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vendredi 31 mars 2017

Adresse d’un électeur de gauche aux citoyens Hamon et Mélenchon.



PEUT-ON ÊTRE DE GAUCHE
ET NE PAS ÊTRE RÉPUBLICAIN ?

Question dont la réponse, négative, tombe a priori sous le sens. Et pourtant …

On ne peut pas être républicain et s’accommoder de la monarchie élective léguée par le Général de Gaulle.

 On ne peut pas être républicain et s’inscrire dans la logique plébiscitaire sur laquelle la V ème république fait reposer le pouvoir personnel qu’elle institue.

Simplement parce qu’être républicain, c’est porter, incorporée à toutes fibres de son être, une exécration irréductible et absolue à l’encontre de toute forme de pouvoir de personnel.

 On ne peut pas être républicain et se résigner à ce que la constitution de son pays soit violée depuis le jour de sa promulgation. La confiscation des attributions du gouvernement et du Premier ministre par le président de la République, l’usurpation du pouvoir exécutif -  inconcevable dans tout autre état démocratique – qui en est l’effet, peuvent-elles laisser indifférents quiconque se réclame de la République et du républicanisme ?

Indifférent ou inattentif alors qu’elles constituent, davantage encore qu’un ‘’coup d’Etat permanent’’, une forfaiture continue : une forfaiture commise (hors périodes de cohabitation) depuis la mise en place de la constitution de 1958. Une forfaiture pour la raison que la première mission confiée aux présidents de la République est de veiller au respect de la Constitution. Alors que ceux-ci n’ont cessé de la piétiner.

 Et pourtant cette forfaiture qui la relève encore ?

Deux générations ont été à ce point tympanisées des mérites de la Vème république qu’à quelques exceptions méritoires près, elles n’ont plus l’idée d’exercer leur sens critique à son égard. Et vis-à-vis de ceux, en nombre de plus en plus réduit, qui persistent à opposer à la concentration des pouvoirs entre les mains du président de la République qu’aux termes de la Loi fondamentale, le gouvernement « détermine et conduit la politique de la Nation » et que « le Premier ministre dirige l’action du gouvernement », la réplique est invariablement la même : ils ignorent ‘’l’esprit des institutions’’.    

Ou comment justifier l’injustifiable par un argument dont la seule force réside dans la répétition quasi unanime dont il fait l’objet depuis un demi siècle. Mais qui demeure ce qu’il est : un non sens juridique. A-t-on déjà vu que l’esprit d’une loi puisse signifier exactement et radicalement le contraire de ce que la lettre de cette loi énonce ?

Que tous les présidents se soient installés dans la violation de la Constitution par laquelle le fondateur de la Vème république a ramené tous les pouvoirs de gouvernement entre les mains du président de la République – en entendant que ce dernier les exerce ou les délègue -, et que premiers ministres et ministres en soient venus à se flatter de la ‘’feuille de route’’ que le ‘’chef de l’Etat’’ (désignation antirépublicaine par essence et à l’endroit de laquelle le général de Gaulle a eu autant de prédilection que Philippe Pétain) leur délivrait dans des domaines que la Constitution confiait à leur décision, n’est finalement peut-être pas le pire.

Ce pire réside, du moins dans le moment immédiat, en le constat que nous avons sous les yeux : une fois encore, tous les candidats à l’élection présidentielle, y compris les candidats les plus républicains – Jean-Luc Mélenchon en tête, pourtant le censeur le plus affirmé de la Vème république et de sa pratique - se présentent devant le corps électoral avec un catalogue de propositions dont les neuf dixièmes, au minimum, concernent des sujets où le président de la République n'a aucune compétence constitutionnelle pour intervenir. Sauf si sa mission d’arbitre ou celle de garant légitiment qu’il s’en mêle.

Des sujets et des matières où la mise en œuvre de telle ou de telle politique doit être exclusivement déterminée par le résultat des élections législatives, et donc être l'affaire de la majorité qui en sortira ou qui sera formée à leur suite, et du gouvernement que celle-ci soutiendra.

 Un constat doublement accablant pour un électeur de gauche. D’abord par ce qu’il révèle de l’effondrement qu’a subi l’esprit républicain.

On ne peut certes pas envisager raisonnablement que le républicanisme conduise ses défenseurs à boycotter les élections concourant au fonctionnement d’un régime plébiscitaire et inconstitutionnel. Ni reprocher à ces défenseurs de ne pas s’être retranchés dans ce boycott dès la première violation de la Constitution de 1958.

Reste qu’ils auraient pu davantage, et qu’ils devraient davantage, rappeler dans leur mémoire le souvenir - oh combien exemplaire - du Victor Hugo d’Ultima Verba qui, lui, ne retira rien, depuis son exil et pendant deux décennies, à sa condamnation irrévocable du coup d’Etat du 2 décembre. Au moins n’auraient-ils ainsi pas déserté le procès en illégitimité que tout républicain doit faire au système de la Vème république. Ou n’auraient-ils pas méconnu l’obligation qui leur incombait de plaider ce procès non seulement par leurs paroles et leurs propositions, mais en premier lieu par leurs actes.

Ensuite, et corrélativement, parce qu’il démontre que la cause première de la situation absurde et suicidaire qui voit deux candidats de gauche – authentiquement de gauche – se livrer entre eux à une compétition électorale dont l’enjeu est la 4 ème place, éliminatoire, du scrutin du 1er tour, tient à l’ignorance dans laquelle ils campent l’un et l’autre : celle de l’inconstitutionnalité qui entoure la concurrence de leurs programmes.         

Ignorance ou déni du fait qu’ils n’ont aucun programme à promouvoir en tant que candidat à l’élection présidentielle, sauf à s’inscrire dans la violation de la Constitution qu’il leur revient de dénoncer au nom de la gauche et du républicanisme.

Et sauf à nous jouer la farce qui consiste à critiquer ou à s’engager à remplacer les institutions dévoyées de la Vème république, tout en faisant comme si le départage entre leurs projets appartenait à l’élection présidentielle, alors que la lettre et l’esprit de ces mêmes institutions, dont le respect s’impose à ce jour à tout républicain malgré les outrages qu’elles ont connus, sont de nature parlementaire - et que ce départage ne saurait par conséquent intervenir de la part des citoyens que lors du scrutin des élections législatives.

Se conformeraient-ils à cette logique parlementaire de la Constitution et à l’économie de la séparation des pouvoirs que fixe celle-ci, que leurs candidatures rivales leur sembleraient sans doute moins indispensables au salut de la Gauche, de la République et de la Patrie. Et que mettant fin à des mois d’aveuglement, ils reporteraient la compétition entre leurs programmes sur le terrain qui lui est réservée.  

Dès lors le désistement qui commande une candidature unique de la gauche à la présidentielle leur paraîtrait probablement un épisode somme toute secondaire – façon aussi de dire que la composante en forme de querelle d’ego que comporte l’impraticabilité actuelle de cette candidature unique aurait une chance sérieuse de se déliter …

Le seul point qu’ils auraient véritablement à négocier porterait sur le processus devant amener le peuple français à se prononcer sur la constitution de la VIème république. Processus sur lequel le candidat à la présidence de la République aurait à s’engager vis-à-vis des citoyens, dans la mesure où, s’il était élu, le dernier mot en la matière lui reviendrait si nécessaire, de par la faculté que lui donne l’article 11 de la Constitution de soumettre le projet constitutionnel au référendum.  

¤ Les considérants de cette Adresse décrivent un scénario qui relève malheureusement sans doute de la politique fiction. Ce scénario peut au moins revendiquer l’avantage de sa cohérence dans la mesure où il fait apparaître que l'issue de l'élection présidentielle – à travers les singularités et les surprises qu’est susceptible de produire le chaos politique présent - pourrait être de rendre aux élections législatives leur vocation normale dans les institutions approuvées par le peuple français en 1958. Un avantage qui, au reste, vaudrait vraisemblablement quel que soit le candidat qui l'emporte en définitive.

¤ Avec cependant cette réserve que la loi électorale et le seuil d’élimination en pourcentage de voix par rapport aux inscrits qu’elle fixe à un niveau trop élevé au 1er tour des législatives, risquent fort de reproduire dans nombre de circonscriptions le caractère de loterie que présente le 1er tour de l’élection présidentielle. Les effets pervers du scrutin majoritaire s’en trouvant démesurément grossis, surtout si l’abstention est élevée, à l’instar de ceux de la prime majoritaire, également excessive, appliquée aux dernières élections régionales. Les élections législatives perdraient là en légitimité républicaine ce qu’elles auraient gagné en importance politique.

Ce risque, que le culte ou l’addiction de la Vème république pour la majorité absolue, reflet direct de sa nature plébiscitaire, a attaché aux dispositions électorales en vigueur, ne connaît évidemment d’autre parade qu’un changement de ces dispositions.

Mais il ne pèse pas suffisamment au regard du défi d’unité que la gauche a à relever d’ici au 1er tour de l’élection présidentielle pour que la présente Adresse retire quoique ce soit à la vocation qu’elle s’est donnée : intimer aux citoyens Hamon et Mélenchon de se conformer aux compétences constitutionnelles du président de la République, et de cesser par conséquent de concourir l’un contre l’autre dans l’élection à cette fonction sur des options politiques entre lesquelles il revient aux citoyens, et en premier lieu aux électeurs de gauche, de choisir lors du scrutin législatif.

Scrutin qui non seulement est ‘’fait pour ça’’ mais se trouve être le seul vote national authentiquement républicain sous la Vème république.        

Didier LEVY – 31 mars 2017


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 Une publication du site ‘’penserlasubversion’’