Observation institutionnelle et démocratique
sur un désastre qui était annoncé
En régime parlementaire - i.e.
dans une démocratie majeure conforme aux standards européens - le chef de
l'exécutif - i.e. le premier ministre
- se serait démis de ses fonctions à l'annonce des résultats d'hier soir du PS
aux élections européennes versus la
nouvelle poussée du FN.
Sans attendre d'être démis par son groupe
parlementaire ou par les instances dirigeantes de son parti. Ou de voir sa
majorité à l'Assemblée nationale exiger son remplacement sous peine de se
disloquer.
On aurait donc, dès cette semaine, un vote pour
la désignation du nouveau leader du parti, qui deviendrait automatiquement le
nouveau premier ministre.
On peut imaginer que le choix opposerait les
candidatures de Manuel Valls et de Martine Aubry. Le premier ayant probablement
de bonnes chances de l'emporter si la désignation appartenait au groupe
parlementaire PS, la seconde si cette désignation revenait aux adhérents du
parti.
Et dans cette élection interne, chacun des
candidats défendrait sa ligne politique et les alliances sur lesquelles
celle-ci reposerait.
Pour pousser un peu plus loin ce scénario de
politique-fiction, il est imaginable, les ego politiques étant ce qu'ils sont,
qu'Arnaud Montebourg se proposerait de tenir la place d'outsider ...
Au lieu de ce schéma démocratique, notre
monarchie constitutionnelle élective garantit l'irresponsabilité politique du
chef de l'exécutif. Un privilège qui a progressivement disparu dans tous les
états européens entre le XIX et le XX ème siècle, au fur et à mesure que la
démocratie s'y affermissait et s'y établissait.
La France, sous les institutions de 1958 (non
pour leurs dispositions inscrites dans le texte approuvé par référendum, mais pour la pratique qui en a été faite via la confiscation de la fonction
exécutive par le Président de la République au détriment du Premier ministre - confiscation
fondatrice du "coup d'Etat permanent"), en est restée à la conception
orléaniste qui avait prévalu en 1873 avec le vote de la loi sur le Septennat
qui, dans l'attente de la Restauration programmée, assurait au maréchal de Mac
Mahon que sa responsabilité ne pourrait pas être engagée devant l'Assemblée (laquelle
venait d'user de ce droit pour contraindre Adolphe Thiers, jugé trop républicain, à se démettre).
Anachronisme et arriération de notre système
politique ...
Le drame tient à ce qu'il n'est pas seulement
régressif mais qu'il fait obstacle, jusqu'au terme du mandat présidentiel en
cours, à tout changement de politique à même de répondre aux immenses défis
démocratiques, sociétaux, économiques et de protection sociale que les
résultats du scrutin européen ont sur-surlignés.
Et à ce que, sauf convulsion politique
majeure, le mandat à durée déterminée qui protège le chef de l'exécutif
diffère le moment d''engager le choix radical de nouveau modèle
économique, social, énergétique et environnemental que la gauche, dans toutes
ses composantes, a vocation de porter.
Etant malheureusement entendu qu'au terme
constitutionnel du mandat de François Hollande, que l'échéance soit celle de
l'élection présidentielle de 2017 ou, auparavant, la convulsion politique sus considérée,
l'échec du PS et de son candidat de 2012 auront pour effet que les changements
et les réformes qui seront alors mis en oeuvre porteront la marque de la droite
- et de la droite la plus libérale, la plus doctrinaire et la plus résolument
déterminée à préserver et à accroître les inégalités et les privilèges.
Ultime remarque.
L'état actuel des choses apporte au moins une
certitude : celle que le système des "primaires" pour la désignation
du candidat à l'élection présidentielle est non seulement mal venu, de par son
caractère éminemment plébiscitaire, de la part d'un parti de gauche (donc par
principe républicain ...), mais également dénué de pertinence au vu de son
résultat.
Salut et fraternité.
Martin AVAUGOUR
26 mai 2014
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