À UNE AMIE QUI SUGGÈRE LE NOM DE M. BAYROU POUR UNE
CANDIDATURE DE ‘’RASSEMBLEMENT RÉPUBLICAIN’’.
Une candidature visant à exclure M. Fillon du
second tour de l’élection présidentielle, puis à rassembler une forte majorité
des suffrages contre Mme Le Pen - une majorité pas loin d’être aussi massive
que celle qui a rejeté le candidat du FN en 2002.
A écarter l’un par un vote sanction sans appel,
et à infliger à la seconde un rejet significatif manifestant l’attachement
républicain des électeurs. En réunissant dans les deux cas des chances de
succès supérieures à celles que comportent les autres candidatures déclarées à
ce jour.
Si je suis bien sa suggestion, une candidature
Bayrou réunirait ces deux critères d’efficacité face aux faiblesses que
comportent les candidatures honorables déclarées à ce jour.
Faiblesses qui se confirmeraient, et qui
désarmeraient les citoyens irréductiblement hostiles à un second tour Fillon-Le
Pen, et tout autant déterminés à faire barrage à la candidate de
l’extrême-droite, si deux risques plus qu’en suspens aujourd’hui venaient à se
réaliser :
- l’incapacité de MM. Hamon, Jadot et Mélenchon à s’accorder en
temps utile sur une candidature unique de la gauche socialiste et écologique,
incapacité qui stériliserait les suffrages exprimés séparément en leur faveur
au premier tour ;
- un ‘’décrochage’’ irrémédiable des intentions de vote qui sont
accordées à M. Macron, ce à quoi est exposé toute candidature portée par une
adhésion à une personne plus qu’à un programme, et soutenue par un mouvement de
faveur médiatique, ceux-ci ayant par nature une durabilité incertaine.
J’ai
commenté cette suggestion hier sur Facebook. Une
suggestion qui est en elle-même pertinente (1), mais ...
¤ La condition à remplir pour s’accorder à sa
logique et pour la rendre opérante.
Mais à la condition - qui tombe sous le sens dans
toutes les autres démocraties ... - de respecter la Constitution. Laquelle ne
l'a jamais été depuis sa promulgation - plus de cinq décennies ! - s'agissant
de la nature et des limites de la fonction de président de la République.
Arbitre du bon fonctionnement des pouvoirs publics, garant des intérêts
supérieurs de la nation (souveraineté, indépendance, intégrité territoriale),
veillant au respect de la constitution et à l'indépendance de la justice :
c'est le concernant ce que fixe la Loi fondamentale. Le pouvoir exécutif - qui
‘’détermine et conduit la politique de la
nation’’ - appartient au gouvernement et à lui seul, un gouvernement dont
le Premier ministre est le chef.
¤ Une incohérence
constitutionnelle qui serait insurmontable ?
>
Avec, certes, la zone de flou - héritage des
institutions monarchiques (héritage déjà présent dans les lois
constitutionnelles régissant la III ème république) - qui tient à ce que le
président de la République est ‘’le chef
des armées’’ et qu'il "négocie
et ratifie les traités" : attributions contradictoires avec celles du
gouvernement en ce que, prises au pied de la lettre, elles diviseraient le
pouvoir exécutif entre les compétences présidentielles de type régalien et,
pour tout le reste, les compétences primo ministérielles.
Cette incohérence tient à l'idée que le général
de Gaulle se faisait du "chef de l'Etat" - appellation déjà utilisée
par Philippe Pétain et dont on comprendra peut-être un jour qu'elle est
fondamentalement a-républicaine (en
république, l'Etat - la chose publique - n'a d'autre "chef" que
l’indivision des citoyens, et ne compte que des autorités publiques déléguées
par ceux-ci pour exercer les fonctions respectives de gouvernant et de
législateur et pour assurer l'administration du pays).
De Gaulle tenait tant à ces compétences
régaliennes qu'il a en effet veillé à ce qu'elles fussent gravées dans les
pouvoirs présidentiels définis par le texte de 1958 - à la différence des
autres pouvoirs décisionnels qu'il a exercés par captation en laissant les
rédacteurs de la Constitution les attribuer au gouvernement et à son chef, tout
en ayant bien l'intention de se les approprier - ce qu'il réussit pleinement à
faire à partir de 1962 et du départ de Matignon de Michel Debré.
Est-ce à dire que cette incohérence est
insurmontable ? Aucunement, et l'exemple des trois cohabitations, et plus
spécialement celle de 1997-2002 , le démontre amplement.
Expérience où la "zone de flou" s'est normée et cadrée, et qui serait
parfaitement renouvelable dans l'hypothèse Bayrou (lequel ferait au minimum un
excellent arbitre et un garant supérieur à bien d'autres …) que vous suggérez.
¤ Le précédent de la cohabitation de 1997-2002 .
Dès lors du moins que comme en 1997, l'opinion et
les partis républicains se conformeraient à la lettre et à l'esprit de la
constitution en vigueur, en reconnaissant que les élections législatives
décident de la politique générale de la France et de l'équipe qui a la charge
des affaires publiques. Le président de la République s'en tenant donc, comme
dans tout état de droit de par le monde, aux seules attributions qu'il tient de
la Loi fondamentale.
Il semble, hélas, qu'on est loin de pouvoir
envisager cette normalisation institutionnelle si l'on mesure que tous les
candidats en présence, comme tous leurs devanciers lors des élections
présidentielles précédentes, présentent des programmes composés à 90% de mesures
que la Constitution de la République française exclut des compétences
présidentielles. J'ai publié sur ce blogue ‘’penserlasubversion’’ et sur Facebook, il y
a de cela quelques semaines, un long article consacré à cette anomalie qui
mérite à mon sens d'être qualifiée d’effarante. Mais qui apparemment ne choque
plus grand monde, voire quasiment plus personne.
¤ Un retour au droit après 50 ans de déni de la
Constitution ?
L'argument, juridiquement inepte, suivant lequel
l'élection présidentielle au suffrage universel direct aurait changé
l'équilibre et la répartition des pouvoirs, est passé par là …
Pour mesurer que cet argument est construit sur
du vent, et sur l’emprise dont bénéficient les conceptions institutionnelles du
fondateur de la Vème république qui ont conduit à la dénaturation de celle-ci
en monarchie élective à caractère plébiscitaire, il suffit de se renvoyer à une
interrogation élémentaire : les attributions des maires seraient-elles
modifiées en quoique ce soit par rapport à ce dont décide la loi depuis 1881,
si demain les premiers magistrats municipaux étaient élus au suffrage direct de
leurs concitoyens ? Evidemment non : les modes d'élection sont une chose, les
attributions des institutions dont l'élection désigne qui en aura la charge en
sont naturellement une tout autre.
Au regard de ce dont s'est accommodée, pour ce
qui est de la fonction présidentielle, la France de la Vème république en
matière de détournement et - pour appeler les choses par leur nom - de viol de
la Constitution, Louis-Napoléon Bonaparte, qui faisait entériner tout changement
constitutionnel par un référendum, apparaît finalement, nonobstant son
inclination initiale pour le coup d'Etat, comme un politique très soucieux du
droit et, plus encore, de sa légitimité. Et très convaincu de la nécessité
d’une ratification populaire pour toute modification du régime politique
existant.
Il a prétendu, par un paradoxe que nos meilleurs
communicants n’auraient pas trouvé, « qu’(il
n’était) sorti de la légalité que pour rentrer dans le droit ». La Vème
république, elle, est sortie du droit qu’elle avait établi, et nos concitoyens
ont sous les yeux, avec la menace d’un second tour de cauchemar au printemps
prochain, le point actuel d'aboutissement de la dénaturation de la légalité républicaine
qu’un régime anticonstitutionnel a produit en plus de cinquante ans.
Didier
LEVY - 11 02 2017
‘’D’HUMEUR
ET DE RAISON’’
Publié sur Facebook ce jour.
Publié sur Facebook ce jour.
(1) Afin qu'aucune
ambiguïté ne s'attache à l'intention de cet article, je précise qu'en l'état
actuel des candidatures à la prochaine compétition présidentialiste, mon suffrage
ira au 1er tour au candidat dont les sondages indiqueront qu'il figure en tête
à gauche dans les intentions de vote. Choix mécanique, certes, mais il faut
bien voter utile dans la configuration politique qu'impose la Vème république.
Au
second tour, si par malheur celui-ci se réduit à un Fillon versus Le Pen, je voterai "blanc". Parce qu'il n'y aura plus de vote républicain à
exprimer.
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