement aux principes républicains et au respect de la loi, que sur les réseaux numériques. Le maire de Neuilly-sur-Seine en étant destinataire en copie.

Cette interpellation se compose d’une « LETTRE OUVERTE À M. LE MAIRE DE NEUILLY SUR SEINE », sous-titrée « EN FRANCE, IL N’Y A  QU’UNE COMMUNAUTÉ, LA NATION », et, dans un format plus resserré, d’une « ADRESSE au (…) maire de Neuilly-sur-Seine, au nom du refus du communautarisme et de la défense de la laïcité ».

Je donne également le ‘’lien’’ qui donne accès à ce texte en sa forme de pétition que je lui par ailleurs donnée. Sous cette forme, figure une vue photographique qui rend exactement compte de l'impact in situ du manquement du maire de Neuilly-sur-Seine à l’obligation de respecter la laïcité de l’espace public :



Je vous suis par avance obligé de l’attention et de la suite que vous pourrez réserver à la présente lettre porteuse de mon signalement à votre intention, et je vous prie de recevoir, monsieur le Procureur de la République, l’expression de mes salutations très respectueuses.


Didier Lévy


Copie : monsieur le maire de Neuilly-sur-Seine


P.J. :
- LETTRE OUVERTE À M. LE MAIRE DE NEUILLY SUR SEINE
- ADRESSE au  maire de Neuilly-sur-Seine





[1] Une inauguration effectuée dans des conditions rendant encore plus insigne l’atteinte qui était portée à la laïcité, puisqu’elle s'est déroulée en présence d'une ministre de la République en exercice accompagnée du préfet des Hauts-de-Seine.
[2] Cf. le texte de l’inscription inaugurée dans la crypte du Panthéon, le 18 janvier 2007, par Jacques Chirac, Président de la République, et Simone Veil, présidente de la Fondation pour la Mémoire de la Shoah.
[3] Lieu de culte et écoles présentement fermés pour des travaux de reconstruction qui sont engagés depuis ces derniers mois.
[4] Sans insister sur le constat d’une discrimination qui s’y ajoute : en renvoyant aux réactions qui se feraient jour si l’exposition communautaire ici décrite était le fait de Français musulmans - hypothèse qui, à l'identique, se désignerait comme radicalement contraire à la conception républicaine de la nation.