Au pape FRANÇOIS
… DÉGAGER DES ROUTES NOUVELLES.
par Alice
Damay-Gouin
Cher François,
J’ai repris 2 homélies qui m’ont
beaucoup touchée et que je prends bonheur à relire. Elles sont, pour moi, une
magnifique entrée pour commencer le chantier que vous avez voulu au début de
votre pontificat : « trouver des
routes nouvelles » :
- votre
homélie du dimanche 15 février
2015
(sur le thème : Accueillir avec tendresse les
personnes exclues).
« Je vous exhorte à servir Jésus crucifié en toute personne exclue, pour
quelque motif que ce soit ; à voir le Seigneur en toute personne exclue qui a
faim, qui a soif, qui est nue : le Seigneur qui est présent aussi en ceux et
celles qui ont perdu la foi, ou les personnes qui se sont éloignées de leur
propre foi ou qui se déclarent athées ; le Seigneur qui est en prison, qui est
en la personne malade, qui n’a pas de travail, qui est persécutée ; le Seigneur
qui est dans la personne lépreuse – en son corps ou en son âme - , en la personne
discriminée ! Nous ne découvrons pas le Seigneur, si nous n’accueillons pas la
personne exclue de façon authentique ! Rappelons-nous toujours l’image de saint
François qui n’a pas eu peur d’embrasser le lépreux et d’accueillir ceux et
celles qui souffrent toutes sortes de marginalisation (…).
« La charité est créative pour trouver le langage juste afin de
communiquer avec tous ceux et toutes celles qui sont considérées comme
inguérissables et donc intouchables. Trouver le langage juste… Le contact est
le vrai langage communicatif, le même langage affectif qui a transmis la
guérison au lépreux. Que de guérisons nous pouvons accomplir et transmettre en
apprenant ce langage du contact… ».
- votre
discours à Ecatepec (Mexique) en février 2016
(sur le thème : la Dignité humaine).
« Que de fois ne faisons-nous l’expérience dans notre chair, ou dans
notre famille, à travers nos personnes amies ou voisines, de la douleur qui
naît de ne pas voir reconnue cette dignité que nous portons tous et toutes en
nous ! Que de fois n’avons-nous pas dû pleurer et regretter de ne pas nous être
rendu compte que nous n’avons pas reconnu cette dignité dans les autres…ce
manque de reconnaissance de notre propre dignité et de celle d’autrui… ».
Puis-je, cher François, une nouvelle
fois et au risque de me répéter, laisser parler mon cœur ?
Permettez-moi de revenir à votre
homélie de février 2015
Ce
dimanche-là, vous ouvriez donc les portes d’un grand chantier : retrouver
le chemin de l’accueil des autres personnes telles qu’elles sont ! Sans
discrimination de sexe, de race, de choix de vie…
Alors que l’Eglise elle-même s’est
employée à discriminer, à rejeter, à exclure. La foule de ces personnes
rejetées, humiliées est immense.
Je pense :
- à la femme qui n’a pas voix au chapitre, qui ne peut être
ordonnée,
- à ces personnes mariées à qui on ne reconnaît pas de vocation,
- aux personnes divorcées-remariées,
- aux parias en cette Eglise : personnes homosexuelles, prêtres,
religieux, religieuses qui aiment un homme ou une femme, enfants de ces
dites personnes à qui on refuse de dire la vérité sur leurs parents,
femmes qui avortent et personnes qui les aident, prêtres pédophiles (dont
la densité serait peut-être moins forte si le sacerdoce ne s’était pas
refermé sur une caste d’hommes célibataires) …
Ce ne sont pas les personnes
divorcées-remariées, les personnes homosexuelles, les femmes qui ont avorté qui
posent problème, mais c’est la position de l’Eglise envers elles qui pose
problème !
Désolons-nous également de toutes ces
personnes qui sont «soumises» aux
ordres de l’Eglise. J’ai pris conscience de cette soumission lors de la
dernière visite pastorale où j’avais l’impression d’entendre constamment : « C’est comme Monseigneur voudra ! ».
Le Seigneur aime des hommes et des
femmes capables de décider par elles-mêmes ! La soumission n’est pas une
valeur évangélique. Nous n’avons pas à accepter une situation dégradante.
Stéphane Hessel n’a eu qu’un cri qui devrait
encore résonner : « Indignez-vous ! » L’indignation est à la
mesure de nos propres valeurs. Je crie ma révolte contre mon Eglise. On m’a
souvent répondu : « L’Eglise
est notre mère ! (vous-même,
François, l’avez dit, il y a quelques jours) Et je ne peux pas critiquer
ma mère.
Non, je n’accepte pas. L’Eglise est
une institution, elle n’est pas une femme, elle n’est pas ma mère ! Et ne
pas critiquer mon Eglise, c’est accepter l’intolérable, notamment toutes ces
humiliations envers tant de catégories de personnes.
Oui, ouvrons notre cœur à toutes ces
personnes humiliées, comme au reste à toutes celles qui le sont dans leur vie
de tous les jours - les personnes infirmes, handicapées -, ou dans leur travail
ou leur chômage - notamment les paysans que les grandes surfaces veulent
obliger à vendre leurs produits à perte.
C’est bien déjà ce que nous avons
fait, ou tenté de faire, chaque fois que nous avons marché, lutté avec d’autres
pour un monde plus juste, plus humain, plus fraternel-sororal…
Et de ma relecture de votre homélie de
février 2015, je passe tout naturellement à votre discours
d’Ecatepec.
La Dignité humaine ? La dignité
dont toute exclusion est le déni et que chaque humiliation dégrade.
La dignité du migrant : l’éclair de
joie de cette personne immigrée lorsque j’ai accepté qu’elle m’offre un café !
La dignité du pauvre : Un
célibataire m’a raconté : « J’étais
instituteur dans un établissement privé tenu par des religieuses. Un jour, j’ai
fait un accroc à l’un de mes pantalons. Une religieuse me l’a réparé. Elle me
le rendit en disant : ‘’Voilà un pantalon bon pour un pauvre !’’ Aussitôt
j’ai répondu : ma sœur, s’il est bon pour un pauvre, alors, il est bon
pour moi’’ ».
La dignité des sans-voix : celle du
pauvre encore qui reste à la porte de l’église et que les fidèles ne voient
même pas en pénétrant dans cette église ; celle des ‘’’petites gens’’, des
sans logement, des sans travail, des sans papiers ; celle des personnes ’’dépendantes’’
qui ne peuvent plus se laver, se nourrir toute seules.
La dignité la moins concevable : celle qui
procède de la conviction qu’il y a des monstruosités, mais que personne
n’est un monstre.
La dignité aussi de la joie partagée - une joie
qui a été grande lors de votre invitation à Jacques Gaillot. Celle aussi
qui fait s’écrier comme Pascal : Joie ! Joie ! Joie ! Pleurs de joie.
La dignité nourrie par la tendresse, cette
tendresse qui peut nous faire accomplir des petits miracles en nous-mêmes comme
pour les autres.
La dignité, bien sûr, dans l’esprit de
pauvreté : bienheureuses celles et ceux qui savent demander de
l’aide, qui savent demander un service à une autre personne.
La dignité jusque dans le rejet
subi : j’ai été rejetée par ma paroisse et m’a fallu apprendre à
séparer la foi de la religion. Je n’ai plus reçu aucun sacrement institué de
mon Eglise - mais l’essentiel n’est pas dans les cérémonies, les
pèlerinages, les prières, ni mêmes les sacrifices durant le Carême, l’essentiel
est notre amour envers les autres. Et j’ai reçu une multitude de sacrements
qui sont révélation du Christ, de sa Présence en moi et en toute personne : le
sacrement de la banderole, de la manifestation, de la rencontre avec telle ou
telle personne.
La dignité enfin dans la confiance. Celle qui
tient d’abord en ceci : croire qu’en toute personne, Dieu est
présent.
Cher François,
Pourquoi a-t-on oublié que la Cène
commence par la cérémonie du ’’lavement
des pieds’’ ? Heureusement, il est signifié au jeudi saint !
Mais comment, en rappelant le souvenir
de ce dernier repas, peut-on rentrer dans l’église, mitre ou tiare en tête
et crosse bien en main, symboles de pouvoir ? Alors que le Christ a
mis un tablier de servante !
Et puis qui lave les pieds ? Qui se
fait laver les pieds ?
Interrogation essentielle, à la mesure
de la place centrale que tient ce ’’lavement des pieds’’ dans l’Evangile selon
Jean.
Avec cette autre interrogation,
essentielle elle aussi : n’est-ce pas parce que Jésus marche, et nous appelle
à marcher comme lui, et que le lavement des pieds est ainsi une nécessité
matérielle autant que rituelle, que la montée vers Pâques épouse
l’accomplissement de cet acte dans son récit et dans sa symbolique ?
La réponse ne s’arrête pas au « Non, tu ne vas tout de même pas me laver
les pieds ! » de Pierre à Jésus.
Mais dans la réplique et les gestes du
Messie : Le sacrement du lavement des pieds rend honneur à la personne
qui le donne et à celle qui le reçoit - accepter de recevoir ce sacrement,
c’est accepter un début de dépendance, mais c’est celle de l’amour librement
échangé.
Et parce que le pauvre est au cœur de
l’Evangile, donner ce sacrement, c’est honorer avec prédilection la personne
pauvre, immigrée, victime de violence, de viol, la personne en prison :
toute personne victime et la personne effacée que l’on ne voit pas, que l’on
oublie.
Oui, décidément, avec ce bagage tiré
de la Révélation du Christ présente en moi, qui me transforme et me pousse à aller
vers les autres, je puis vous dire, cher François, et dire à tous ceux que
j’aime auprès de moi :
Joyeuse montée vers Pâques !
Alice
Damay-Gouin - le 03/03/2016
UNE
TRIBUNE LIBRE ?
Voir la publication sur «penserlasubversion»
et sur FACEBOOK le 10 mars 2016 :
‘’LE BLOGUE «
PENSERLASUBVERSION » S’OUVRE A DES TRIBUNES LIBRES.
‘’L’idée est d'élargir les publications de « penserlasubversion
», en s’ouvrant à des contradictions de points de vue. Ou à des points de vue
orientés ou éclairés différemment de ceux de la rédaction du blogue. Et qui,
contradictions ou différences d’approches, apporteront un enrichissement à la
réflexion que nous voulons porter et susciter.
‘’Porte ouverte donc aux contradicteurs de tous bords qui se
réclament de la liberté de l’esprit, du débat partagé, et du devoir de penser
selon leur conscience et en pleine responsabilité’’.
MERCI
PAR AVANCE DE VOS ENVOIS !
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