PEUT-ON ÊTRE DE GAUCHE
ET NE
PAS ÊTRE RÉPUBLICAIN ?
Question dont la
réponse, négative, tombe a priori sous le sens. Et pourtant …
➤ On ne peut pas être républicain et s’accommoder de la monarchie
élective léguée par le Général de Gaulle.
➤ On ne peut pas être républicain et s’inscrire dans la
logique plébiscitaire sur laquelle la V ème république fait reposer le pouvoir
personnel qu’elle institue.
Simplement parce
qu’être républicain, c’est porter, incorporée à toutes fibres de son être, une
exécration irréductible et absolue à l’encontre de toute forme de pouvoir de
personnel.
➤ On ne peut pas être
républicain et se résigner à ce que la constitution de son pays soit violée
depuis le jour de sa promulgation. La confiscation des attributions du
gouvernement et du Premier ministre par le président de la République, l’usurpation
du pouvoir exécutif - inconcevable dans
tout autre état démocratique – qui en est l’effet, peuvent-elles laisser indifférents
quiconque se réclame de la République et du républicanisme ?
Indifférent ou
inattentif alors qu’elles constituent, davantage encore qu’un ‘’coup d’Etat
permanent’’, une forfaiture continue : une forfaiture commise (hors
périodes de cohabitation) depuis la mise en place de la constitution de
1958. Une forfaiture pour la raison
que la première mission confiée aux présidents de la République est de veiller
au respect de la Constitution. Alors
que ceux-ci n’ont cessé de la piétiner.
➤ Et pourtant cette forfaiture qui la relève encore ?
Deux
générations ont été à ce point tympanisées des mérites de la Vème république qu’à
quelques exceptions méritoires près, elles n’ont plus l’idée d’exercer leur
sens critique à son égard. Et vis-à-vis de ceux, en nombre de plus en plus réduit,
qui persistent à opposer à la concentration des pouvoirs entre les mains du président
de la République qu’aux termes de la Loi fondamentale, le gouvernement
« détermine et conduit la politique de la Nation » et que « le
Premier ministre dirige l’action du gouvernement », la réplique est
invariablement la même : ils ignorent ‘’l’esprit des
institutions’’.
Ou comment
justifier l’injustifiable par un argument dont la seule force réside dans la
répétition quasi unanime dont il fait l’objet depuis un demi siècle. Mais qui
demeure ce qu’il est : un non sens juridique. A-t-on déjà vu que l’esprit
d’une loi puisse signifier exactement et radicalement le contraire de ce que la
lettre de cette loi énonce ?
Que
tous les présidents se soient installés dans la violation de la Constitution par
laquelle le fondateur de la Vème république a ramené tous les pouvoirs de
gouvernement entre les mains du président de la République – en entendant que
ce dernier les exerce ou les délègue -, et que premiers ministres et ministres
en soient venus à se flatter de la ‘’feuille de route’’ que le ‘’chef de
l’Etat’’ (désignation antirépublicaine par essence et à l’endroit de laquelle
le général de Gaulle a eu autant de prédilection que Philippe Pétain) leur
délivrait dans des domaines que la Constitution confiait à leur décision, n’est
finalement peut-être pas le pire.
Ce
pire réside, du moins dans le moment immédiat, en le constat que nous avons
sous les yeux : une fois encore,
tous les candidats à l’élection présidentielle, y compris les candidats les
plus républicains – Jean-Luc Mélenchon en tête, pourtant le censeur le plus
affirmé de la Vème république et de sa pratique - se présentent devant le corps électoral avec un catalogue de
propositions dont les neuf dixièmes, au minimum, concernent des sujets où le
président de la République n'a aucune compétence constitutionnelle pour
intervenir. Sauf si sa mission d’arbitre ou celle de garant légitiment
qu’il s’en mêle.
Des
sujets et des matières où la mise en œuvre de telle ou de telle politique doit
être exclusivement déterminée par le résultat des élections législatives, et
donc être l'affaire de la majorité qui en sortira ou qui sera formée à leur
suite, et du gouvernement que celle-ci soutiendra.
➤ Un constat doublement accablant pour un électeur de
gauche. D’abord par ce qu’il révèle de l’effondrement qu’a subi l’esprit
républicain.
On ne
peut certes pas envisager raisonnablement que le républicanisme conduise ses
défenseurs à boycotter les élections concourant au fonctionnement d’un régime
plébiscitaire et inconstitutionnel. Ni reprocher à ces défenseurs de ne pas
s’être retranchés dans ce boycott dès la première violation de la Constitution
de 1958.
Reste
qu’ils auraient pu davantage, et qu’ils devraient davantage, rappeler dans leur
mémoire le souvenir - oh combien exemplaire - du Victor Hugo d’Ultima Verba qui, lui, ne retira rien,
depuis son exil et pendant deux décennies, à sa condamnation irrévocable du
coup d’Etat du 2 décembre. Au moins n’auraient-ils ainsi pas déserté le procès
en illégitimité que tout républicain doit faire au système de la Vème
république. Ou n’auraient-ils pas
méconnu l’obligation qui leur incombait de plaider ce procès non seulement par
leurs paroles et leurs propositions, mais en premier lieu par leurs actes.
Ensuite,
et corrélativement, parce qu’il démontre que la cause première de la situation absurde
et suicidaire qui voit deux candidats de gauche – authentiquement de gauche –
se livrer entre eux à une compétition électorale dont l’enjeu est la 4 ème
place, éliminatoire, du scrutin du 1er tour, tient à l’ignorance
dans laquelle ils campent l’un et l’autre : celle de l’inconstitutionnalité
qui entoure la concurrence de leurs programmes.
Ignorance ou déni du fait qu’ils
n’ont aucun programme à promouvoir en tant que candidat à l’élection
présidentielle, sauf à s’inscrire
dans la violation de la Constitution qu’il leur revient de dénoncer au nom de
la gauche et du républicanisme.
Et sauf
à nous jouer la farce qui consiste à critiquer ou à s’engager à remplacer les
institutions dévoyées de la Vème république, tout en faisant comme si le
départage entre leurs projets appartenait à l’élection présidentielle, alors
que la lettre et l’esprit de ces mêmes institutions, dont le respect s’impose à
ce jour à tout républicain malgré les outrages qu’elles ont connus, sont de
nature parlementaire - et que ce
départage ne saurait par conséquent intervenir de la part des citoyens que lors
du scrutin des élections législatives.
Se
conformeraient-ils à cette logique parlementaire de la Constitution et à
l’économie de la séparation des pouvoirs que fixe celle-ci, que leurs
candidatures rivales leur sembleraient sans doute moins indispensables au salut
de la Gauche, de la République et de la Patrie. Et que mettant fin à des mois
d’aveuglement, ils reporteraient la compétition entre leurs programmes sur le
terrain qui lui est réservée.
Dès lors le
désistement qui commande une candidature unique de la gauche à la
présidentielle leur paraîtrait probablement un épisode somme toute secondaire –
façon aussi de dire que la composante en forme de querelle d’ego que comporte
l’impraticabilité actuelle de cette candidature unique aurait une chance
sérieuse de se déliter …
Le seul point qu’ils auraient véritablement
à négocier porterait sur le processus devant amener le peuple français à se
prononcer sur la constitution de la VIème république. Processus sur lequel le candidat à la présidence de la
République aurait à s’engager vis-à-vis des citoyens, dans la mesure où, s’il
était élu, le dernier mot en la matière lui reviendrait si nécessaire, de par
la faculté que lui donne l’article 11 de la Constitution de soumettre le projet
constitutionnel au référendum.
¤ Les considérants de cette Adresse
décrivent un scénario qui relève malheureusement sans doute de la politique
fiction. Ce scénario peut au moins revendiquer l’avantage de sa cohérence dans
la mesure où il fait apparaître que l'issue de l'élection présidentielle – à
travers les singularités et les surprises qu’est susceptible de produire le
chaos politique présent - pourrait être
de rendre aux élections législatives leur vocation normale dans les
institutions approuvées par le peuple français en 1958. Un avantage qui, au
reste, vaudrait vraisemblablement quel que soit le candidat qui l'emporte en
définitive.
¤ Avec cependant cette réserve que la loi électorale et le seuil
d’élimination en pourcentage de voix par rapport aux inscrits qu’elle fixe à un
niveau trop élevé au 1er tour des législatives, risquent fort de
reproduire dans nombre de circonscriptions le caractère de loterie que présente
le 1er tour de l’élection présidentielle. Les effets pervers du
scrutin majoritaire s’en trouvant démesurément grossis, surtout si l’abstention
est élevée, à l’instar de ceux de la prime majoritaire, également excessive,
appliquée aux dernières élections régionales. Les élections législatives perdraient
là en légitimité républicaine ce qu’elles auraient gagné en importance
politique.
Ce
risque, que le culte ou l’addiction de la Vème république pour la majorité
absolue, reflet direct de sa nature plébiscitaire, a attaché aux dispositions
électorales en vigueur, ne connaît évidemment d’autre parade qu’un changement
de ces dispositions.
Mais
il ne pèse pas suffisamment au regard du défi d’unité que la gauche a à relever
d’ici au 1er tour de l’élection présidentielle pour que la présente Adresse retire quoique ce soit à la
vocation qu’elle s’est donnée : intimer
aux citoyens Hamon et Mélenchon de se conformer aux compétences
constitutionnelles du président de la République, et de cesser par conséquent
de concourir l’un contre l’autre dans l’élection à cette fonction sur des
options politiques entre lesquelles il revient aux citoyens, et en premier lieu
aux électeurs de gauche, de choisir lors du scrutin législatif.
Scrutin
qui non seulement est ‘’fait pour ça’’
mais se trouve être le seul vote national authentiquement républicain sous la
Vème république.
Didier
LEVY – 31
mars 2017
Publié sur Facebook ce même jour
► Une publication du site ‘’penserlasubversion’’
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