Pages vues le mois dernier

jeudi 17 mars 2016

TRIBUNE LIBRE : Je doute, mais je Le suis !

       
 Parce que tu me vois, tu crois ;
heureux ceux qui croiront sans avoir vu !
(Jean 20,29)

  par Danielle Nizieux


   AU BÉNÉFICE DU DOUTE …  LE PROPOS DE CETTE TRIBUNE LIBRE.
Une TRIBUNE LIBRE qui reprend un article déjà ancien - dix ans - mais qui a d’autant mieux traversé l’épreuve du temps que les années n’ont fait que le rendre plus actuel : dans les interrogations qu’il soulève, dans l’inventaire du croire et des façons de croire qu’il met en débat, et dans la délimitation du champ de la foi qu’il trace en se dirigeant seulement de la liberté de sa réflexion et d’une exigence d’authenticité.
Il procède d’une démarche intellectuelle qui se fixe ses propres conditions : par l’affirmation de ce que ‘ « la foi de chacun ne peut se concevoir sans la liberté de penser » et dans le scrupule de conscience qui questionne « Jusqu’à quel point de doute, ou d’incroyance, peut-on se dire d’Église ? ».
C’est aussi une démarche qui se réfère à l’exemplarité de l’expérience intime - « Je me souviens de mon désarroi lorsque, vers 11 ans, j’appris par la lecture d’un document historique que Jésus n’était pas né le 1er janvier de l’an 1. Un prêtre consulté en confession - je me sentais fautive ! - me rassura ». Et qui s’est fondée sur le constat de ce que « dans l’Église chacun construisait son petit catéchisme : une foi à la carte en quelque sorte ».
Est-ce un manifeste en légitimation du doute ? La réponse est assurément affirmative. De par la probité du cheminement de la pensée, qui tient à la graduation méthodique suivie dans la mise en doute  - successivement la discipline des apparences sociales, la problématique politique et sociale, les dogmes établis, et les ‘’grandes’’ questions théologiques -, et au souci de circonscrire la part de ce qui dans la dogmatique et la dans la doctrine, est inséparable de la foi.
Et parce que le parcours du doute s’y conclut en rencontrant effectivement ce qui lui résiste : en l’espèce, la victoire du Messie sur la mort qui vaut « nouvelle création ». Avec ce corollaire que si c’est là « le vrai signe de la foi », l’espérance qui en découle commande tout le reste : ainsi « la foi n’est(-elle) pas de croire en des choses incroyables », (mais) de vivre le Message pour le monde et dans le commandement d’amour du prochain.
Pour les lecteurs qui, à la différence de l’auteure, ont pris le parti de s’affranchir de la religion-lien, cet article dépasse l’alternative de ce choix. Il met en effet en lumière et en œuvre tout ce par quoi se spécifie et s’énonce leur positionnement vis à vis du croire. Appelons ces séparés de l’Institution - par un divorce raisonné et assumé - des ‘’CROYANTS-NON CROYANTS’’. Difficile cependant, si ce n’est impossible, de les faire tenir dans une définition unique.
Mais croyants, ils pourront l’être au sens que, chrétiens, le « socle minimum de la foi », sera pour eux entièrement énoncé dans le Prologue de Jean. Et que pour l’éthique, celle-ci se verra surplombée du seul « tu aimeras ton prochain comme toi-même » auquel « se rattache toute la Loi ».
Et non croyants, ils s’assument comme tels en ce que, pour tout le reste, leur est définitivement irrecevable l’obligation de se soumettre à une ‘’adhésion irrévocable de foi’‘’, et définitivement inaudible toute vérité qui se donne comme formulé de façon définitive.
Au total, et plus encore que dans une simple philosophie du doute, n’est-de pas dans une spiritualité du doute que chacun est invité à entrer à la lecture de cette tribune ? Une quête spirituelle qui cherche ses réponses - bribes, fragments ou éclats de réponse -  dans un déchiffrement de la Parole et des textes. Une quête souveraine, mais humblement solliciteuse des grâces d’entendement. Et qui réserve sa part à l’écoute de l’expérience mystique. Ce qui se nomme en définitive le libre parcours de l’intelligence de la foi. Ou pour désigner plus précisément les choses par leur nom, ce qui en appelle à la légitimité du libre-examen.
Un libre-examen que l’Eglise a combattu et contenu pendant près de cinq siècles, mais dont il est clair que dans nos sociétés avancées, aucune digue ne pourra empêcher qu’il submerge tout magistère d’autorité. L’Eglise a condamné la Libre Pensée, il lui faut maintenant apprendre à composer et à vivre avec la liberté de penser en son sein. Celle du croyant comme celle du ‘’croyant-non croyant’’, sous peine de devenir un musée du croire.
Didier LEVY (Le bloguemestre)

Je doute, mais je Le suis !

Le doute, dit-on aujourd’hui, est inhérent à la foi. Le fidèle a, en quelque sorte, acquis le droit de s’interroger, voire d’affirmer son désaccord avec tel ou tel point de la doctrine. Il fut un temps, pas si ancien, où un désaccord connu, voire débusqué par l’enquête ou la dénonciation, conduisait au mieux à l’exclusion, au pire au bûcher.

Je me souviens de mon désarroi lorsque, vers 11 ans, j’appris par la lecture d’un document historique que Jésus n’était pas né le 1er janvier de l’an 1. Un prêtre consulté en confession - je me sentais fautive ! - me rassura. Ce fut le début d’une existence de recherches et de confrontations aux doutes, au doute.

Je considère aujourd’hui qu’il y a une graduation dans l’objet du doute : il y a les sujets sur lesquels, en fin de compte, on peut penser ou faire ce qu’on veut, nonobstant le catéchisme… Et les autres, ceux qui seraient inhérents à la foi.

Et puis, finalement, il y a le message de Jésus, proclamé par Paul : « si je n’ai pas la charité, je ne suis pas du Christ ». Et si la seule chose qui ne tolère pas le doute était, pour un chrétien, cette vérité là ?

Le premier niveau du doute, c’est celui qui touche l’institution, autrement dit l’Église et ses exigences : « Le magistère de l’Église engage pleinement l’autorité reçue du Christ quand il propose, sous une forme obligeant le peuple chrétien à une adhésion irrévocable de foi, des vérités contenues dans la Révélation divine ou bien quand il propose de façon définitive des vérités ayant avec celle-là un lien nécessaire » (Catéchisme de l’Église catholique, art 88.)

D’abord, les exigences qui touchent aux apparences sociales : le mariage, le divorce, l’homosexualité, l’affaire du préservatif, sont celles qui viennent en premier à l’esprit. Alors qu’elles furent longtemps déterminantes pour être considéré comme chrétien, il est vrai que la majorité des chrétiens s’est aujourd’hui affranchie de ces règles normatives : la « désobéissance » ainsi marquée ne leur pose souvent pas le moindre problème, ni à eux, ni à leur communauté ; à peine cela pose t-il question aux prêtres qui les accueillent.

Les fidèles considèrent plutôt cela comme un archaïsme qui, un jour ou l’autre, le plus proche possible, finira par céder. Plus : beaucoup pensent que ces principes éloignent injustement des quantités d’hommes et de femmes, de façon dommageable pour la survie de l’Église. Question réglée, dans nos communautés occidentales… À peine la question de l’avortement est-elle plus complexe, mais celle de la contraception est une affaire « réglée ».

Ensuite, la question sociale : l’attitude de l’Église qui est souvent du côté du pouvoir établi… Évidemment, la condamnation de la théologie de la libération, ou seulement la remise au pas de Don Helder Camara, ou plus récemment celle des franciscains, fait argument dans ce sens ; de la même façon que les prises de position conservatrices des clergés locaux préférant bénir des régimes tortionnaires qui préservent l’institution ecclésiale comme au Chili ou plus loin dans le temps en Espagne. Beaucoup, trouvant l’écart trop grand avec l’enseignement du Christ, rejettent à la fois l’Église « dévoyée » et les enseignements fondateurs.

La conséquence la plus ordinaire, on l’entend encore aujourd’hui, c’est que des pauvres et des opprimés n’y trouvent pas leur place. Ce n’est presque plus du doute, c’est du rejet !

Après cela, viennent les dogmes établis au fil du temps par les théologiens : commençons par la création du monde, la virginité perpétuelle de Marie, la question des frères et sœurs de Jésus…

Que dire de l’immaculée conception de Marie ou de l’Assomption (dogmes récents s’il en est) ?

Là encore, chacun s’accommode de ses incroyances, aux marges en quelque sorte. Même l’Église ne peut plus soutenir certaines thèses, mais il a fallu beaucoup de temps pour qu’elle renonce à quelques-unes (la réhabilitation de Galilée date seulement de Jean Paul II).

Je réalise aujourd’hui, que le nom de ce savant est aussi celui du pays de Jésus, porteur de la Vérité si longtemps ignorée et/ou combattue : hasard ?

Les progrès de la recherche (archéologique et historique, d’abord) remettent en cause des points qui semblaient évidents : ainsi David et Salomon ont-ils vécu aux dates envisagées jusqu’alors et furent-ils les grands rois que les textes décrivent ? D’autres événements sont décalés dans le temps, ou complètement mis en cause, comme l’Exode, le massacre des enfants juifs innocents de l’évangile de Matthieu… Les progrès de l’exégèse aussi contestent certaines traductions, certains rajouts... Y aurait-il une vérité pour les savants - des moines et des gens d’Église, souvent - et une autre pour les fidèles de  « base » ? Une vérité qu’il vaudrait mieux ne pas dire pour ne pas les désorienter ? Sans doute du temps perdu sur l’Histoire…

Pourquoi ne pas montrer plutôt la grandeur de ceux qui ont écrit l’Histoire du peuple de Dieu dans le Premier Testament, puis l’Histoire de Jésus ? Ils ont construit une cosmogonie, sans doute à base de réalités concrètes, mais aussi en élaborant des schémas qui se voulaient non pas de la littérature mais bien des outils pour forger les consciences et accueillir une révélation, celle de Jésus. Dans ce cas, peu importe si les trompettes de Jéricho n’ont pas sonné pour faire tomber les murailles : l’important, ce qui est porteur de sens, c’est la victoire du peuple fidèle de Dieu accomplissant son parcours.

L’important pour moi, c’est Jésus, Dieu incarné, homme jusqu’au bout de la condition de l’Homme, qui par sa mort et sa résurrection, manifeste l’inanité du mal et transforme la mort en victoire.

Viennent ainsi les « vraies » questions : Jésus fils de Dieu ? Mais qu’est-ce qu’être fils de Dieu ? La résurrection de Jésus a-t-elle un sens physique ? Comment nous-mêmes sommes nous reliés à cette filiation et à cette résurrection ? Comment se manifeste la vie après la mort ? Qu’est-ce que la vie éternelle ?

Certains chrétiens ne se posent sans doute jamais ces questions ; par manque d’esprit critique ? Par inculture ? Par obéissance ? L’Église ne l’exige plus, et c’est tout à son honneur.

Aujourd’hui au contraire, la foi de chacun ne peut se concevoir sans la liberté de penser et l’on ne saurait accepter une foi contrainte. Du coup, cette liberté oblige à examiner loyalement ses propres croyances.

Quelle est ma foi ? En quoi est-ce que je crois ? Qu’est-ce qui, pour moi, « ne passe pas » ? Cet examen de vérité est un devoir à l’égard de moi-même et à l’égard de l’Église qui m’accueille en son sein : mais veut-elle le savoir ? et qu’en fait-elle ?

On a beaucoup dit que dans l’Église chacun construisait son petit catéchisme : une foi à la carte en quelque sorte. Mais y-a-t-il un socle minimum de la foi ?
Au plan personnel, que peut-on avouer ? Et, sauf à devenir schizophrène, que peut-on soi-même accepter de ne pas croire quand on se dit chrétien ? Y a–t-il un seuil en deçà duquel il convient, par honnêteté envers les autres mais aussi pour sauvegarder sa propre intégrité, de renoncer à se dire chrétien et à quitter la communauté ? Jusqu’à quel point de doute, ou d’incroyance, peut-on se dire d’Église ?

Je peux me dire que je doute, mais que le doute a justement une face positive : je ne suis pas sûre que Dieu ait physiquement ressuscité, mais je ne suis pas sûre non plus qu’il n’ait pas ressuscité ! Alors, c’est le pari de la foi : nous voici dans ce qui est à mon sens un grand confort, le « on verra bien et je fais comme si », la garantie sur l’avenir en quelque sorte. Et pour assurer le tout, je me mets en situation de conformité, je fais les gestes, et je dis les paroles. Oui, mais il y quelque chose de malsain dans cette attitude de profiteur. Pourtant, dans le même temps où on se veut lucide et honnête, chacun d’entre nous a au fond de son âme comme une lumière qui s’allume et signale que, malgré tout, rien n’interdit d’espérer : instinct de survie, effet de la foi ?

Et pourtant, je suis là, dans la communion avec Jésus ; même, je reste ! , je reste dans l’Église, malgré les doutes et les insatisfactions. Je dirais même les frustrations.

Un dominicain qui me fait parfois l’amitié d’une rencontre a écrit : « Dieu, cette chose qui n’est rien, que l’on peut nier sans aucune conséquence, dont le croyant même perd cent fois la trace, et qui, lorsque le moment est donné, remplit tout, éclaire tout, semble suffire à tout. »

Je reste ! Et c’est rester qui démonte les accusations de scandale et de folie des croyants que soulignait Paul.

Je reste pour autre chose ; c’est parce que la résurrection de Jésus, physique ou non, a signifié au monde le retournement de l’ordre des choses : c’est cette nouvelle création qui est ma foi.

« Je suis la résurrection et la vie ; celui qui croit en moi, même s’il meurt, vivra » : là est ma foi.

Dieu m’aime-t-il ? Dieu me connaît-il ? Dieu peut-il m’aider, me protéger ? Souvent, je souffre du silence de Dieu. Je ne sais pas comment établir le dialogue avec Dieu. Il est dur de surmonter la déception de l’attente.

Mais j’ai une vision, celle du Monde de Dieu, où l’amour et la justice triomphent et je suis, à ma modeste place, un artisan de ce monde nouveau. Il n’en reste pas moins que la foi engage une vie. Et ce ne sont pas seulement des mots : aider au fonctionnement d’une paroisse, s’engager dans la recherche religieuse, travailler aux œuvres de charité, tout cela prend du temps, et on ne suit pas le message de Jésus sans implication de tout l’être.

Est-ce cela l’essentiel de la foi ? Le vrai signe de la foi ? Est-ce là qu’il n’y a pas de place pour le doute ? Mettre les forces de notre vie au service du Message, c’est notre foi. C’est dans le monde où il s’est incarné que Jésus nous envoie. L’Église dont nous sommes les membres est une Église pour le monde.

Matthieu 22,36 : « quel est le plus grand commandement, Maître ? Tu aimeras le Seigneur ton Dieu, de tout ton cœur… : voilà le premier et le plus grand commandement. Le second lui est semblable : tu aimeras ton prochain comme toi-même. À ces deux commandements se rattache toute la Loi, ainsi que les prophètes. »

Car la foi n’est pas de croire en des choses incroyables ! La foi, c’est de vivre le Message au quotidien, et, comme le bon samaritain, d’être le prochain de tous nos frères : « Aimez-vous les uns les autres comme Dieu vous aime ».

Danielle Nizieux

Publié le 5 septembre 2006 par « Garrigues et Sentiers » (dans ‘’Réflexions en chemin’’).



UNE TRIBUNE LIBRE ?

Voir la publication sur «penserlasubversion» et sur FACEBOOK le 10 mars 2016 :

‘’LE BLOGUE « PENSERLASUBVERSION » S’OUVRE A DES TRIBUNES LIBRES.

L’idée est d'élargir les publications de « penserlasubversion », en s’ouvrant à des contradictions de points de vue. Ou à des points de vue orientés ou éclairés différemment de ceux de la rédaction du blogue. Et qui, contradictions ou différences d’approches, apporteront un enrichissement à la réflexion que nous voulons porter et susciter.

Porte ouverte donc aux contradicteurs de tous bords qui se réclament de la liberté de l’esprit, du débat partagé, et du devoir de penser selon leur conscience et en pleine responsabilité’’.

MERCI PAR AVANCE DE VOS ENVOIS !


jeudi 10 mars 2016

TRIBUNE LIBRE : LETTRE AU PAPE FRANÇOIS

Au pape FRANÇOIS

… DÉGAGER DES ROUTES NOUVELLES.


par Alice Damay-Gouin


     Cher François,

J’ai repris 2 homélies qui m’ont beaucoup touchée et que je prends bonheur à relire. Elles sont, pour moi, une magnifique entrée pour commencer le chantier que vous avez voulu au début de votre pontificat : « trouver des routes nouvelles » :

- votre homélie du dimanche 15 février 2015
(sur le thème : Accueillir avec tendresse les personnes exclues).

« Je vous exhorte à servir Jésus crucifié en toute personne exclue, pour quelque motif que ce soit ; à voir le Seigneur en toute personne exclue qui a faim, qui a soif, qui est nue : le Seigneur qui est présent aussi en ceux et celles qui ont perdu la foi, ou les personnes qui se sont éloignées de leur propre foi ou qui se déclarent athées ; le Seigneur qui est en prison, qui est en la personne malade, qui n’a pas de travail, qui est persécutée ; le Seigneur qui est dans la personne lépreuse – en son corps ou en son âme - , en la personne discriminée ! Nous ne découvrons pas le Seigneur, si nous n’accueillons pas la personne exclue de façon authentique ! Rappelons-nous toujours l’image de saint François qui n’a pas eu peur d’embrasser le lépreux et d’accueillir ceux et celles qui souffrent toutes sortes de marginalisation (…).

« La charité est créative pour trouver le langage juste afin de communiquer avec tous ceux et toutes celles qui sont considérées comme inguérissables et donc intouchables. Trouver le langage juste… Le contact est le vrai langage communicatif, le même langage affectif qui a transmis la guérison au lépreux. Que de guérisons nous pouvons accomplir et transmettre en apprenant ce langage du contact… ».

- votre discours à Ecatepec (Mexique) en février 2016
(sur le thème : la Dignité humaine).

« Que de fois ne faisons-nous l’expérience dans notre chair, ou dans notre famille, à travers nos personnes amies ou voisines, de la douleur qui naît de ne pas voir reconnue cette dignité que nous portons tous et toutes en nous ! Que de fois n’avons-nous pas dû pleurer et regretter de ne pas nous être rendu compte que nous n’avons pas reconnu cette dignité dans les autres…ce manque de reconnaissance de notre propre dignité et de celle d’autrui… ».


Puis-je, cher François, une nouvelle fois et au risque de me répéter, laisser parler mon cœur ?

Permettez-moi de revenir à votre homélie de février 2015

Ce dimanche-là, vous ouvriez donc les portes d’un grand chantier : retrouver le chemin de l’accueil des autres personnes telles qu’elles sont ! Sans discrimination de sexe, de race, de choix de vie…

Alors que l’Eglise elle-même s’est employée à discriminer, à rejeter, à exclure. La foule de ces personnes rejetées, humiliées est immense.

Je pense :

  • à la femme qui n’a pas voix au chapitre, qui ne peut être ordonnée,
  • à ces personnes mariées à qui on ne reconnaît pas de vocation,
  • aux personnes divorcées-remariées,
  • aux parias en cette Eglise : personnes homosexuelles, prêtres, religieux, religieuses qui aiment un homme ou une femme, enfants de ces dites personnes à qui on refuse de dire la vérité sur leurs parents, femmes qui avortent et personnes qui les aident, prêtres pédophiles (dont la densité serait peut-être moins forte si le sacerdoce ne s’était pas refermé sur une caste d’hommes célibataires) …

Ce ne sont pas les personnes divorcées-remariées, les personnes homosexuelles, les femmes qui ont avorté qui posent problème, mais c’est la position de l’Eglise envers elles qui pose problème !

Désolons-nous également de toutes ces personnes qui sont «soumises» aux ordres de l’Eglise. J’ai pris conscience de cette soumission lors de la dernière visite pastorale où j’avais l’impression d’entendre constamment : « C’est comme Monseigneur voudra ! ».

Le Seigneur aime des hommes et des femmes capables de décider par elles-mêmes ! La soumission n’est pas une valeur évangélique. Nous n’avons pas à accepter une situation dégradante.

Stéphane Hessel n’a eu qu’un cri qui devrait encore résonner : « Indignez-vous ! » L’indignation est à la mesure de nos propres valeurs. Je crie ma révolte contre mon Eglise. On m’a souvent répondu : « L’Eglise est notre mère ! (vous-même, François, l’avez dit, il y a quelques jours) Et je ne peux pas critiquer ma mère.

Non, je n’accepte pas. L’Eglise est une institution, elle n’est pas une femme, elle n’est pas ma mère ! Et ne pas critiquer mon Eglise, c’est accepter l’intolérable, notamment toutes ces humiliations envers tant de catégories de personnes.

Oui, ouvrons notre cœur à toutes ces personnes humiliées, comme au reste à toutes celles qui le sont dans leur vie de tous les jours - les personnes infirmes, handicapées -, ou dans leur travail ou leur chômage - notamment les paysans que les grandes surfaces veulent obliger à vendre leurs produits à perte.

C’est bien déjà ce que nous avons fait, ou tenté de faire, chaque fois que nous avons marché, lutté avec d’autres pour un monde plus juste, plus humain, plus fraternel-sororal…


Et de ma relecture de votre homélie de février 2015, je passe tout naturellement à votre discours d’Ecatepec.

La Dignité humaine ? La dignité dont toute exclusion est le déni et que chaque humiliation dégrade.

La dignité du migrant : l’éclair de joie de cette personne immigrée lorsque j’ai accepté qu’elle m’offre un café !

La dignité du pauvre : Un célibataire m’a raconté : « J’étais instituteur dans un établissement privé tenu par des religieuses. Un jour, j’ai fait un accroc à l’un de mes pantalons. Une religieuse me l’a réparé. Elle me le rendit en disant : ‘’Voilà un pantalon bon pour un pauvre !’’ Aussitôt j’ai répondu : ma sœur, s’il est bon pour un pauvre, alors, il est bon pour moi’’ ».

La dignité des sans-voix : celle du pauvre encore qui reste à la porte de l’église et que les fidèles ne voient même pas en pénétrant dans cette église ; celle des ‘’’petites gens’’, des sans logement, des sans travail, des sans papiers ; celle des personnes ’’dépendantes’’ qui ne peuvent plus se laver, se nourrir toute seules.

La dignité la moins concevable : celle qui procède de la conviction qu’il y a des monstruosités, mais que personne n’est un monstre.

La dignité aussi de la joie partagée - une joie qui a été grande lors de votre invitation à Jacques Gaillot. Celle aussi qui fait s’écrier comme Pascal : Joie ! Joie ! Joie ! Pleurs de joie.

La dignité nourrie par la tendresse, cette tendresse qui peut nous faire accomplir des petits miracles en nous-mêmes comme pour les autres.

La dignité, bien sûr, dans l’esprit de pauvreté : bienheureuses celles et ceux qui savent demander de l’aide, qui savent demander un service à une autre personne.

La dignité jusque dans le rejet subi : j’ai été rejetée par ma paroisse et m’a fallu apprendre à séparer la foi de la religion. Je n’ai plus reçu aucun sacrement institué de mon Eglise - mais l’essentiel n’est pas dans les cérémonies, les pèlerinages, les prières, ni mêmes les sacrifices durant le Carême, l’essentiel est notre amour envers les autres. Et j’ai reçu une multitude de sacrements qui sont révélation du Christ, de sa Présence en moi et en toute personne : le sacrement de la banderole, de la manifestation, de la rencontre avec telle ou telle personne.

La dignité enfin dans la confiance. Celle qui tient d’abord en ceci : croire qu’en toute personne, Dieu est présent.


Cher François,

Pourquoi a-t-on oublié que la Cène commence par la cérémonie du ’’lavement des pieds’’ ? Heureusement, il est signifié au jeudi saint !

Mais comment, en rappelant le souvenir de ce dernier repas, peut-on rentrer dans l’église, mitre ou tiare en tête et crosse bien en main, symboles de pouvoir ? Alors que le Christ a mis un tablier de servante !

Et puis qui lave les pieds ? Qui se fait laver les pieds ?

Interrogation essentielle, à la mesure de la place centrale que tient ce ’’lavement des pieds’’ dans l’Evangile selon Jean.

Avec cette autre interrogation, essentielle elle aussi : n’est-ce pas parce que Jésus marche, et nous appelle à marcher comme lui, et que le lavement des pieds est ainsi une nécessité matérielle autant que rituelle, que la montée vers Pâques épouse l’accomplissement de cet acte dans son récit et dans sa symbolique ?

La réponse ne s’arrête pas au « Non, tu ne vas tout de même pas me laver les pieds ! » de Pierre à Jésus.

Mais dans la réplique et les gestes du Messie : Le sacrement du lavement des pieds rend honneur à la personne qui le donne et à celle qui le reçoit - accepter de recevoir ce sacrement, c’est accepter un début de dépendance, mais c’est celle de l’amour librement échangé.

Et parce que le pauvre est au cœur de l’Evangile, donner ce sacrement, c’est honorer avec prédilection la personne pauvre, immigrée, victime de violence, de viol, la personne en prison : toute personne victime et la personne effacée que l’on ne voit pas, que l’on oublie.

Oui, décidément, avec ce bagage tiré de la Révélation du Christ présente en moi, qui me transforme et me pousse à aller vers les autres, je puis vous dire, cher François, et dire à tous ceux que j’aime auprès de moi :

Joyeuse montée vers Pâques !

 Alice Damay-Gouin - le 03/03/2016



UNE TRIBUNE LIBRE ?

Voir la publication sur «penserlasubversion» et sur FACEBOOK le 10 mars 2016 :

‘’LE BLOGUE « PENSERLASUBVERSION » S’OUVRE A DES TRIBUNES LIBRES.

‘’L’idée est d'élargir les publications de « penserlasubversion », en s’ouvrant à des contradictions de points de vue. Ou à des points de vue orientés ou éclairés différemment de ceux de la rédaction du blogue. Et qui, contradictions ou différences d’approches, apporteront un enrichissement à la réflexion que nous voulons porter et susciter.

‘’Porte ouverte donc aux contradicteurs de tous bords qui se réclament de la liberté de l’esprit, du débat partagé, et du devoir de penser selon leur conscience et en pleine responsabilité’’.

MERCI PAR AVANCE DE VOS ENVOIS !


NOTRE BLOGUE ATTEND VOS ENVOIS !

LE BLOGUE « PENSERLASUBVERSION »
               S’OUVRE A DES TRIBUNES LIBRES.

Il le fait en partant d’un constat : beaucoup des blogues dont nous découvrons l’existence - pour ne pas dire la grande majorité d’entre eux - ne donnent la parole qu'à la personne qui les édite, ou au courant de pensée, à la ‘’sensibilité’,’ qui réunit le groupe qui les anime. Une sensibilité souvent très resserrée, voire un peu fermée sur elle-même. Et quelque fois, beaucoup trop, ce par quoi ces blogues s’exposent à pencher du côté des identitarismes qui découpent la nation en communautés - des communautés à la fois sourdes et aveugles les unes par rapport aux autres, quand elles ne guerroient pas entre elles.

L’idée est donc d'élargir les publications de « penserlasubversion », en s’ouvrant à des contradictions de points de vue. Ou à des points de vue orientés ou éclairés différemment de ceux de la rédaction du blogue. Et qui, contradictions ou différences d’approches, apporteront un enrichissement à la réflexion que nous voulons porter et susciter.

Le blogue « penserlasubversion » demeurera bien sûr dans l’orientation que les lecteurs lui connaissent - une démarche subversive des modes de pensée, des normes et des conventions qui se prétendent intangibles, légitimées par une autorité figée dans ses certitudes, et qui exigent qu’on s’aligne sur elles. Et calée sur les références sociétales, politiques et sociales qui sont les siennes ainsi que sur les références spirituelles et philosophiques dont ses questionnements se réclament. Calée également sur une certaine idée de la probité civique et du républicanisme.

Au vu de ce dernier critère, autant dire que n’y seraient, par exemple, pas les bienvenus - leur prendraient-ils la lubie de nous choisir pour afficher leurs conceptions - un admirateur de M. Wauquiez ou une admiratrice de Mme Maréchal Le Pen. Sur ce point, nous serons moins proches de Voltaire que de Saint Just. Sectarisme de notre part ? A ce reproche, il est une réponse immédiate, dont on espère qu’elle sera jugée pertinente, qui est que nous vivons dans un temps où l’angélisme n’est pas de mise.

Point d’autre exclusive, et porte ouverte donc aux contradicteurs de tous bords qui se réclament de la liberté de l’esprit, du débat partagé, et du devoir de penser selon leur conscience et en pleine responsabilité.

Comme pour tous les textes édités par « penserlasubversion », ces TRIBUNES LIBRES seront portées parallèlement et simultanément sur FACEBOOK. Sous la forme de l'annonce de leur publication sur « penserlasubversion », et avec un accès direct à leur lecture intégrale sur le blogue.

Ultime indication, sans doute très précieuse : textes retenus par la rédaction du blogue et textes non retenus donneront également lieu à une réponse à leur auteur (civilité et marque de respect élémentaires dont l’intelligence et la pratique semblent hélas avoir considérablement reculé).

MERCI PAR AVANCE DE VOS ENVOIS !