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dimanche 22 juin 2014

INÉGALITÉ.

INÉGALITÉ.

S’il y a un temps pour l’accablement et un temps pour la colère, autant faire qu’ils se rejoignent et se confondent.

 Temps de l’accablement

Creusement continu des inégalités, progression et aggravation de la pauvreté, violence sociale à travers le chômage et la précarité, démantèlement de la protection sociale, médecine à deux vitesses avec ce que cela entraîne comme entraves croissantes à l’accès aux soins, SDF et mendicité scandaleusement exposés dans l’espace public comme le déchet naturel, et somme toute normal, du seul système économique pertinent et qui figurent la menace de déclassement et d’exclusion pesant jour après jour sur les catégories les plus faibles ; mais aussi fragilisation de plus en plus marquée de la citoyenneté par l’affaiblissement inexorable de l’Etat devant les intérêts privés, par sa soumission aux dogmes et aux ukases du marché et, consécutivement, par son renoncement à incarner le bien commun - triple démission de l’intérêt général dont témoignent en premier lieu la rétractation, la paupérisation et la dénaturation des services publics ; à quoi s’ajoutent le dénuement éducatif et culturel, l’exclusion des plus jeunes par défaut de formation, la vindicte orchestrée contre les minorités vulnérables qui se trouvent systématiquement ciblées en raison de leur origine et de leur couleur de peau … le paysage autour de nous n’évoque plus la fracture sociale mais, encore plus gravement, une multiplication des traumatismes sociaux et sociétaux, tous profonds et violents, et, corrélativement, l’édification de barrières que les groupes, les classes et les corps érigent autour d’eux dans une aspiration, ou une résignation, à un mode ré inventé d’apartheid et dans un enferment haineux, et potentiellement agressif, de chacun dirigée contre tous. Classes menacées contre classes dangereuses, le capitalisme a de tout temps pratiqué cette sociologie-là qui en pratique, seconde si bien à la défense de son pouvoir : sa version présente, son actualisation, épouse un mot d’ordre qui parvient à l’emporter en cynisme en ce qu’il étaye la marche arrière sociale vers la précarité et la pauvreté sur l’exhortation et l’injonction faites aux démunis et aux exclus de se faire la guerre entre eux.

Sur les sommets de la pyramide sociale, d’où partent, vers toutes celles et tous ceux qui subissent la régression sociétale et la désintégration du contrat social, les sommations inlassablement répétées d’avoir à se résigner à la dureté des temps et aux sacrifices que celle-ci impose, autrement dit d’avoir à se plier sans hésitation ni murmure aux réalités et aux contraintes auquel le nouvel ordre économique mondial  et mondialisé enjoint de se soumettre, il n’est question d’aucun renoncement, d’aucun effort, d’aucun partage. Ni solidarité ni égalité, fût-ce seulement dans le moment d’une épreuve commune, n’y sont concevables. Simplement parce que ce sont là les deux mots qui sont depuis toujours ignorés et bannis, sinon haïs, dans cette caste et parmi les multiples cercles d’intérêts qui gravitent autour d’elle.

Observation à laquelle on reprochera peut-être son caractère doctrinaire mais que conforte et valide le spectacle quotidien de mon paysage urbain - j’habite une banlieue des plus favorisée, il est vrai (et je le confesse).

Face à cette ‘’crise’’ dont on ne cesse pas de sortir, ou d’annoncer qu’on va sortir, depuis quatre décennies (variante : face à la ‘’perte de compétitivité’’, ou au regard du ‘’pacte de stabilité’’), quel renoncement, quel effort, quel partage sont consentis, ou supportés, par ces citoyens opulents qui circulent en luxueuses et volumineuses limousines germaniques, ou dans ces imposants SUV et autres 4x4 de très haut de gamme lancés intrépidement à l’aventure dans les avenues des beaux quartiers parisiens ou de la banlieue Ouest - sans parler des possesseurs de Porsche ou de Ferrari (dont je vois au moins un spécimen chaque jour) ?

Confrontation du possédant et de l’inégalité dont il prospère.

Et qu’éclaire cette formule de Saint-Just, qui me frappe plus encore par sa justesse que par son implacabilité :  

« L’opulence est une infamie ».

Temps de la colère, cette fois.


Martin AVAUGOUR
   
     21 06 2014
                                                                                 


lundi 26 mai 2014

EUROPÉENNES 2014 : observation sur un désastre qui était annoncé


Observation institutionnelle et démocratique sur un désastre qui était annoncé

En régime parlementaire - i.e. dans une démocratie majeure conforme aux standards européens - le chef de l'exécutif - i.e. le premier ministre - se serait démis de ses fonctions à l'annonce des résultats d'hier soir du PS aux élections européennes versus la nouvelle poussée du FN.

Sans attendre d'être démis par son groupe parlementaire ou par les instances dirigeantes de son parti. Ou de voir sa majorité à l'Assemblée nationale exiger son remplacement sous peine de se disloquer.

On aurait donc, dès cette semaine, un vote pour la désignation du nouveau leader du parti, qui deviendrait automatiquement le nouveau premier ministre.

On peut imaginer que le choix opposerait les candidatures de Manuel Valls et de Martine Aubry. Le premier ayant probablement de bonnes chances de l'emporter si la désignation appartenait au groupe parlementaire PS, la seconde si cette désignation revenait aux adhérents du parti.

Et dans cette élection interne, chacun des candidats défendrait sa ligne politique et les alliances sur lesquelles celle-ci reposerait.

Pour pousser un peu plus loin ce scénario de politique-fiction, il est imaginable, les ego politiques étant ce qu'ils sont, qu'Arnaud Montebourg se proposerait de tenir la place d'outsider ...

Au lieu de ce schéma démocratique, notre monarchie constitutionnelle élective garantit l'irresponsabilité politique du chef de l'exécutif. Un privilège qui a progressivement disparu dans tous les états européens entre le XIX et le XX ème siècle, au fur et à mesure que la démocratie s'y affermissait et s'y établissait.

La France, sous les institutions de 1958 (non pour leurs dispositions inscrites dans le texte approuvé par référendum, mais pour la pratique qui en a été faite via la confiscation de la fonction exécutive par le Président de la République au détriment du Premier ministre - confiscation fondatrice du "coup d'Etat permanent"), en est restée à la conception orléaniste qui avait prévalu en 1873 avec le vote de la loi sur le Septennat qui, dans l'attente de la Restauration programmée, assurait au maréchal de Mac Mahon que sa responsabilité ne pourrait pas être engagée devant l'Assemblée (laquelle venait d'user de ce droit pour contraindre Adolphe Thiers, jugé trop républicain, à se démettre).

Anachronisme et arriération de notre système politique ...

Le drame tient à ce qu'il n'est pas seulement régressif mais qu'il fait obstacle, jusqu'au terme du mandat présidentiel en cours, à tout changement de politique à même de répondre aux immenses défis démocratiques, sociétaux, économiques et de protection sociale que les résultats du scrutin européen ont sur-surlignés.

Et à ce que, sauf convulsion politique majeure, le mandat à durée déterminée qui protège le chef de l'exécutif  diffère le moment d''engager le choix radical de nouveau modèle économique, social, énergétique et environnemental que la gauche, dans toutes ses composantes, a vocation de porter.

Etant malheureusement entendu qu'au terme constitutionnel du mandat de François Hollande, que l'échéance soit celle de l'élection présidentielle de 2017 ou, auparavant, la convulsion politique sus considérée, l'échec du PS et de son candidat de 2012 auront pour effet que les changements et les réformes qui seront alors mis en oeuvre porteront la marque de la droite - et de la droite la plus libérale, la plus doctrinaire et la plus résolument déterminée à préserver et à accroître les inégalités et les privilèges.

Ultime remarque.

L'état actuel des choses apporte au moins une certitude : celle que le système des "primaires" pour la désignation du candidat à l'élection présidentielle est non seulement mal venu, de par son caractère éminemment plébiscitaire, de la part d'un parti de gauche (donc par principe républicain ...), mais également dénué de pertinence au vu de son résultat.

Salut et fraternité.

Martin AVAUGOUR
26 mai 2014