Étonnant déni.
Étonnant acharnement à
l'encontre du médicament qui guérit.
Peut-être pas dans 100% des cas, mais
incomparablement plus que toute autre approche clinique de l'alcoolisme.
¤ LE TÉMOIGNAGE
La personne la plus proche
de moi a vécu pendant 7 années sous l'emprise de la maladie alcoolique - à
hauteur de 3 litres de vin rouge minimum par jour. Tous les traitements tentés,
tous les types de démarches entreprises face à l'addiction ont lamentablement
échoué. Enfin, j'ai entendu parler des guérisons obtenues avec le Baclofène.
Restait à trouver un
médecin qui ait la volonté de guérir et donc le courage de l'utiliser.
Celui-ci nous a exposé tous les termes d'un acquiescement éclairé.
Pas un instant d'hésitation
de notre part : qui aurait fait un autre choix, à moins de n'avoir jamais été
confronté à la réalité de l'addiction à l'alcool - destruction de la
personnalité, progression continue dans la déchéance physique et mentale, sans
compter la souffrance des proches piégés dans leur impuissance.
Et à moins surtout
d'ignorer qu'au stade que j'évoque, la maladie alcoolique tue, immanquablement
: cirrhose, cancer du foie pour les atteintes les plus directes.
A la consommation quotidienne qu'elle avait depuis si longtemps atteinte, la
personne dont je parle, non seulement n'était plus en état de travailler ni
d'avoir l'ombre d'une vie sociale, mais elle présentait déjà une cirrhose au
stade primitif.
Il a fallu, au fil des
mois, faire progresser la posologie à des dosages de Baclofène de plus en plus
élevés - la limitation contre laquelle
s'élèvent les praticiens cités dans cet article aurait théoriquement empêché de
mener le combat avec les moyens qui l'ont rendu victorieux. D'abord, en
permettant de contenir l'addiction. Puis sous l'effet de doses de Baclofène
montées progressivement jusqu'à 60 cpés/jour de voir entamée sa régression.
ET
ENFIN DE CONSTATER UNE GUÉRISON TOTALE.
Une guérison qui a un recul
de près de trois ans. Qui permet même à la personne guérie - indifférente à ce
qui était devenu son seul centre d'intérêt dans la vie - de boire un quart ou
un tiers de verre de cidre ou de vin dans les "grandes occasions"
familiales, sans rien en ressentir ensuite en termes de regain de l'envie de
boire. L'abstention complète reprend son cours, sans qu'aucun effort de sa part
pour la maintenir ne soit nécessaire.
A titre de comparaison, la même personne du temps de son
alcoolisme présentait des déficiences cognitives extrêmement lourdes, affectant
tout particulièrement sa mémoire devenue déficiente à un point où l'on pouvait
parler d'infirmité (elle souffrait en
outre d'une pathologie neurologique, dont son alcoolisme était peut-être l'une
des expressions, et les atteintes cérébrales des deux maladies s'additionnaient)
: elle était pourtant capable de se souvenir du code de notre immeuble, et qui
plus est de retenir un nouveau code, pour pouvoir sortir acheter du vin en se
cachant de nous. Ceci donne une idée de la puissance de sa sujétion à l'alcool.
Nous qui l'entourons, nous
savons que sans le traitement par le Baclofène, sans le médecin qui a fait le
choix clinique et éthique de le prescrire, aujourd'hui elle serait morte.
Aucun des praticiens qui l'ont suivie n'a mis en doute que l'issue aurait été
celle-ci.
L'alternative existe-t-elle
entre la certitude de la mort et le recours à un médicament, certes détourné de
sa vocation première, et dont certes aussi on ignore comment il agit exactement
contre la dépendance à l'alcool, mais dont les résultats en termes de guérison
(ou au minimum d'amélioration notable) sont les seuls à être significatifs à ce
niveau, et les seuls quantitativement probants qui aient jamais été obtenus
dans la confrontation de la médecine avec la maladie alcoolique ?
On conçoit que les recherches
pharmacologiques répondent à un principe de précaution qui vaut pour tout
médicament : encore faut-il, vis à vis du Baclofène, qu'elles soient conduites
sans biais, et surtout sans cet entêtement, ou cet acharnement, dans le déni
qu'on voit trop souvent sourdre chez des médecins dont les partis pris semblent
s'exacerber au constat des vies sauvées en dehors des pratiques enseignées à la
Faculté.
Pratiques, approches ou protocoles qu'on se retient, s'agissant
de la prise en charge de l'alcoolisme, pour ne pas les renvoyer, d'expérience
vécue, à l'image de cautères sur une jambe de bois.
Didier LEVY – 16 juillet 2017
¤ L’ARTICLE DE L’OBS
Baclofène
: "Le danger des doses élevées n'est pas établi"
(ACTUALITES
NOUVELOBS COM / Anne Crignon - Publié : 14 07 2017)
"Pas plus de 80 mg
par jour de BACLOFENE pour les alcooliques : la nouvelle recommandation de l’Agence du médicament
(ANSM) inquiète les addictologues qui ont trouvé un allié thérapeutique
précieux avec cette molécule. Cette décision intervient à la suite de la
parution d’une étude rendue publique le 3 juillet.
‘’Les praticiens ne
prescrivent pas de fortes doses d’emblée mais procèdent par palier en fonction
du dialogue avec le malade. Ils savent depuis 2008, année où la prescription de
ce myorelaxant pour soigner l’alcoolisme a commencé, que le sur-mesure
s’impose, ils constatent aussi que c’est avec de doses élevées, en moyenne
entre 160 et 180 mg, soit bien au delà des 80 requis par l’agence désormais,
que le buveur parviendra (…) à
l’indifférence face à l’alcool. En 2014, leur pratique a été validée par
l’agence du médicament d’une recommandation temporaire d’utilisation (RTU).
‘’Pour ces raisons, les
médecins de terrain contestent les conclusions tirées de l’étude. Cinq d’entre
eux adressent au directeur de l’ANSM, Dominique Martin, une lettre ouverte. Ils
demandent que la mesure soit suspendue. Restreindre drastiquement la posologie leur semble injustifié. Il faut
donc s’attendre à ce que, dans l’intérêt de leurs patients, de nombreux
psychiatres, addictologues, généralistes ou gastro-entérologues continuent de
prescrire les doses fortes et nécessaires. Bien sûr avec les précautions qu‘ils
s’imposent.
Voici
leur lettre ouverte :
« Monsieur le directeur général,
L’étude
CNAM-INSERM-ANSM qui vient de paraître à propos du Baclofène et sur laquelle
vous vous appuyez pour limiter la dose maximale du baclofène à 80 mg dans le
cadre de la RTU que vous avez mise en place, appelle plusieurs commentaires.
1. Les auteurs n’en sont
pas connus.
2. Il n’est pas dit si la
méthodologie a été établie a priori et déposée, ou si elle s’est adaptée en
cours de route et a été modifiée a posteriori.
3. Le plan d’analyse
statistique n’est pas fourni.
4. Les auteurs de l’étude
font des hypothèses et des interprétations vite assimilées à une imputabilité,
ce qui est impossible avec ce type d’étude qui n’établit que des associations,
en l’occurrence selon une méthodologie discutable.
5. Deux critères
fondamentaux, la gravité de l’intoxication alcoolique et les co-morbidités
psychiatriques, n’ont pas été pris en considération : ce sont deux variables
confondantes majeures au regard des risques évalués.
6. De ce fait, la
comparabilité des quatre groupes n’est pas assurée. De plus, comme le montrent
au moins deux études de suivi déjà publiées, les participants ayant eu besoin
de doses élevées de baclofène à un moment ou un autre de leur traitement sont
en général plus gravement dépendants, ce qui ne peut pas être évalué par ce
travail.
7. Enfin, un autre biais
important concerne les différents groupes Baclofène. Il n’est pas dit
clairement comment ils ont été définis. Un patient dans le groupe de plus de
180mg a eu une prescription de plus 180mg à un moment donné du traitement, mais
pendant combien de temps, et pendant combien de temps a-t-il reçu une
prescription de doses plus faibles ?
Ceux des autres groupes ont-ils eu à un
moment donné une prescription de doses supérieures à 180 mg ? Depuis quand
durait la prescription à telle ou telle dose quand est survenu tel ou tel
événement ? Quelle a été la dose moyenne prescrite pour chaque patient des
différents groupes ? L’évolution des doses prescrites est très variable dans le
temps en fonction des patients, si bien que définir trois groupes paraît
simplificateur, voire artificiel.
Toutes ces
interrogations sont légitimes, participent du débat scientifique et méritent
des réponses. Malgré le flou qui entoure cette étude, il en a été conclu à
l’existence d’un danger important des doses élevées de Baclofène, ce qui n’est
pas établi tant que les biais potentiels n’auront pas été éliminés.
Ces conclusions ne nous
paraissent pas justifier à ce jour une décision de limitation à 80 mg de la
prescription de Baclofène car cette décision ne tient aucun compte des données
d’efficacité montrant l’intérêt des doses supérieures à 80 mg.
Il est
nécessaire de discuter et d’affiner ces données, et surtout de mener des études
dont la méthodologie soit plus adaptée à la question de la sécurité du Baclofène.
Les nombreuses études cliniques menées par plusieurs équipes à travers le monde
sont à cet égard beaucoup plus rassurantes.
Veuillez
recevoir, monsieur le directeur général, l’assurance de nos respectueuses
salutations ».
Francis ABRAMOVICI,
Xavier AKNINE,
Bernard GRANGER,
Paul KIRITZE-TOPOR,
Claude MAGNIN
Membres du comité
scientifique spécialisé temporaire "RTU Baclofène dans le traitement de la
dépendance à l’alcool" réuni par l’ANSM’’