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mardi 31 mars 2015

NOUVELLE LETTRE A UN AMI COMMUNISTE Droits nouveaux et vertu républicaine par Martin AVAUGOUR


Le 30 mars 2015
« Je pense qu'il faut un ou une (…) porte voix pour cette gauche qui se cherche, communiste ou pas, mais (…) en phase avec un esprit de tolérance et de rassemblement que nous recherchons. (…). Il lui faut un binôme et une femme serait bien. Pourquoi pas une socialiste ou une verte, de gauche et respectueuse de ses partenaires évidemment ? ».


Cher camarade et complice,

L'idée du binôme mixte me semble excellente !

J’y ajoute ceci.

Sur le fond, je pense plus que jamais que l'acte fondateur du rassemblement que nous espérons doit-être de s'atteler à la rédaction d'une DÉCLARATION DES DROITS, texte inaugural d'une ère nouvelle comme en 1789 et en l'An 1, ou comme on avait été tenté d'en faire la réplique en 1946 dans la continuité des idées et du programme de la Résistance.

Si j'étais en mesure de lancer un appel, ce serait celui qui exhorterait à prononcer un nouveau "Serment du Jeu de Paume" : ouvrir le rassemblement en menant à son terme l'établissement de cette déclaration constitutive d'un pacte républicain ressourcée, d'un nouveau contrat social et d'une citoyenneté  réellement ajustée sur la devise initiale de la République : Liberté et Égalité.

Pour le reste, il me paraît essentiel - c'est l'arme la plus indispensable contre le discours type "tous pourris" du FN - de mettre au tout premier rang de l'argumentaire du rassemblement la référence à la "vertu républicaine".

Honnêteté, probité, simplicité ... les composantes sont archiconnues. L'impératif tient dans une pédagogie du civisme républicain qui rende impensable qu'un élu ou quelque autorité de la Nation que ce soit puisse tirer un avantage personnel, matériel ou d'ostentation/arrogance/suffisance, de la fonction ou de la magistrature qui lui est confiée.

Et qui proscrive toute attitude, tout comportement où puisse se distinguer le bénéfice d'un privilège octroyé ou auto-octroyé, ou seulement une inclination à se distinguer de ses concitoyens, au delà de ce qui découle de la responsabilité exercée, en termes d'honneurs rendus à sa personne ou d''éléments de confort. 

Autrement dit - pour donner un exemple disons "tout bête", qu'un personnage public de la République soit déconsidéré et en quelque sorte délégitimé dans son républicanisme du seul fait qu'il utilise une grossissisme berline pour parcourir le kilomètre et demie qui doit séparer l'Hôtel de Matignon du palais de l'Elysée (la République ne devrait au reste pas se loger dans des palais, et surtout pas dans celui-ci où a été organisé le coup d'Etat du 2 décembre 1851), au lieu du petit véhicule (hybride de préférence et fabriqué en France, suivez mon regard ..) qui convient pour des trajets intra urbains.

Si tant est qu'une exigence de sécurité lui interdise à jamais de prendre le métro - il n'y a après tout qu'une station ! - ou d’utiliser un Vélib' ou ses pieds pour une bonne hygiène de vie.

Et encore plus si on le voit poser tout sereinement son cul sur la spacieuse et confortable banquette arrière, c'est à dire derrière son chauffeur, en marquant bien ainsi la différence de rang et de statut qui le sépare de ce dernier, différence qui pour lui va tellement de soi qu'il ne lui viendrait pas à l'esprit de s'intéresser plus que cela aux formes et moyens par lesquelles elle se traduit au quotidien (pour autant qu'aucune n'est négligée) - le dit chauffeur conservant bien sûr, la faculté de faire valoir qu'il préfère, pour sa tranquillité, avoir son patron à l'arrière !). ,

Un ministre de la république, un directeur de ministère, un dirigeant d'entreprise publique ne saurait afficher des comportements qui renvoient immanquablement à l'image des grands seigneurs et autres petits marquis montant à Versailles dans leurs carrosses, un valet leur ouvrant la porte de celui-ci et le cocher, autre individu de condition intérieure , étant voué, lui, à se tenir à l'extérieur par gel, averse ou cagnard.

Au risque de paraître jouer les ayatollahs, c'est l'ensemble des manquements la simplicité républicaine que je destinerais à la même prohibition ;  non seulement les voitures de fonction, ou les appartements de fonction alloués sans nécessité fonctionnelle impérative, mais la multitude des petits avantages qui font perdre à leurs bénéficiaires l'idée même de cette simplicité républicaine : des repas dans les restaurants offerts à des journalistes, à des élus locaux de passage, à des collaborateurs-courtisans, et autres patrons ou grands noms des agences de com', jusqu'aux cafés, rafraîchissements ou verres de whisky préparés et servis par une secrétaire dont la condition féminine conduit tout naturellement à penser que ce service de table, ou en l'espèce de boisson, fait partie intégrante, sans préjudice d'éventuelles autres taches de domesticité, des fonctions pour lesquelles elle est rétribuée par la république.

Je passe, voulant par un parti-pris de confiance les tenir pour l'exception, sur les cigares achetés sur les crédits du ministère, sur les avions privés affrétés au motif que les horaire des lignes régulières ne conviendraient pas à tel haut dignitaire - et c'est tellement plus ""chic"" d'arriver dans un DOM en avion privé, à défaut d'un appareil de la flotte ministérielle ...

Je trouve - en essayant de ne pas tomber dans la qualification du délit de sale gueule - qu'il y a une forme de mise en visibilité de cette dé moralisation de la vie publique, au regard des principes de la vertu républicaine, qui se manifeste. dans la mauvaise graisse qui enrobe une partie des dirigeants politiques de la droite et du PS. Effet notable des repas fins, et arrosés avec un goût très sûr, qui leur sont payés par leurs frais de présentation, ou par la caisse de leur parti ou de leur groupe, elle signifie bien autre chose : qu'un certain type d’avachissement et plus particulièrement peut-être de bouffissement (je risque ce néologisme) physique traduit un relâchement du caractère  - et pour un personnage public, ce relâchement du caractère, qui s'imprime d'abord sur le visage, conduit bien souvent, outre à l'abandon de ses convictions, à un relâchement éthique irrémédiable.

Je n'exagère pas l'importance cette problématique par rapport aux turpitudes et aux rémunérations obscènes des patrons du CAC 40, par rapport aux inégalités, aux injustices de tous ordres et à la souffrance sociale qui ronge le pays.

Mais je pense qu'il existe sur ce sujet une attente considérable, quoique pour partie non explicitement formulée, parmi nos concitoyens, et parmi les électeurs de gauche en tout premier lieu. De plus, la thématique de la ''vertu républicaine'' appartient à l'héritage que nous a légué la convention montagnarde qui l'a placée à la base même de l’adhésion à la République et en a fait l'obligation attachée par excellence au service que le citoyen est appelé à rendre à celle-ci  - à quelque niveau de responsabilité que ce service soit rendu.

Donnons à cette thématique, et à l'impératif qu'elle remet sur le devant du débat public, toute sa place dans la construction d'une gauche authentique et solidement unie dans le corpus d'idées, de résolutions et de projets sur lequel son authenticité se sera bâtie.

Salut et fraternité.
Amitiés.

Martin AVAUGOUR

30 mars 2015