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jeudi 10 mars 2016

TRIBUNE LIBRE : LETTRE AU PAPE FRANÇOIS

Au pape FRANÇOIS

… DÉGAGER DES ROUTES NOUVELLES.


par Alice Damay-Gouin


     Cher François,

J’ai repris 2 homélies qui m’ont beaucoup touchée et que je prends bonheur à relire. Elles sont, pour moi, une magnifique entrée pour commencer le chantier que vous avez voulu au début de votre pontificat : « trouver des routes nouvelles » :

- votre homélie du dimanche 15 février 2015
(sur le thème : Accueillir avec tendresse les personnes exclues).

« Je vous exhorte à servir Jésus crucifié en toute personne exclue, pour quelque motif que ce soit ; à voir le Seigneur en toute personne exclue qui a faim, qui a soif, qui est nue : le Seigneur qui est présent aussi en ceux et celles qui ont perdu la foi, ou les personnes qui se sont éloignées de leur propre foi ou qui se déclarent athées ; le Seigneur qui est en prison, qui est en la personne malade, qui n’a pas de travail, qui est persécutée ; le Seigneur qui est dans la personne lépreuse – en son corps ou en son âme - , en la personne discriminée ! Nous ne découvrons pas le Seigneur, si nous n’accueillons pas la personne exclue de façon authentique ! Rappelons-nous toujours l’image de saint François qui n’a pas eu peur d’embrasser le lépreux et d’accueillir ceux et celles qui souffrent toutes sortes de marginalisation (…).

« La charité est créative pour trouver le langage juste afin de communiquer avec tous ceux et toutes celles qui sont considérées comme inguérissables et donc intouchables. Trouver le langage juste… Le contact est le vrai langage communicatif, le même langage affectif qui a transmis la guérison au lépreux. Que de guérisons nous pouvons accomplir et transmettre en apprenant ce langage du contact… ».

- votre discours à Ecatepec (Mexique) en février 2016
(sur le thème : la Dignité humaine).

« Que de fois ne faisons-nous l’expérience dans notre chair, ou dans notre famille, à travers nos personnes amies ou voisines, de la douleur qui naît de ne pas voir reconnue cette dignité que nous portons tous et toutes en nous ! Que de fois n’avons-nous pas dû pleurer et regretter de ne pas nous être rendu compte que nous n’avons pas reconnu cette dignité dans les autres…ce manque de reconnaissance de notre propre dignité et de celle d’autrui… ».


Puis-je, cher François, une nouvelle fois et au risque de me répéter, laisser parler mon cœur ?

Permettez-moi de revenir à votre homélie de février 2015

Ce dimanche-là, vous ouvriez donc les portes d’un grand chantier : retrouver le chemin de l’accueil des autres personnes telles qu’elles sont ! Sans discrimination de sexe, de race, de choix de vie…

Alors que l’Eglise elle-même s’est employée à discriminer, à rejeter, à exclure. La foule de ces personnes rejetées, humiliées est immense.

Je pense :

  • à la femme qui n’a pas voix au chapitre, qui ne peut être ordonnée,
  • à ces personnes mariées à qui on ne reconnaît pas de vocation,
  • aux personnes divorcées-remariées,
  • aux parias en cette Eglise : personnes homosexuelles, prêtres, religieux, religieuses qui aiment un homme ou une femme, enfants de ces dites personnes à qui on refuse de dire la vérité sur leurs parents, femmes qui avortent et personnes qui les aident, prêtres pédophiles (dont la densité serait peut-être moins forte si le sacerdoce ne s’était pas refermé sur une caste d’hommes célibataires) …

Ce ne sont pas les personnes divorcées-remariées, les personnes homosexuelles, les femmes qui ont avorté qui posent problème, mais c’est la position de l’Eglise envers elles qui pose problème !

Désolons-nous également de toutes ces personnes qui sont «soumises» aux ordres de l’Eglise. J’ai pris conscience de cette soumission lors de la dernière visite pastorale où j’avais l’impression d’entendre constamment : « C’est comme Monseigneur voudra ! ».

Le Seigneur aime des hommes et des femmes capables de décider par elles-mêmes ! La soumission n’est pas une valeur évangélique. Nous n’avons pas à accepter une situation dégradante.

Stéphane Hessel n’a eu qu’un cri qui devrait encore résonner : « Indignez-vous ! » L’indignation est à la mesure de nos propres valeurs. Je crie ma révolte contre mon Eglise. On m’a souvent répondu : « L’Eglise est notre mère ! (vous-même, François, l’avez dit, il y a quelques jours) Et je ne peux pas critiquer ma mère.

Non, je n’accepte pas. L’Eglise est une institution, elle n’est pas une femme, elle n’est pas ma mère ! Et ne pas critiquer mon Eglise, c’est accepter l’intolérable, notamment toutes ces humiliations envers tant de catégories de personnes.

Oui, ouvrons notre cœur à toutes ces personnes humiliées, comme au reste à toutes celles qui le sont dans leur vie de tous les jours - les personnes infirmes, handicapées -, ou dans leur travail ou leur chômage - notamment les paysans que les grandes surfaces veulent obliger à vendre leurs produits à perte.

C’est bien déjà ce que nous avons fait, ou tenté de faire, chaque fois que nous avons marché, lutté avec d’autres pour un monde plus juste, plus humain, plus fraternel-sororal…


Et de ma relecture de votre homélie de février 2015, je passe tout naturellement à votre discours d’Ecatepec.

La Dignité humaine ? La dignité dont toute exclusion est le déni et que chaque humiliation dégrade.

La dignité du migrant : l’éclair de joie de cette personne immigrée lorsque j’ai accepté qu’elle m’offre un café !

La dignité du pauvre : Un célibataire m’a raconté : « J’étais instituteur dans un établissement privé tenu par des religieuses. Un jour, j’ai fait un accroc à l’un de mes pantalons. Une religieuse me l’a réparé. Elle me le rendit en disant : ‘’Voilà un pantalon bon pour un pauvre !’’ Aussitôt j’ai répondu : ma sœur, s’il est bon pour un pauvre, alors, il est bon pour moi’’ ».

La dignité des sans-voix : celle du pauvre encore qui reste à la porte de l’église et que les fidèles ne voient même pas en pénétrant dans cette église ; celle des ‘’’petites gens’’, des sans logement, des sans travail, des sans papiers ; celle des personnes ’’dépendantes’’ qui ne peuvent plus se laver, se nourrir toute seules.

La dignité la moins concevable : celle qui procède de la conviction qu’il y a des monstruosités, mais que personne n’est un monstre.

La dignité aussi de la joie partagée - une joie qui a été grande lors de votre invitation à Jacques Gaillot. Celle aussi qui fait s’écrier comme Pascal : Joie ! Joie ! Joie ! Pleurs de joie.

La dignité nourrie par la tendresse, cette tendresse qui peut nous faire accomplir des petits miracles en nous-mêmes comme pour les autres.

La dignité, bien sûr, dans l’esprit de pauvreté : bienheureuses celles et ceux qui savent demander de l’aide, qui savent demander un service à une autre personne.

La dignité jusque dans le rejet subi : j’ai été rejetée par ma paroisse et m’a fallu apprendre à séparer la foi de la religion. Je n’ai plus reçu aucun sacrement institué de mon Eglise - mais l’essentiel n’est pas dans les cérémonies, les pèlerinages, les prières, ni mêmes les sacrifices durant le Carême, l’essentiel est notre amour envers les autres. Et j’ai reçu une multitude de sacrements qui sont révélation du Christ, de sa Présence en moi et en toute personne : le sacrement de la banderole, de la manifestation, de la rencontre avec telle ou telle personne.

La dignité enfin dans la confiance. Celle qui tient d’abord en ceci : croire qu’en toute personne, Dieu est présent.


Cher François,

Pourquoi a-t-on oublié que la Cène commence par la cérémonie du ’’lavement des pieds’’ ? Heureusement, il est signifié au jeudi saint !

Mais comment, en rappelant le souvenir de ce dernier repas, peut-on rentrer dans l’église, mitre ou tiare en tête et crosse bien en main, symboles de pouvoir ? Alors que le Christ a mis un tablier de servante !

Et puis qui lave les pieds ? Qui se fait laver les pieds ?

Interrogation essentielle, à la mesure de la place centrale que tient ce ’’lavement des pieds’’ dans l’Evangile selon Jean.

Avec cette autre interrogation, essentielle elle aussi : n’est-ce pas parce que Jésus marche, et nous appelle à marcher comme lui, et que le lavement des pieds est ainsi une nécessité matérielle autant que rituelle, que la montée vers Pâques épouse l’accomplissement de cet acte dans son récit et dans sa symbolique ?

La réponse ne s’arrête pas au « Non, tu ne vas tout de même pas me laver les pieds ! » de Pierre à Jésus.

Mais dans la réplique et les gestes du Messie : Le sacrement du lavement des pieds rend honneur à la personne qui le donne et à celle qui le reçoit - accepter de recevoir ce sacrement, c’est accepter un début de dépendance, mais c’est celle de l’amour librement échangé.

Et parce que le pauvre est au cœur de l’Evangile, donner ce sacrement, c’est honorer avec prédilection la personne pauvre, immigrée, victime de violence, de viol, la personne en prison : toute personne victime et la personne effacée que l’on ne voit pas, que l’on oublie.

Oui, décidément, avec ce bagage tiré de la Révélation du Christ présente en moi, qui me transforme et me pousse à aller vers les autres, je puis vous dire, cher François, et dire à tous ceux que j’aime auprès de moi :

Joyeuse montée vers Pâques !

 Alice Damay-Gouin - le 03/03/2016



UNE TRIBUNE LIBRE ?

Voir la publication sur «penserlasubversion» et sur FACEBOOK le 10 mars 2016 :

‘’LE BLOGUE « PENSERLASUBVERSION » S’OUVRE A DES TRIBUNES LIBRES.

‘’L’idée est d'élargir les publications de « penserlasubversion », en s’ouvrant à des contradictions de points de vue. Ou à des points de vue orientés ou éclairés différemment de ceux de la rédaction du blogue. Et qui, contradictions ou différences d’approches, apporteront un enrichissement à la réflexion que nous voulons porter et susciter.

‘’Porte ouverte donc aux contradicteurs de tous bords qui se réclament de la liberté de l’esprit, du débat partagé, et du devoir de penser selon leur conscience et en pleine responsabilité’’.

MERCI PAR AVANCE DE VOS ENVOIS !


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