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samedi 22 janvier 2022

LA PAROLE AU PEUPLE DE GAUCHE QUI N’A PAS RENONCÉ.

  

Une interpellation aux candidats promis à l’Azincourt de la gauche

et à ‘’Marianne’’ qui se mobilise contre l’envoi de renforts

 

Ainsi la Primaire populaire est-elle organisée par des islamo-gauchistes, sinon par des adeptes du ‘’totalitarisme extrême’’. Un binôme qui, depuis le lancement de son opération, travaille de surcroît en sous-main pour Mme Taubira, dont il avait programmé le coming out de la candidature pour le moment adéquat.

 

Pas un plateau de télévision où cette primaire ne soit commentée avec commisération et, en même temps, dans le déni de son utilité ou, plus encore, de sa raison d’être. Chacun de ces plateaux comptant au moins un participant qui dénonce l’initiative et qui tire à boulets rouges sur les intentions qu’elle a l’erreur ou la malignité d’invoquer. Mme Taubira, depuis qu’elle y est candidate, ayant été en parallèle l’objet du même apitoiement avant de l’être du même dénigrement.

 

"Marianne" n’est pas en reste. De numéro en numéro, et à mesure que son impact s’est fait plus visible, c’est peu dire que la Primaire n’a pas trouvé grâce à ses yeux. On en est à présent à sa condamnation sans appel, dont chaque semaine apporte des attendus ou un angle nouveau à l’énoncé. Quant à Mme Taubira, après la phase de la mise au jour ses positions ou de ses votes d’il n’y a pas loin de trois décennies - l’inventaire tiré de ces fouilles archéologiques étant censé la disqualifier -, on est passé à la synthèse sur plusieurs pages de ‘’l’imposture’’ qui s’attache ainsi à sa candidature à la candidature.

 

Si l’on en est là, imaginons un instant, et à une toute autre échelle de gravité en matière de rappels historiques, ce qu’il aurait pu advenir du destin présidentiel de François Mitterrand si avait prévalu, en 1981, un examen rétrospectif de ce qu’avaient commis, ou laissé commettre, en Algérie les gouvernements de gauche de 1956 à 1958 …

 

Que reprocher, pourtant, à la Primaire populaire ? Et, pour poser sans doute plus judicieusement la question, que comporte-t-elle en elle-même qui prive la cohorte de ses censeurs d’entendement à son égard ? Dont cet éminent professeur de droit, par ailleurs soutien de la candidate du PS, qui la déclare illégale sur un argumentaire, qui pour autant qu’on le comprenne, l’assimile à un sondage illicite.

 

Plus précisément, y a-t-il lieu de s’étonner qu’une très large majorité des électeurs de gauche, principalement au travers des courants de celle-ci qui se réclament respectivement du socialisme, de l’écologie sociale ou de la démocratie solidaire, ne se résigne pas à assister, inerte, au naufrage que ne peut manquer de provoquer la multiplicité des candidatures issues des partis qui, dans le débat public, représentent chacune de ces familles de pensée ?

 

Etant acquis que la présence de deux candidatures de gauche concurrentes suffit aujourd’hui à éliminer toute la gauche du second tour de l’élection présidentielle – de par la logique plébiscitaire, i.e. anti républicaine, en laquelle est configuré ce scrutin afin de dégager une majorité absolue, aussi fallacieuse qu’elle est hors de sens dans une démocratie, en faveur du candidat finalement élu. 

 

Constat tout bonnement arithmétique face auquel les 370 000 inscrits (1) à la Primaire populaire se sont résolus à se substituer à des dirigeants et à des appareils politiques qui fixent obstinément le faire-part d’élimination de leur candidat au soir du 1er tour en faisant semblant de ne pas le lire. Et à signifier leur surnombre à des candidats dont l’entêtement – réel ou simulé – à se promettre une tardive mais victorieuse échappée solitaire est infirmé depuis des mois par tous les sondages et intentions de vote (au-delà de leurs différences de modes de chiffrage et de leurs marges d’erreur). Une infirmation si claire que les hypothèses pour rendre compte des mobiles de cette obstination à perdre en sont privées de tout intérêt.  

 

En face, la Primaire populaire est mise en demeure ne pas présenter au suffrage d’évaluation qu’elle ouvre à ses électeurs - un vote préférentiel dont la méthode peut passer pour la plus démocratique qui soit -, les noms des candidats à la présidence de la République qui refusent d’en passer par une validation issue du ‘’peuple de gauche’’ – soit ceux qui procèdent d’une désignation d’office ou d’une primaire considérablement plus réduite en nombre que ne le sont les inscrits à cette validation.

 

Le fait qu’en cas de victoire à la Primaire populaire (en rien exclue pour l’actuel ‘’meilleur battu de gauche’’ à l’élection présidentielle), un candidat à la présidence de la République déjà déclaré se trouverait bénéficier, par l’effet de cette même validation et de ce même nombre d’électeurs, d’un élan nouveau, voire considérable, en faveur de sa campagne, et potentiellement d’une qualification pour le second tour, rend incompréhensible le refus de la prise de risque que comporte un passage par la votation fixée à cette fin janvier.

 

Reste le reproche de "l’absence de programme" que le candidat de LFI oppose aux postulants de l’investiture populaire. Certes, son parti est le seul à avoir véritablement travaillé à un programme, et celui qu’il avance, le plus authentiquement à gauche depuis des lustres, s’affirme de juste comme le plus nourri et le plus convaincant.

 

Mais la participation à la Primaire populaire engage sur un socle commun de propositions politiques qui sont compatibles avec celles émanant des partis de la gauche écologique et sociale (hors éventuelles dissensions plus personnelles entre la Primaire et tel candidat) et, partant, non concurrentes.

 

De là se forme la réfutation, décisive, qui s’oppose à l’argumentaire du candidat de LFI. La concurrence des programmes joue effectivement entre ces formations de gauche, mais son champ clos est celui des élections législatives : c’est de la majorité qui s’en dégagera que procèdera le gouvernement auquel la Constitution impartit de déterminer et de conduire la politique de la nation, et la désignation du Premier ministre que la même Constitution désigne comme « le chef du gouvernement ».

 

Etrange qu’il faille rappeler cet échéancier et surtout cette logique qui sont ceux de la démocratie parlementaire – et au reste ceux de l’actuelle Constitution en ces dispositions qui n’ont pas cessé d’être violées hors période dite de cohabitation - au dirigeant du parti le plus investi en faveur de l’instauration pleine et entière de ce régime.

 

Et le renvoyer encore aux dispositions de la Constitution en vigueur et, plus encore, à l’économie générale des pouvoirs en régime parlementaire. Régime dans lequel le premier magistrat de la République est un arbitre au service des institutions et non le chef du pouvoir exécutif (distinguo qui à rebours vexait tant M. Thiers) :  par conséquent son élection ne se fonde pas sur un programme stricto sensu. Il n’est en revanche pas incompatible avec les fondamentaux du régime parlementaire d’associer à sa fonction, et à sa position politique distancée, ce qui relève du rôle de garant des intérêts supérieurs de la nation : de sa place et de son rayonnement dans le monde, de son indépendance et de la sécurité de son territoire, de la préservation de son contrat social et de la protection des composantes fondamentales de celui-ci, de l’indépendance et du bon fonctionnement de sa justice … 

 

Autant de compétences qui engagent évidemment les idées et les valeurs de tout candidat à la fonction présidentielle ainsi configurée. On ajoutera, avec tous les ménagements possibles pour les rétifs à la Primaire populaire, que la démarche et les déclarations de Mme Taubira, depuis qu’elle s’est approchée de celle-ci, s’ajustent assez exemplairement avec cette configuration parlementariste de la présidence de la République. De même que son renvoi de la question du programme à un accord de majorité pluri partisan s’accorde en tous points avec le fonctionnement du régime parlementaire, que ce ‘’contrat de législature’’ soit proposé au choix des électeurs ou conclu en conséquence du résultat des élections législatives.

 

Etant entendu, n’en déplaise à M. Mélenchon, dont les concurrents à gauche ne sont pas admis au rang de "ses copains", qu’une majorité de coalition, de pratique très dominante dans les démocraties modernes, se conforme toujours mieux qu’un parti hégémoniquement majoritaire à l’impératif de la recherche du compromis que commande la nature même de la démocratie.

 

Didier Levy – 22 01 2022


(1) 467 000 électeurs finalement inscrits au 24 janvier 2022