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samedi 30 juillet 2016

RÉTABLIR LA PEINE DE MORT : LA FOLIE DES MOTS PRÉCÈDE TOUJOURS LA FOLIE DES ACTES.

  
QUI, LE PREMIER, VA OSER RÉCLAMER
LE RÉTABLISSEMENT DE LA PEINE DE MORT
POUR LES TERRORISTES ? 

Qui, le premier, au prochain attentat ou à l’un des suivants (puisque nous savons hélas qu’il faut s’attendre à ce qu’ils aient lieu), va franchir le pas : Nicolas SARKOZY, Laurent WAUQUIEZ … ?

Faute de connaître leur option philosophique sur la peine de mort, on accordera à MM FILLON, COPÉ et MARTINON, et aux candidats de second plan à la primaire de la droite, le crédit de ne pas les faire figurer sur la liste prévisionnelle des postulants à la commission de cette infamie. Liste dont on a évidemment a priori écarté, pour les candidatures prédominantes, celles venant de personnalités unanimement reconnues comme ‘’convenables’’ et démocratiquement compatibles.

A moins que la proposition ne vienne de M. ESTROSI, de M. CIOTTI, ou d’un autre personnage qui comme eux se distingue ordinairement dans les rangs des LR par des prises de position ultra sécuritaires. On pense notamment à ceux qui à l’instar des susnommés, doivent se mesurer dans leurs fiefs électoraux avec la concurrence du Front national.

Il faut aussi compter bien sûr avec les plumes les plus réactionnaires de la société civile dont les obsessions identitaires et les compulsions répressives ont construit le fond de commerce éditorial, et avec les éditorialistes et chroniqueurs qui ont déjà donné quelques exemples de dérapages nauséabonds.


La déferlante du punitif, du non sens et de la démagogie.

La revendication de la restauration de la peine capitale, qui s’inscrit si logiquement dans le déferlement de suggestions indignes et/ou insensées dont on nous accable depuis le 14 juillet, ne semble malheureusement laisser la place qu’à une seule incertitude : celle du moment où elle surgira.

Si on cité en premier lieu, comme auteurs potentiels, MM. SARKOZY et WAUQUIEZ, c’est que l’un et l’autre ont derrière eux une somme vertigineuse de déclarations qui ne laissent absolument aucun doute sur le fait qu’ils sont capables de tout - s’entend pour eux du pire - dans leur expression publique.

Et pour le premier, parce que son statut de candidat à la candidature - dont l’officialisation est opportunément retardée eu égard aux avantages que lui assure présentement la présidence de son parti - donnerait un relief tout particulier à l’affirmation de sa part de la nécessité d’en revenir au ‘’châtiment suprême’’. En corrélant de surcroît cet ajout à son programme aux données tactiques et au calendrier de la primaire de la droite : Nicolas SARKOZY serait en effet placé devant l’alternative d’attendre pour en faire l’annonce la dernière ligne droite de la campagne interne à son camp afin de distancer ces concurrents au moment le plus décisif, ou, si un nouvelle attaque terroriste se produit d’ici là, de se prononcer dans le summum d’émotion et dans l’emballement médiatique du moment - en se gardant subsidiairement du risque d’être devancé par le Front National et de perdre le bénéfice d’un coup de démagogie sans pareil .

Front National dont on doit bien penser qu’il n’attend lui aussi que le moment le plus opportun pour exiger le rétablissement de la peine de mort pour les auteurs d’attentats islamistes. Le concernant, outre le choix de la circonstance qu’il jugera la plus réceptive et le plus payante, l’inconnu renvoie à la personnalité qu’il chargera, ou qui se chargera, de formuler sa prise de position : la présidente du parti ou la jeune députée du Vaucluse, par ailleurs si soucieuse de la défense des valeurs dites chrétiennes et donc du ‘’respect de la vie’’ ?


L’illisible et le bruit de fond de la « droite dure ».

Est-il déraisonnable d’imaginer qu’on va assister à la réapparition dans le débat public, et en première place, de la question de la peine capitale ? A qui le penserait, on conseillera de s’arrêter devant un kiosque à journaux et de parcourir les pages de ‘’Une’’ respectives des quotidiens affichés. Faire cette expérience ces jours-ci, c’est se voir confronté, sur le sujet de la prévention et de la répression du terrorisme, aux recommandations les plus attentatoires au droit et aux principes sous lesquels la République nous a fait vivre en garantissant nos libertés, et en même temps les plus absurdes ou les plus assurément inopérantes *.

Chacun y a va de ses suggestions dans une course au plus répressif et au plus liberticide qui n’a pas de raison de trouver son terme .Ici un ancien magistrat, là un avocat général à la retraite, ailleurs un expert pas moins réputé pour son positionnement dans la droite dure, c’est à qui prescrit les mesures les plus outrées et les plus dangereuses remises en cause de ce qui fait l’état de droit dans une démocratie contemporaine.

L’idée commune - on se réfère ici au résumé qu’en donne excellemment Nicolas SARKOZY (en ce domaine entièrement dédié au libre parcours de l’irréfléchi et de l’hasardeux, il y a tout lieu de se fier à lui) - tient en ceci : « faire bouger les lignes de droit pour l’adapter à l’ampleur de la menace ».

Sachant que la menace terroriste actuelle ne connaît ni limité appréhendable quant aux moyens auxquels peut recourir l’agresseur, ni profil avéré pour l’identification et le repérage préventif des exécutants, ni étendue géographique ou sociologique à laquelle elle serait susceptible d’être circonscrite eu égard à la multiplicité et à la diversité des champs de bataille qu’elle nous impose, on entrevoit jusqu’où ces « lignes de droit », au demeurant des plus imprécises, devraient ainsi « bouger ».

Partant de là, est-il si surprenant qu’on tombe au fil des titres exposés en devanture des kiosques, sur des questions aussi ahurissantes que « Les juges sont-ils trop indépendants ? » - ceci formulé dans le pays de Montesquieu (ou il est vrai que la justice a longtemps donné des exemples qui démentaient la distinction prêtée au baron Séguier entre les arrêts et les services, et où il ne s’est trouvé, dans tout le corps judiciaire, qu’un seul magistrat pour refuser de prêter le serment au Maréchal Pétain …).

Ou sur des suppositions simplement effarantes comme celle de s’affranchir unilatéralement du contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme, la France faisant en quelque sorte le tri dans les compétences de celle-ci pour en retrancher ce qu’elle jugerait inapproprié compte tenu des exigences de la lutte contre les djihadistes. Exigences dont l’évaluation ne cesserait certainement pas d’être revue à la hausse au fil du temps, tandis que les protections apportées aux citoyens par la CEDH se réduiraient symétriquement.


Pour se faire une idée du panorama qu’on aura bientôt sous les yeux.

Laisser aller ainsi le dérèglement des opinions nous exposerait à délibérer dans quelques mois sur des propositions et sur des thèmes bien pires encore. Faut-il se résigner à ce qu’on en vienne à discuter du mode d’exécution des peines capitales appelées à être prononcées à l’encontre des terroristes ? Signalons à ceux qui penseraient qu’on tire ici les choses au plus noir que se lit déjà, entre certaines lignes, qu’il serait légitime d’appliquer aux djihadistes de nationalité française le châtiment encouru en temps de guerre pour les faits d’intelligence avec l’ennemi et de trahison ?

Et faut-il offrir cette victoire à Daesh de combattre nous-mêmes notre démocratie et son appareil de lois qui sanctuarisent les droits que nous avons conquis sur nous-mêmes et contre tous les obscurantismes, toutes les intolérances et tous les arbitraires ? Démocratie et droits que Daesh abhorre, et à un point tel qu’elle n’a pas besoin de notre concours pour s’en prendre à eux et pour y porter le fer.

On l’aura compris, le présent message veut se situer, à sa façon, dans l’esprit des lanceurs d’alerte. Alerte qui en l’espèce, se résume en fin de compte à cette mise en garde : en continuant sur la lancée où nous sommes, les questions que nous nous poserons demain seront de nous demander (si nous cherchons nos références aux Etats-Unis pour les modalités d’exécution des condamnés à mort) s’il faut faire appel aux Laboratoires Servier - auxquels on prête une expertise touchant aux molécules homicides - pour la fourniture des produits nécessaires aux injections léthales, ou, dans une autre option, s’il convient de recourir à des ‘’partenariats public-privé’’ (formule que privilégient de si bon cœur les gouvernants de droite) pour la construction de chambres à gaz ou l’équipement de salles d’électrocution ?

Sans préjudice, le cas échéant, du questionnement juridique sur le point de savoir si une clause particulière doit être ajoutée aux engagements dans notre armée de métier, prévoyant explicitement la participation des militaires du rang aux pelotons d’exécution constitués pour les terroristes ‘’nationaux’’ ? Ou de la discussion sur l’opportunité de lancer une collecte publique aux fins de financer la production d’un lot de guillotines entièrement robotisées - pour éviter d’avoir à compter avec les délais de recrutement et de formation d’une équipe d’exécuteur des hautes œuvres, puis avec le coût de leurs salaires.

Autant de perspectives de régression qu’une société civilisée ne peut envisager sans effroi. Et qui font qu’on a eu quelque raison de titrer ce message d’alerte : LA FOLIE DES MOTS PRÉCÈDE TOUJOURS LA FOLIE DES ACTES.

Didier LEVY - 30 juillet 2016
« D’HUMEUR ET DE RAISON »
(Publié sur Facebook ce même jour)

* Quel sens peut-il ainsi y avoir à préconiser l’application de la peine de mort, et de quelle invocation de l’exemplarité et du caractère dissuasif prêté à celle-ci peut-on tirer argument, s’agissant de fanatiques pour qui la mort, celle qu’ils infligent et plus encore celle à laquelle ils aspirent, fait probablement tout le sens qu’ils donnent à leur vie ?


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