QUI, LE PREMIER, VA OSER RÉCLAMER
LE RÉTABLISSEMENT DE LA PEINE DE MORT
POUR LES TERRORISTES ?
Qui, le premier, au prochain attentat ou à l’un des suivants (puisque nous savons hélas qu’il faut
s’attendre à ce qu’ils aient lieu), va franchir le pas : Nicolas
SARKOZY, Laurent WAUQUIEZ … ?
Faute de connaître leur option philosophique sur la peine de mort,
on accordera à MM FILLON, COPÉ et MARTINON, et aux candidats de second plan à
la primaire de la droite, le crédit de ne pas les faire figurer sur la liste
prévisionnelle des postulants à la commission de cette infamie. Liste dont on a
évidemment a priori écarté, pour les candidatures prédominantes, celles venant
de personnalités unanimement reconnues comme ‘’convenables’’ et
démocratiquement compatibles.
A moins que la proposition ne vienne de M. ESTROSI, de M. CIOTTI,
ou d’un autre personnage qui comme eux se distingue ordinairement dans les
rangs des LR par des prises de position ultra sécuritaires. On pense notamment
à ceux qui à l’instar des susnommés, doivent se mesurer dans leurs fiefs
électoraux avec la concurrence du Front national.
Il faut aussi compter bien sûr avec les plumes les plus
réactionnaires de la société civile dont les obsessions identitaires et les
compulsions répressives ont construit le fond de commerce éditorial, et avec
les éditorialistes et chroniqueurs qui ont déjà donné quelques exemples de
dérapages nauséabonds.
La
déferlante du punitif, du non sens et de la démagogie.
La revendication de la restauration de la peine capitale, qui
s’inscrit si logiquement dans le déferlement de suggestions indignes et/ou
insensées dont on nous accable depuis le 14 juillet, ne semble malheureusement laisser la place qu’à une seule incertitude : celle du
moment où elle surgira.
Si on cité en premier lieu, comme auteurs potentiels, MM. SARKOZY
et WAUQUIEZ, c’est que l’un et l’autre ont derrière eux une somme vertigineuse de
déclarations qui ne laissent absolument aucun doute sur le fait qu’ils sont
capables de tout - s’entend pour eux du pire - dans leur expression publique.
Et pour le premier, parce que son statut de candidat à la
candidature - dont l’officialisation est opportunément retardée eu égard aux
avantages que lui assure présentement la présidence de son parti - donnerait un
relief tout particulier à l’affirmation de sa part de la nécessité d’en revenir
au ‘’châtiment suprême’’. En corrélant de surcroît cet ajout à son programme aux
données tactiques et au calendrier de la primaire de la droite : Nicolas
SARKOZY serait en effet placé devant l’alternative d’attendre pour en faire l’annonce
la dernière ligne droite de la campagne interne à son camp afin de distancer
ces concurrents au moment le plus décisif, ou, si un nouvelle attaque
terroriste se produit d’ici là, de se prononcer dans le summum d’émotion et
dans l’emballement médiatique du moment - en se gardant subsidiairement du
risque d’être devancé par le Front National et de perdre le bénéfice d’un coup
de démagogie sans pareil .
Front National dont on doit bien penser qu’il n’attend lui aussi
que le moment le plus opportun pour exiger le rétablissement de la peine de
mort pour les auteurs d’attentats islamistes.
Le concernant, outre le choix de la circonstance qu’il jugera la plus réceptive
et le plus payante, l’inconnu renvoie à la personnalité qu’il chargera, ou qui
se chargera, de formuler sa prise de position : la présidente du parti ou
la jeune députée du Vaucluse, par ailleurs si soucieuse de la défense des
valeurs dites chrétiennes et donc du ‘’respect de la vie’’ ?
L’illisible
et le bruit de fond de la « droite dure ».
Est-il déraisonnable d’imaginer qu’on va assister à la réapparition
dans le débat public, et en première place, de la question de la peine
capitale ? A qui le penserait, on conseillera de s’arrêter devant un
kiosque à journaux et de parcourir les pages de ‘’Une’’ respectives des
quotidiens affichés. Faire cette expérience ces jours-ci, c’est se voir
confronté, sur le sujet de la prévention et de la répression du terrorisme, aux
recommandations les plus attentatoires au droit et aux principes sous lesquels
la République nous a fait vivre en garantissant nos libertés, et en même temps
les plus absurdes ou les plus assurément inopérantes *.
Chacun y a va de ses suggestions dans une course au plus répressif
et au plus liberticide qui n’a pas de raison de trouver son terme .Ici un
ancien magistrat, là un avocat général à la retraite, ailleurs un expert pas
moins réputé pour son positionnement dans la droite dure, c’est à qui prescrit les mesures les plus outrées et les plus
dangereuses remises en cause de ce qui fait l’état de droit dans une démocratie
contemporaine.
L’idée commune - on se réfère ici au résumé qu’en donne excellemment
Nicolas SARKOZY (en ce domaine
entièrement dédié au libre parcours de l’irréfléchi et de l’hasardeux, il y a
tout lieu de se fier à lui) - tient en ceci : « faire bouger les lignes de droit pour
l’adapter à l’ampleur de la menace ».
Sachant que la menace terroriste actuelle ne connaît ni limité appréhendable
quant aux moyens auxquels peut recourir l’agresseur, ni profil avéré pour l’identification
et le repérage préventif des exécutants, ni étendue géographique ou
sociologique à laquelle elle serait susceptible d’être circonscrite eu égard à
la multiplicité et à la diversité des champs de bataille qu’elle nous impose,
on entrevoit jusqu’où ces « lignes de droit », au demeurant des plus
imprécises, devraient ainsi « bouger ».
Partant de là, est-il si surprenant qu’on tombe au fil des titres
exposés en devanture des kiosques, sur des questions aussi ahurissantes que « Les juges sont-ils trop
indépendants ? » - ceci formulé dans le pays de Montesquieu (ou
il est vrai que la justice a longtemps donné des exemples qui démentaient la
distinction prêtée au baron Séguier entre les arrêts et les services, et où il
ne s’est trouvé, dans tout le corps judiciaire, qu’un seul magistrat pour
refuser de prêter le serment au Maréchal Pétain …).
Ou sur des suppositions
simplement effarantes comme celle de s’affranchir unilatéralement
du contrôle de la Cour européenne des droits de l’homme, la France faisant
en quelque sorte le tri dans les compétences de celle-ci pour en retrancher ce
qu’elle jugerait inapproprié compte tenu des exigences de la lutte contre les
djihadistes. Exigences dont l’évaluation ne cesserait certainement pas d’être
revue à la hausse au fil du temps, tandis que les protections apportées aux
citoyens par la CEDH se réduiraient symétriquement.
Pour
se faire une idée du panorama qu’on aura bientôt sous les yeux.
Laisser aller ainsi le dérèglement des opinions nous exposerait à délibérer
dans quelques mois sur des propositions et sur des thèmes bien pires encore. Faut-il se résigner à ce qu’on en vienne à
discuter du mode d’exécution des peines capitales appelées à être prononcées à
l’encontre des terroristes ? Signalons
à ceux qui penseraient qu’on tire ici les choses au plus noir que se lit déjà,
entre certaines lignes, qu’il serait légitime d’appliquer aux djihadistes de
nationalité française le châtiment encouru en temps de guerre pour les faits
d’intelligence avec l’ennemi et de trahison ?
Et faut-il offrir cette
victoire à Daesh de combattre nous-mêmes notre démocratie et son appareil de lois qui sanctuarisent
les droits que nous avons conquis sur nous-mêmes et contre tous les
obscurantismes, toutes les intolérances et tous les arbitraires ?
Démocratie et droits que Daesh abhorre, et à un point tel qu’elle n’a pas
besoin de notre concours pour s’en prendre à eux et pour y porter le fer.
On l’aura compris, le
présent message veut se situer, à sa façon, dans l’esprit des lanceurs
d’alerte. Alerte qui en
l’espèce, se résume en fin de compte à cette mise en garde : en continuant
sur la lancée où nous sommes, les questions que nous nous poserons demain
seront de nous demander (si nous cherchons nos références aux Etats-Unis pour
les modalités d’exécution des condamnés à mort) s’il faut faire appel aux
Laboratoires Servier - auxquels on prête une expertise touchant aux molécules
homicides - pour la fourniture des produits nécessaires aux injections
léthales, ou, dans une autre option, s’il convient de recourir à des ‘’partenariats public-privé’’ (formule que
privilégient de si bon cœur les gouvernants de droite) pour la construction de
chambres à gaz ou l’équipement de salles d’électrocution ?
Sans préjudice, le cas échéant, du questionnement juridique sur le
point de savoir si une clause particulière doit être ajoutée aux engagements
dans notre armée de métier, prévoyant explicitement la participation des
militaires du rang aux pelotons d’exécution constitués pour les terroristes
‘’nationaux’’ ? Ou de la discussion sur l’opportunité de lancer une collecte
publique aux fins de financer la production d’un lot de guillotines entièrement
robotisées - pour éviter d’avoir à compter avec les délais de recrutement et de
formation d’une équipe d’exécuteur des hautes œuvres, puis avec le coût de
leurs salaires.
Autant de perspectives de régression qu’une société civilisée ne
peut envisager sans effroi. Et qui font qu’on a eu quelque raison de titrer ce
message d’alerte : LA FOLIE DES
MOTS PRÉCÈDE TOUJOURS LA FOLIE DES ACTES.
Didier LEVY - 30 juillet 2016
« D’HUMEUR ET DE RAISON »
(Publié sur Facebook ce même
jour)
* Quel sens peut-il ainsi y
avoir à préconiser l’application de la peine de mort, et de quelle invocation
de l’exemplarité et du caractère dissuasif prêté à celle-ci peut-on tirer
argument, s’agissant de fanatiques pour qui la mort, celle qu’ils infligent et
plus encore celle à laquelle ils aspirent, fait probablement tout le sens
qu’ils donnent à leur vie ?
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