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samedi 11 février 2017

UNE SOLUTION RÉPUBLICAINE POUR UNE ÉLECTION QUI NE L’EST PAS, ET QUI EN AFFICHE LES CONSÉQUENCES COMME JAMAIS AUPARAVANT.

À UNE AMIE QUI SUGGÈRE LE NOM DE M. BAYROU POUR UNE CANDIDATURE DE ‘’RASSEMBLEMENT RÉPUBLICAIN’’.

Une candidature visant à exclure M. Fillon du second tour de l’élection présidentielle, puis à rassembler une forte majorité des suffrages contre Mme Le Pen - une majorité pas loin d’être aussi massive que celle qui a rejeté le candidat du FN en 2002.

A écarter l’un par un vote sanction sans appel, et à infliger à la seconde un rejet significatif manifestant l’attachement républicain des électeurs. En réunissant dans les deux cas des chances de succès supérieures à celles que comportent les autres candidatures déclarées à ce jour.

Si je suis bien sa suggestion, une candidature Bayrou réunirait ces deux critères d’efficacité face aux faiblesses que comportent les candidatures honorables déclarées à ce jour.

Faiblesses qui se confirmeraient, et qui désarmeraient les citoyens irréductiblement hostiles à un second tour Fillon-Le Pen, et tout autant déterminés à faire barrage à la candidate de l’extrême-droite, si deux risques plus qu’en suspens aujourd’hui venaient à se réaliser :

- l’incapacité de MM. Hamon, Jadot et Mélenchon à s’accorder en temps utile sur une candidature unique de la gauche socialiste et écologique, incapacité qui stériliserait les suffrages exprimés séparément en leur faveur au premier tour ;

- un ‘’décrochage’’ irrémédiable des intentions de vote qui sont accordées à M. Macron, ce à quoi est exposé toute candidature portée par une adhésion à une personne plus qu’à un programme, et soutenue par un mouvement de faveur médiatique, ceux-ci ayant par nature une durabilité incertaine.
  
J’ai commenté cette suggestion hier sur Facebook. Une suggestion qui est en elle-même pertinente (1), mais ...


¤ La condition à remplir pour s’accorder à sa logique et pour la rendre opérante.

Mais à la condition - qui tombe sous le sens dans toutes les autres démocraties ... - de respecter la Constitution. Laquelle ne l'a jamais été depuis sa promulgation - plus de cinq décennies ! - s'agissant de la nature et des limites de la fonction de président de la République. Arbitre du bon fonctionnement des pouvoirs publics, garant des intérêts supérieurs de la nation (souveraineté, indépendance, intégrité territoriale), veillant au respect de la constitution et à l'indépendance de la justice : c'est le concernant ce que fixe la Loi fondamentale. Le pouvoir exécutif - qui ‘’détermine et conduit la politique de la nation’’ - appartient au gouvernement et à lui seul, un gouvernement dont le Premier ministre est le chef.


¤ Une incohérence constitutionnelle qui serait insurmontable ?
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Avec, certes, la zone de flou - héritage des institutions monarchiques (héritage déjà présent dans les lois constitutionnelles régissant la III ème république) - qui tient à ce que le président de la République est ‘’le chef des armées’’ et qu'il "négocie et ratifie les traités" : attributions contradictoires avec celles du gouvernement en ce que, prises au pied de la lettre, elles diviseraient le pouvoir exécutif entre les compétences présidentielles de type régalien et, pour tout le reste, les compétences primo ministérielles.

Cette incohérence tient à l'idée que le général de Gaulle se faisait du "chef de l'Etat" - appellation déjà utilisée par Philippe Pétain et dont on comprendra peut-être un jour qu'elle est fondamentalement a-républicaine (en république, l'Etat - la chose publique - n'a d'autre "chef" que l’indivision des citoyens, et ne compte que des autorités publiques déléguées par ceux-ci pour exercer les fonctions respectives de gouvernant et de législateur et pour assurer l'administration du pays).

De Gaulle tenait tant à ces compétences régaliennes qu'il a en effet veillé à ce qu'elles fussent gravées dans les pouvoirs présidentiels définis par le texte de 1958 - à la différence des autres pouvoirs décisionnels qu'il a exercés par captation en laissant les rédacteurs de la Constitution les attribuer au gouvernement et à son chef, tout en ayant bien l'intention de se les approprier - ce qu'il réussit pleinement à faire à partir de 1962 et du départ de Matignon de Michel Debré.

Est-ce à dire que cette incohérence est insurmontable ? Aucunement, et l'exemple des trois cohabitations, et plus spécialement celle de 1997-2002, le démontre amplement. Expérience où la "zone de flou" s'est normée et cadrée, et qui serait parfaitement renouvelable dans l'hypothèse Bayrou (lequel ferait au minimum un excellent arbitre et un garant supérieur à bien d'autres …) que vous suggérez.


¤ Le précédent de la cohabitation de 1997-2002.

Dès lors du moins que comme en 1997, l'opinion et les partis républicains se conformeraient à la lettre et à l'esprit de la constitution en vigueur, en reconnaissant que les élections législatives décident de la politique générale de la France et de l'équipe qui a la charge des affaires publiques. Le président de la République s'en tenant donc, comme dans tout état de droit de par le monde, aux seules attributions qu'il tient de la Loi fondamentale.

Il semble, hélas, qu'on est loin de pouvoir envisager cette normalisation institutionnelle si l'on mesure que tous les candidats en présence, comme tous leurs devanciers lors des élections présidentielles précédentes, présentent des programmes composés à 90% de mesures que la Constitution de la République française exclut des compétences présidentielles. J'ai publié sur ce blogue ‘’penserlasubversion’’ et sur Facebook, il y a de cela quelques semaines, un long article consacré à cette anomalie qui mérite à mon sens d'être qualifiée d’effarante. Mais qui apparemment ne choque plus grand monde, voire quasiment plus personne.


¤ Un retour au droit après 50 ans de déni de la Constitution ?

L'argument, juridiquement inepte, suivant lequel l'élection présidentielle au suffrage universel direct aurait changé l'équilibre et la répartition des pouvoirs, est passé par là …

Pour mesurer que cet argument est construit sur du vent, et sur l’emprise dont bénéficient les conceptions institutionnelles du fondateur de la Vème république qui ont conduit à la dénaturation de celle-ci en monarchie élective à caractère plébiscitaire, il suffit de se renvoyer à une interrogation élémentaire : les attributions des maires seraient-elles modifiées en quoique ce soit par rapport à ce dont décide la loi depuis 1881, si demain les premiers magistrats municipaux étaient élus au suffrage direct de leurs concitoyens ? Evidemment non : les modes d'élection sont une chose, les attributions des institutions dont l'élection désigne qui en aura la charge en sont naturellement une tout autre.

Au regard de ce dont s'est accommodée, pour ce qui est de la fonction présidentielle, la France de la Vème république en matière de détournement et - pour appeler les choses par leur nom - de viol de la Constitution, Louis-Napoléon Bonaparte, qui faisait entériner tout changement constitutionnel par un référendum, apparaît finalement, nonobstant son inclination initiale pour le coup d'Etat, comme un politique très soucieux du droit et, plus encore, de sa légitimité. Et très convaincu de la nécessité d’une ratification populaire pour toute modification du régime politique existant.

Il a prétendu, par un paradoxe que nos meilleurs communicants n’auraient pas trouvé, « qu’(il n’était) sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit ». La Vème république, elle, est sortie du droit qu’elle avait établi, et nos concitoyens ont sous les yeux, avec la menace d’un second tour de cauchemar au printemps prochain, le point actuel d'aboutissement de la dénaturation de la légalité républicaine qu’un régime anticonstitutionnel a produit en plus de cinquante ans.

Didier LEVY - 11 02 2017
‘’D’HUMEUR ET DE RAISON’’

Publié sur Facebook ce jour.

(1) Afin qu'aucune ambiguïté ne s'attache à l'intention de cet article, je précise qu'en l'état actuel des candidatures à la prochaine compétition présidentialiste, mon suffrage ira au 1er tour au candidat dont les sondages indiqueront qu'il figure en tête à gauche dans les intentions de vote. Choix mécanique, certes, mais il faut bien voter utile dans la configuration politique qu'impose la Vème république.

Au second tour, si par malheur celui-ci se réduit à un Fillon versus Le Pen, je voterai "blanc". Parce qu'il n'y aura plus de vote républicain à exprimer.

Imagine-t-on (les raisonnements par l'absurde sont parfois les plus éclairants) qu'il y aurait eu matière à choisir si par extraordinaire, les Français avaient été invités en avril 1942 à départager par leurs suffrages Philippe Pétain et Pierre Laval - ou Pierre Doriot pour ''coller'' de plus près avec le discours et la posture de la présidente du Front National ?

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