A Clémentine Autain, à
Pierre Laurent, à Benoît Hamon et à Jean-Luc Mélenchon
A mes amis du Front de
gauche, à mes amis écolos… et à qui voudra bien …
Ce
que j'aimerais que le candidat pour qui je voterai en 2017
me
donne alors à entendre et à lire.
Ne m’appelez
plus déficit, ne m’appelez plus dette, appelez-moi évasion fiscale …
Les nouvelles informations
que les médias ont donné ces derniers temps sur l'énormité de l'évasion fiscale
sous toutes ses formes, sur l'ingénierie que les banques mettent si
profitablement au service de celle-ci,
et au delà sur la continuation de la fuite en avant du système bancaire dans une
financiarisation et dans des calculs de salle de jeux qui exposent l'économie
mondiale à un risque systémique, confirment dramatiquement l'impuissance et/ou
la complaisance des gouvernants, ou la faiblesse des réactions des quelques
états qui paraissent avoir cessé de s'accommoder d'une explosion de la fraude
et des détournements spéculatifs les plus agressifs.
Les mêmes médias ont
largement informé sur une autre explosion, celle des inégalités. Le montant
record des dividendes distribués en 2014 par les entreprises du CAC 40 a ainsi
figuré en première page d'un quotidien économique (qui n'avait pas du tout
l'air de s'en plaindre ...).
Thomas Piketty faisait dernièrement
le lien, au moins quantitatif, entre les 1% de privilégiés que comptait
l'Ancien Régime (les mêmes qui ne payaient pas d'impôt) et les 1% qui
détiennent aujourd'hui largement plus de 90 % de la richesse des nations ...
La violence du contraste est
tellement inscrite dans notre paysage, elle en fait partie depuis tant
d’années, qu’on en est même plus à rapprocher l'enrichissement scandaleux d'une
classe de possédants de la situation faite à la majorité de la population. Celle
à laquelle il est administré en continu la leçon de bonne économie qu'elle doit
consentir à toutes les régressions sociales au nom de la compétitivité, de la
saine gestion des finances publiques, de l’adaptation à la modernité et de la
soumission à ses "fondamentaux", ou tout simplement en vertu de la
logique toute puissante et insusceptible de remise en cause de l'économie de
marché. Chômage, démantèlement de la protection sociale, destruction des droits
sociaux .... : contrairement à ce que le discours unique voudrait
accréditer, ce ne sont là en aucune façon, pour le premier, des conséquences de
la "crise" (une crise qui dure depuis trois décennies appelle sans
doute une analyse et une qualification différentes ...), ou, pour les autres, les
sacrifices exigés pour jouer gagnant dans la "mondialisation" - en
réalité une globalisation de la course compulsive à la profitabilité maximale
dans laquelle le capitalisme est lancé à corps perdu.
Le ‘’rouleau
compresseur’’ de la réaction néolibérale …
Le capitalisme, celui qui est
né avec la révolution industrielle et qui était en cohérence avec le modèle économique
issu de celle-ci, ne pouvait que perdre cette cohérence au fur et à mesure que
les sociétés développées entraient dans une autre ère économique - ce
qu'annonçait le premier choc pétrolier avec le renchérissement des ressources
énergétiques. Mesurant que la préservation de sa capacité à dégager du profit,
et à niveau en deçà duquel il ne pouvait envisager de descendre, n'était pas
compatible avec les modèles de société auxquels il avait été obligé de
consentir (le New Deal en Amérique et, en Europe, le Welfare State, l'économie
sociale de marché et les types scandinaves de social démocratie), il a
entrepris de reconquérir toutes ses marges de manœuvre, tous les gisements de
profit, tous les champs possible de consolidation et d'extension des privilèges
attachés à l'argent, .
Là encore le parallèle avec
la fin de l'Ancien Régime ne manque pas d'intérêt : d'une certaine façon, cette
réaction néolibérale reproduit la réaction nobiliaire qui a précédé la
Révolution ... et qui a contribué à y conduire en enracinant davantage des abus
devenus intolérables
Une réaction néolibérale qui
impliquait que soient démantelés l'ensemble des contrepoids et des garde-fou
qui avaient été imposés au système capitaliste, et en premier lieu la totalité
de l'appareil législatif et fiscal qui contraignait ce système à se plier à un
objectif sociétal de réduction des inégalités et à financer les politiques et
les institutions de solidarité.
Objectif d’éradication globalement
atteint, sous réserve des quelques pays où cette reconquête s'est heurtée à des
résistances plus fortes, dont la France, ce qui éclaire par contrecoup la visée
réelle de la loi Macron, ou celle des différents injonctions qui nous sont
faites de "réformer le marché de travail " - trouvaille admirable de
cynisme pour habiller de modernité progressiste un accroissement supplémentaire
de la précarité, pour ouvrir toute grande la voie à un développement de
celle-ci sans limite, sans frein, sans
aucune ombre de garantie.
Il lui fallait encore, et
cela est pleinement accompli, que l'Etat soit privé des moyens de remplir sa
fonction, de répondre à sa vocation : garantir l'intérêt général et assurer la
primauté de celui-ci sur les intérêts particuliers, incarner le bien commun,
établir et faire respecter un ordre juste.
L'orchestration des
politiques néolibérales a fait plus que conduire à un dépérissement de l'Etat
sur le mode capitaliste, à une rétractation de l'Etat sur l'étroit domaine
d'intervention qui était le sien avant la crise des années Trente - les
missions dites régaliennes. Elle prive l'Etat de l'essentiel de ses leviers
d'intervention et nous place devant un renoncement, une démission de la
puissance publique face aux grands intérêts privés, face aux puissances de
l'argent.
Les moyens employés à cet
effet ont finalement été assez simples : suppressions ou démantèlements
d'administrations et d'acteurs publics, privatisation massives de ceux-ci et en
particulier des grandes entreprises publiques, paupérisation et marginalisation
touchant l'ensemble de la sphère publique. S'y est ajoutée, avec un effet
particulièrement pervers, la dénaturation du service public, découlant de
l'injonction qui lui a été faite d'intégrer les objectifs et les modes de
fonctionnement propres au secteur marchand.
A qui profite
la régression de la société vers le modèle capitaliste originel ?
Les résistances, comme cela
était sans doute escompté, n'ont été que ponctuelles, visant tel recul des
missions publiques (fermeture d'hôpital, suppressions d'un centre d'IVG,
éloignement d'un tribunal ...), mais pour salutaires qu'elles ont été - au
moins en termes d'affirmation citoyenne et en tant que manifestation
d'attachement au modèle républicain et au contrat social redéfini après la
Libération -, elles n'ont pu déboucher à ce jour sur une mobilisation générale
contre la domination hégémonique du marché.
Au regard de cette situation,
il est désastreux que la gauche alternative, en dépit de sa mobilisation et de
son militantisme, reste si faiblement audible. C'est le Front national qui tire
les dividendes de l'injustice et de la violence sociales, et surtout de
l'addition des fractures sociales gravissimes qui fractionnent et déchirent la
société, qui relèguent ou excluent une partie de plus en plus importante de la
population.
Cette profitabilité pour
l’extrême-droite de la déconstruction sociale et sociétale n'est pas un fait
nouveau, l'Europe des années Trente en a donné le terrifiant exemple. Elle
tient à des causes objectivables : l'extension de la misère et de la précarité,
l'enfermement des minorités et des plus pauvres dans des ghettos, la
généralisation parmi les plus démunis et les plus menacés de régression sociale
du constat de leur abandon par les autorités publiques, répandent dans le corps
social la frustration et son corollaire, la haine de l’autre, comme une
épidémie devenue incontrôlable.
A partir de là, agit le fait
que cette frustration, dans son ressenti collectif, est d'autant plus réceptive
au discours de l'extrême-droite que celle-ci leur sert sur un plateau les boucs
émissaires dont elle a toujours fait sa cible et qui sont de sa part l'objet
d'une haine compulsive : ceux qui sont identifiés comme un corps étranger ou
catalogués par une ethnicisation, ou qui sont seulement, à un titre ou à un
autre, porteurs d'une différence. Et qu'ainsi abreuvée de dénonciations de
boucs émissaires, une population en état d'abandon et de désespérance est
malheureusement disposée à se représenter que ce qu'elle subit est imputable à
l'ennemi intérieur que constituerait telle minorité stigmatisée en raison de
son origine, de sa religion ou de toute autre type de spécificité.
Très schématiquement, dans un
contexte de dissolution et de négation du lien social, les cartes ne sont pas
égales entre l'argumentaire de l'extrême droite qui par nature, s'adresse au
cerveau archaïque et celui de la gauche qui, lui, envers et contre tout,
interpelle la raison ...
Ceci étant, le faible impact
de la proposition alternative de gauche a une raison plus décisive qu'il
appartient à cette gauche là - sans doute faut-il dire à "la
gauche-tout-court" - de prendre en compte.
Faute d’un
projet convaincant et mobilisateur …
En se persuadant qu'on ne
l'emporte pas dans le débat démocratique en fédérant les indignations et les
révoltes sous la bannière de la justice sociale et des droits humains. Il faut
encore faire lever un espoir, ce qui exige de faire valoir un projet
convaincant et mobilisateur.
C'est bien ce qu'a réussi le
Front Populaire, et c'est bien ce qui a conduit au pouvoir en 1981 une gauche
encore suffisamment unie.
Certes, le Front Populaire a
finalement échoué : pouvait-il en être autrement dans l'environnement
international et la situation intérieure d'alors, marqués par la confrontation
avec trois totalitarismes - national-socialiste en Allemagne, fasciste en
Italie et franquiste en Espagne - qui bénéficiaient du soutien ou de la
neutralité bienveillante de la droite française, depuis les milieux
cléricaux-réactionnaires du catholicisme traditionnel jusqu'aux partis et
réseaux du fascisme français, PPF et Cagoule notamment, massivement financés
par le patronat ? Et sachant d'une part, que le gouvernement du Front Populaire
était affaibli par la fragilité de sa majorité où les radicaux représentaient
dès le départ une probabilité de défection, et d'autre part que toute
radicalisation supposait, pour ce même gouvernement, d'accepter le risque d'un
conflit européen qui aurait déclenché, en l'état de la division du pays et par
un ricochet quasi immédiat, une guerre civile ou un pronunciamiento militaire
(les officiers proches de la Cagoule et vraisemblablement Pétain, déjà, s'y
préparaient).
Est-ce la volonté qui a
manqué aux dirigeants de la gauche de 1936, ou bien le pays était-il arrivé au
point de rupture interne que les années d'Occupation allaient tragiquement révéler
?
La gauche a également échoué
en 1981. Le reniement des promesses clairement signifié en 1983 pouvait sans
doute se lire dans la rupture intervenue sur le programme commun à la fin des
années soixante-dix. Mais on ne peut méconnaître que la France, en se préparant
à "passer à gauche" puis en y passant, se situait complètement à
contre courant des autres nations industrielles déjà acquises, ou sur le point
de l'être, à la reconquête néolibérale lancée des Etats-Unis par
l'administration Reagan, et du Royaume-Uni par madame Thatcher.
Au total deux brèves
fractures de l'Histoire où tout a paru possible et tout de suite. Reste qu'au
bilan, et peut-être encore plus fortement pour le Front Populaire, des avancées
sociales et démocratiques considérables y ont été réalisées. Légitime était
ainsi la fierté de Léon Blum évoquant, à l'indigne procès de Riom, les congés
payés et ce en quoi ils avaient changé la vie de centaines de milliers de
travailleurs. Et l'abolition de la peine de mort après 1981, ce n'était pas
rien !
L’espoir au
présent …
Les circonstances
d'aujourd'hui peuvent paraître plus favorables à la conception d'un projet
authentiquement de gauche et authentiquement socialiste.
La mondialisation et la
financiarisation de l'économie, l'énormité des abus, de la corruption et des
fraudes qui vont avec, l'affichage outrageant du creusement abyssal des
inégalités, l'impasse environnementale et l'emballement des périls sanitaires
dans lesquels la course folle au profit entraînent le capitalisme, multiples
sont les indicateurs qui imposent l'image d'un système à bout de course - et
qui est jugé comme tel par un nombre significativement croissant de ceux qui
vivent sous sa loi et subissent ses effets.
Un certain nombre d'indices
se font jour au reste qui donnent à penser que sous la mondialisation
s'accumulent des tensions de tous ordres, allant bien au-delà des désordres,
des contradictions et des confrontations visibles, qui dans leurs conséquences
potentielles, sont comparables aux forces qui se concentrent sous l'action des
déplacements des plaques terrestres et qui libèrent brutalement la puissance
dévastatrice des séismes.
A elles seules, les bulles
spéculatives suffisent à mettre en péril les économies de marché, suspendant
au-dessus de celles-ci la menace de leur éclatement qui à tout instant peut
entraîner un désastre systémique. Menace spécialement aiguë s'agissant des bulles
spéculatives qui sont susceptibles de faire apparaître une connexion entre
elles, et qui auraient l’effet de charges explosives reliées entre elles ...
Ce contexte a tout pour
permettre de convaincre que l'existant est insoutenable, et pas seulement pour
les malfaisances qu'il donne à voir et pour les régressions successives que la
démesure de l'enrichissement continu des plus riches inflige par contrecoup aux
peuples et, dans chacun de nos pays, aux moins nantis - on pensera ici plus
particulièrement à l'Europe dans la mesure où la prospérité globale que connaît
l'UE rend plus exemplairement scandaleuse les prescriptions d'austérité qui y
sont déployées.
Qui soulignera dans le même
ordre d'idées combien il est absurde d'imputer à notre protection sociale un
coût insupportable quand on compare le niveau où se trouvait la France de 1945
au moment où elle concevait sa sécurité sociale - avec des régions dévastées,
des villes et un appareil productif détruits par les bombardements, et une
économie pillée pendant les 4 années d'Occupation -, et le niveau d'abondance
où, nonobstant la crise, elle est actuellement ?. Il est plus que temps
d’expliquer et de démontrer que ce qui fait problème pour le financement
présent de la protection sociale, ce qui distingue les deux époques de
l’après-guerre et d’aujourd’hui, c'est l'acceptation politique de
l'accaparement de la richesse produite par les classes privilégiées.
Une nouvelle
donne : vision socialiste et impératif du
développement durable …
Le moment se prête à la
formulation d'un projet politique radicalement neuf, proposant une véritable
"nouvelle donne".
Encore faut-il surmonter un
obstacle de départ : celui qui vient de ce que les forces politiques
constitutives de la ‘’gauche alternative’’ partent, historiquement, de perspectives
très différentes. Pour simplifier et schématiser, la tradition ouvrière et la
filiation productiviste d’un côté, l’ancrage dans une sensibilité
prioritairement écologique de l’autre.
Le projet de nouvelle donne
doit surmonter cette divergence que rien jusqu’ici n’a permis de dépasser. Il se
construit en effet - certitude heureusement de plus en plus partagée - sur un
modèle d'économie, et plus exactement d'économie-société, dont l'inscription dans
l'impératif du développement durable forme le canevas.
Non par une prise en compte
de la dimension environnementale qui regarderait celle-ci comme une addition de
contraintes, mais sous l'angle de l'opportunité historique qu'offre la donne
écologique.
Parce qu'elle crée les
conditions de l'entrée dans une nouvelle ère où le profit n'est plus l'alpha et
l’oméga de la rationalité économique, où le marché est assujetti à la
réalisation d'objectifs d'intérêt général, subordonné à la définition du bien
commun qui a présidé à l'élaboration d'une planification à moyen et long terme.
Le modèle économique du
développement durable offre une cohérence et une dynamique au service de la
réalisation de la pensée sociale et sociétale de la gauche et pour la configuration
d'un programme socialiste mobilisateur par sa modernité.
Par la relégation du profit
comme moteur et comme logique de la création de richesses, par la radicalité de
la révolution copernicienne imprimée à l'économie, ce modèle dessine
l'architecture d'un nouveau type de croissance qui s'accorde pleinement aux
idéaux et aux objectifs que le socialisme a toujours portés.
La confrontation a venir, ou
plutôt celle qui est déjà engagée, est bien entre une vision socialiste ayant
incorporée la dimension environnementale et un capitalisme prédateur par
nature, symétriquement exploiteur de ce qui est pour lui une ressource humaine
à son service et destructeur de la richesse naturelle dans toutes ses
composantes dès lors "qu'il y a de l'argent à gagner".
Les deux seuls exemples de la
catastrophe sanitaire consciemment provoquée par la mise sur le marché de
l'amiante des décennies durant après que sa morbidité eut été connue, et de
celle qui s'annonce après cinquante années d'utilisation massive des produits
dits phytosanitaires, achèveraient, si besoin était, de démonter et d'exposer
le ressort interne de la malfaisance de la soumission de l'humanité au
totalitarisme du marché et de prouver l'inéluctabilité des dommages que
celle-ci produit.
Dommages face auxquels la
propriété collective des grands moyens de production, qui est la raison d'être
du socialisme comme point de passage obligé vers la justice et l'égalité
sociales (on ne peut pas se dire socialiste, quelque atténuation sémantique
qu'on ajoute, sans y appeler), gagne une justification supplémentaire en
s'affirmant comme la condition nécessaire pour passer à une croissance globale
écologiquement soutenable puis écologiquement compatible.
Associé à la socialisation
des grands moyens économiques, le modèle du développement durable donne la
première place, une place dominante et appelée à devenir exclusive, à toutes
les formes d'économie solidaire et sociale qui par nature s'harmonisent avec sa
démarche et sa finalité. Il est probablement le seul cadre de croissance qui
permette de renouer avec le plein emploi.
Il met en outre la
responsabilisation collective au cœur du projet de société - avec ce que cela
représente comme contribution à la restauration des valeurs du civisme
républicain -, et il se corrèle avec la fondation, à tous les niveaux et dans
toutes les entités économiques, d'une démocratie sociale de plein exercice.
Sur un plan général, il
s'accorde, par une communauté de conception et d'éthique, à toutes les démarches
que la gauche a mises en avant, pour lesquelles elle s'est mobilisée :
notamment la mise en place d'un co-développement avec les pays émergents et
avec les pays qui sont aujourd’hui dépourvus de toute possibilité de sortie de
la pauvreté, et l'engagement de la France et de l'Europe dans des politiques de
paix et de promotion universelle des droits humains.
Il y a au demeurant accord,
ou au moins convergence, entre la gauche socialiste (en tenant une fois encore
pour socialistes ceux et seulement ceux qui se réclament de Jaurès et non de
Clemenceau, pour attachés à la République que tous deux eussent été) et la
composante progressiste - majoritaire - du courant environnementaliste sur les
sujets les plus essentiels d'un nouveau ''programme commun'' à bâtir et sur les
bases éthique de leur conception : la primauté à donner à ce qu'il
faudrait de nouveau appeler l'instruction publique et au delà à tous les
constituants de l'éducation et de la culture populaires, la volonté de ne
jamais cesser d'améliorer les dispositifs de protection sociale et les droits
sociaux, la résolution de libérer les médias de l'emprise de l'argent, l’utilisation
pour le bien commun, et d’abord pour le partage de la connaissance et pour la
mise en place de services socialisés, des possibilités illimitées d’information
et d’échanges offertes par les outils numériques, l'insertion dans notre droit
de toutes les avancées sociétales qui attendent de prolonger dans notre temps
l'héritage des Lumières et les idéaux et valeurs incarnés par les grandes voix
qui sont venues après elles (Victor Hugo, Emile Zola, Anatole France, Romain
Rolland, Simone de Beauvoir, Albert Camus ...).
Observation complémentaire :
l'apport de la gauche a vocation à être déterminant - en tout cas capital -
dans la maîtrise des incidences sociales de l'immense chantier de mutation de
l'appareil de production des biens et des services et d'invention de nouveaux
systèmes d'échanges qu'exigera nécessairement le virage vers une
économie-société fondée sur le développement durable. Il en ira de même vis à
vis du contenu du projet de société si l'on considère la somme des changements structurels de
toutes natures que cette transition, qui ne prendra très probablement pas moins
que le temps d'une génération, aura, comme on l'a vu, à intégrer et qui
accompagneront et valideront ce passage à une ère nouvelle.
La révolution
fiscale : contributions publiques et redistribution des revenus …
Il reviendra plus
spécifiquement à la gauche socialiste de se mobiliser pour que les éléments
fondamentaux de cette ère en configuration, et les bases de la démarche de
reconversion qui y conduira, intègrent les apports majeurs qu'il lui revient de
faire valoir. Au premier rang desquels - car c'est là la priorité démocratique
du court terme - la réforme de la fiscalité qui va devenir une attente et une
revendication absolument centrales pour nos concitoyens après les révélations
qui lui ont été faites sur l'étendue de la dissimulation frauduleuse dont
l'impôt est l'objet. Une étendue telle que l'iniquité en matière de
contributions publiques n'apparaît pas seulement comme inouïe mais comme
revêtue d'un caractère carrément obscène.
On soutiendra sur le sujet de
l'impôt que fiscalités écologiques et socialistes ne se contredisent pas si les
principes de justice et d'égalité s'appliquent également à l'une et à l'autre.
Deux critères qui doivent tendre vers le même but, véritable marqueur d'une
révolution fiscale : faire de l'impôt (et des contributions sociales conçues
sur un principe identique), par l'augmentation très forte de sa progressivité,
l'instrument d'une redistribution des revenus encore plus accentuée que celle
qui a été mise en oeuvre dans le nouveau contrat social défini à la Libération.
Instrument indispensable mais
non suffisant. La démocratie ne se limite pas à l'égalité des droits, elle
implique l'égalité à terme des revenus et des patrimoines : qui peut croire à
une égalité de droits entre un patron du CAC 40 et une caissière d’hypermarché
à temps partiel contraint et en charge d’une famille mono parentale ?
Un projet de société
authentiquement socialiste doit notamment fixer un rapport maximum entre le
revenu le plus faible et le revenu le plus élevé, dans un premier temps au
niveau de chaque entreprise (l'écart actuel, considérablement accru, est
critiqué par des praticiens parmi les plus emblématiques du capitalisme
américain ... !), puis au niveau global. Le dit rapport étant évolutif, et
aussi rapidement que possible, en se donnant bien sûr l'ambition de parvenir au
rapport le plus faible (de 1 à 20, puis de 1 à 10, puis de 1 à 4 ? Et pour
finir de 1 à … ?).
La question
institutionnelle : régime parlementaire et déclaration des droits …
Sur celle-ci, il n'existe pas
de désaccord significatif entre la gauche socialiste et le courant
environnementaliste progressiste. L'adoption d'un système primo ministériel
dans le cadre d'un régime parlementaire a valeur et force d'évidence, et se
comprend comme un simple rétablissement de la République après plus de cinquante
années de monarchie élective et de système plébiscitaire.
Des questions demeurent en
débat et elles ne sont pas faciles à trancher (quel que soit l'avancement des
réflexions des militants pour la 6 ème république).
Doit-on conserver un Président
de la République, fonction d'essence monarchique - cf. les conditions de
l'instauration du septennat en 1873 en faveur de Mac-Mahon, puis le vote des
lois constitutionnelles de 1875 par les députés orléanistes (qui avaient bien
compris qu'avec un président de la République doté de pouvoirs comme il
l'était, ce qu’on leur proposait, « (’c'était) la monarchie (provisoirement)
sans le Roi »).
Peut-on convaincre nos
concitoyens d'abandonner l'élection du président de la République au suffrage
universel direct, devenue ce qu'elle ne pouvait pas ne pas être, c'est à dire
le poison plébiscitaire de la V ème république ?
Peut-on concilier ce mode
d'élection, et la présence dans la Constitution d'un Président simplement
investi d'un rôle d'arbitre et de conciliateur ?
Faut-il concevoir que
désormais, l'élection au suffrage universel direct désignera non le Président
mais le Premier ministre, dénommé "président du gouvernement de la
République" pour asseoir sa fonction de chef du pouvoir exécutif - de seul détenteur de cette charge ? Le
risque d'une dérive plébiscitaire, cette fois à son profit, n'est évidemment
pas à écarter, mais compensé par cette garantie démocratique essentielle - une
garantie qui en vérité change tout - qui réside dans la responsabilité du
gouvernement et de son chef devant l'Assemblée nationale : dans ce schéma,
une dissolution automatique répondrait au vote d'une motion de censure pour
laisser la dernière parole aux citoyens.
En la matière également, la
liste des interrogations en suspens est non limitative ...
L'urgence est en revanche
bien avérée. D'abord par ce que la définition du cadre juridique de la vie
démocratique que constitue la Loi fondamentale ne saurait rester dans le flou.
Ensuite parce qu'une partie
de ce qui est le plus décisif s'y détermine.
Le général de Gaulle était dans le vrai en expliquant qu'à son retour au
pouvoir en 1958, il avait ''commencé par l'essentiel, c'est à dire par les
institutions'' (je cite de mémoire).
Il serait notamment décisif
de convenir de la nécessité d'introduire la nouvelle constitution, ou la
constitution révisée, de la 6 ème république par une "Déclaration des
Droits", sur le modèle de celle qui figurait en tête du projet de
constitution d'avril 1946 (rejetée par référendum) et qui se situait dans le
droit fil des idées et du projet politique, économique et social fédéré par la
Résistance.
Texte dont il faut recommander
au plus haut point la lecture. En ce qu'il est un texte fondateur au même titre
que le programme du Conseil national de la résistance.
Il nécessite certes des
actualisations (et une réécriture sur un alinéa susceptible de poser un
problème pour l’IVG - influence à l'époque du MRP ...), et surtout des
extensions vers de nouvelles ambitions, vers la création de droits nouveaux
accordés à notre temps. Mais tel qu'il
se présente, il a conservé toute sa puissance d'affirmation politique, toute sa
capacité à servir de référence et à entrer dans les assises d'un pacte
républicain rénové et dynamisé.
L'urgence vient enfin de
''l’irrésistible ascension'' du vote Front national. De sa progression de
scrutin en scrutin qui fait que le problème de la fonction présidentielle et de
la dimension de ses prérogatives n'attendra pas l'après 2017 pour se poser. La
question constitutionnelle interpelle dès aujourd'hui les partis dits de
gouvernement, PS et UMP-UDI-Modem.
… et le
désarmement du lepénisme sur le terrain constitutionnel …
En l'état où en sont les
intentions de vote pour Mme Le Pen, il est pratiquement acquis que celle-ci,
sauf effondrement imprévisible pour cause de catastrophe personnelle majeure,
sera présente au second tour de l'élection de 2017.
Et il ne peut être exclu
qu'elle l'emporte, en particulier si elle trouve en face d'elle un concurrent
affaibli ou déconsidéré, ou incapable de contrer efficacement son discours
démagogique et sécuritaire et son exploitation des haines qui parcourent la
société - spécialement celles, xénophobes, racistes et islamophobes, que son
père a si puissamment revitalisées depuis le début des années quatre-vingts et
dont les fractures sociales, l’échec des politiques d’intégration et la montée
des communautarismes sont le terreau, mois après mois plus abondant.
Il n'est pas besoin de
détailler le scénario de cauchemar que représenterait l'arrivée à la tête de
l'Etat de la présidente du Front national.
Les pouvoirs qui tomberaient
entre ses mains seraient rien moins que redoutables, qu'ils viennent de la
configuration orléaniste de la constitution de 1958 ou qu'ils soient le fruit
des accaparements de compétences commis au bénéfice du président de la
République dès la mise en place des nouvelles institutions - accaparements
effectués au détriment des attributions constitutionnelles du Premier ministre
et du gouvernement et consolidés au fil des ans par le général de Gaulle et
tous ses successeurs.
La V ème république ferait là
payer au prix le plus fort le résultat de la forfaiture permanente
(qualification qui semble finalement plus adéquate que celle de ''Coup d'Etat
permanent'') qu'a été le fonctionnement du régime issu de la constitution
gaullienne depuis l'entrée en vigueur de celle-ci.
Les ‘’partis de gouvernement’’
se rassurent vraisemblablement en pensant que Mme Le Pen n'aurait pas de
majorité à l'Assemblée pour appliquer son programme. Ce qui s'appelle se
rassurer à peu de frais ou se bercer d'illusions ...
Quand bien même le Front
national ne détiendrait pas à lui seul une majorité de sièges au soir du
scrutin législatif qui suivrait la victoire de sa présidente, il serait
suffisamment proche de ce seuil, ou suffisamment représenté, pour être en
mesure de former une majorité avec l'aile droitière de l'UMP ''qui n'attend que
ça'' et qui se prépare à une conjoncture de ce type.
Rencontrerait-elle des
obstacles au Parlement pour faire passer son programme, Mme Le Pen aurait à sa
disposition le référendum auquel l'article 11 de la constitution donne au président
la possibilité de recourir à sa discrétion pour légiférer sur des matières
capitales (ratification des traités, organisation des pouvoirs publics ...).
La formulation très souple de
cet article - que le général de Gaulle mit à profit en 1962 (en y gagnant un
succès personnel qui après coup valut validation en droit) pour contourner la
procédure constitutionnelle de révision et faire adopter l'élection du
président de la République au suffrage universel direct - ouvre la porte à une
interprétation extensive et faciliterait une utilisation systématique et
abusive du référendum invoquant l'appel au peuple pour se légitimer, y compris
contre les principes républicains.
Connaissant le personnage et
les thématiques de sa famille politique, on imagine sans mal sur quoi
porteraient les projets de lois référendaires que Mme Le Pen soumettrait aux
électeurs.
Ceux-ci seraient interrogés
sue les propositions les plus réactionnaires et les plus rétrogrades (rétablissement
de la peine de mort, restriction du droit à l’IVG, annulation du droit au
mariage pour les couples de même sexe et autres abolitions de droits protégeant
des minorités), sur des textes qui viseraient à introduire des discriminations
et des exclusions supplémentaires à l'encontre des cibles habituelles de
l'extrême-droite, et sur l'introduction de dispositions qui marqueraient des
reculs en tous genres, et de plus en plus graves, des libertés publiques.
On peut créditer l’intéressée
de suffisamment d'habileté - faculté qui est généralement attachée à la
vocation de démagogue -, conjuguée à de ressources inépuisables en
contre-vérités et à l'aplomb nécessaire pour asséner celles-ci, pour ne pas
s'exposer imprudemment au vote référendaire. Mais en l'état de l'opinion -
travaillée par des décennies de propagation des idées frontistes -, elle ne
manquerait pas de sujets sur lesquels elle serait assurée presque à coup sûr
d'une victoire du "oui", notamment dans sa période d'état de grâce.
Le péril étant - cf. la mise
en place de la législation du régime de Vichy - que l'adoption de lois anti
républicaines prépare les esprits à des législations encore pires, le mal
ouvrant par lui-même, par l'accoutumance qu'il peut entraîner, le chemin à son
aggravation et à l'acceptation de cette aggravation.
L'inventaire des dommages que
l'élection de la candidate frontiste ferait subir à la République s'étend
naturellement très au delà des perspectives évoquées ci-dessus. On compétera
celles-ci d'un seul signalement complémentaire : la marche en avant du
programme lepéniste ne serait pas arrêtée par le contrôle de la
constitutionnalité des lois - Mme Le Pen n'hésiterait certainement pas à
soumettre au référendum la suppression du Conseil constitutionnel et de la QPC,
arguant de ce que ces garanties, freins et contrepoids essentiels en
démocratie, s'opposent à l'expression de la volonté populaire -, ni par les
conventions internationales ou européennes protectrices des droits - la plupart
de ces conventions, en tout cas les plus à même de la gêner, étant vouées à
être dénoncées par une France sous gouvernement frontiste.
… un
désarmement qui met PS, UMP-UDI et Modem face à leurs responsabilités …
L'ensemble de ces projections
dans une après-élection dessinée par un succès de la présidente du Front
national devrait inciter les partis de gouvernement à s'interroger sur leur
attachement ou leur ralliement au régime institutionnel en vigueur.
Ils n'en feront évidemment
rien, mais un minimum de souci des lendemains qui attendraient la République en
cas d'élection de Mme Le Pen les conduirait à faire disparaître de la
constitution tout ce qui pourrait devenir une arme à la disposition d'une
présidente d'extrême-droite. En s'attaquant en premier lieu, cela va de soi, à
la fonction présidentielle - et donc en passant outre à la sacralisation quasi
unanime, ou à l'accommodation panurgesque, dont est l'objet sa configuration
gaullienne - afin d'en retailler au plus vite le costume institutionnel dans
les habits républicains de feu le président Coty.
Ces modifications
prudentielles des institutions, opérées in extremis avant un scrutin
présidentiel lourd de dangers, pourraient être taxées de déni de démocratie. Tout
comme d’ailleurs une révision de la loi électorale qui au niveau national comme
au niveau local, serait entreprise dans l’intention de limiter ou d’endiguer
l'expansion du vote Front national.
Par parenthèse - encore que
le sujet mérite naturellement beaucoup mieux que cela … -, on suggèrera, au
sujet de la conception de ce brise-lame électoral, de regarder d’un peu près la
loi sur les apparentements qui, dans le scrutin proportionnel alors utilisé,
permit en 1951 à la IV ème république d’empêcher l’arrivée au pouvoir du RPF (rapprochement
justifié par une problématique électorale identique - celle des moyens légaux
qu’un système politique met en œuvre pour enrayer la progression d’un parti qui
a pour projet de le subvertir -, mais dont il va de soi qu’il ne met en rien ‘’dans
le même sac’’ le mouvement créé par le général de Gaulle en 1947, et son
encadrement de résistants et d’anciens de la France Libre, et la résurgence
vichyste et collaborationniste fédérée vingt-cinq ans plus tard autour de
Jean-Marie Le Pen).
L’insertion de ce dispositif
dans un rétablissement de la représentation proportionnelle - conjugué à la
mise en place de primes majoritaires bien calibrées - contribuerait en outre à donner
l’assurance de dégager dans ce mode d’élection une majorité de gouvernement.
Elle répondrait ainsi par avance à la critique qui est fait apriori à la ‘’RP’’
à cet égard.
Et ‘’la proportionnelle’’, entre
autres effets du caractère éminemment démocratique qui lui est propre, aurait comme
avantage de normaliser et de moraliser notre vie publique en mettant fin à ce
travestissement de l’expression du suffrage universel que représente la
subordination électorale des ‘’Verts’’ au parti socialiste - rien moins qu’une
prise d’otages politique dont les circonscriptions octroyés par le second aux
premiers sont le gage à travers un maniement bien rôdé du chantage aux
investitures.
Venant du camp frontiste, cette
accusation de déni de démocratie serait naturellement nulle et non avenue sur
la simple raison que le parti de Mme Le Pen ne saurait se placer sous la
protection de valeurs et de principes qu'il a pour projet d'éradiquer - s’entend
en faisant des garanties que ceux-ci dispensent une sauvegarde illimitée à
l'abri de laquelle il pourrait tranquillement prépare sa prise de pouvoir et
l'établissement d'un régime au minimum comparable à celui que M Orban dirige en
Hongrie.
S'agissant des démocrates de
tous bords, il conviendrait d'opposer à leurs scrupules la part qu'y tiennent
l'aveuglement et l'angélisme. Et de leur rappeler que par le passé, la
République a su se défendre successivement contre le boulangisme, contre le
cléricalisme, contre les ligues - d'abord les ligues antidreyfusardes du début
du XX ème siècle, puis les ligues fascistes de l'entre deux-guerres (dissoutes
par le gouvernement du Front Populaire) - et enfin contre l'OAS. Et qu'elle a
agi, dans chacune de ces circonstances, en allant aussi loin dans le choix des
moyens que la légalité républicaine l'autorisait à aller.
En fin de compte, entraver
autant qu'il est constitutionnellement possible la marche vers le pouvoir
engagée par le Front national, c'est se conformer à une idée que par les temps
qui courent, on ne défendra jamais assez : être un démocrate n'implique pas
qu'on doive poser soi-même sa tête sur le billot en attendant sans bouger que
la hache du fascisme s'abatte sur vous.
Il revient à cet égard à la
gauche socialiste de placer le PS et l'UMP ainsi que leurs alliés, devant les
responsabilités qui sont les leurs compte tenu de la menace que
l'extrême-droite fait courir à la République. Ce qui commence par
l'interpellation publique des dirigeants de ces partis sur les moyens que Mme
Le Pen tirerait de l'actuelle constitution, telle que celle-ci est écrite et
telle qu'elle est appliquée, pour réaliser son programme depuis l'Elysée, et pour
pousser rapidement ce dernier jusqu'au point où le visage démocratique de notre
pays serait rendu méconnaissable.
La bataille
sur le front des idées …
Pour le reste, la gauche
socialiste aura à mener dans les deux prochaines années une bataille
particulièrement rude sur le front des idées.
Il s'agira de pilonner sans
relâche, en jouant des armes de la dénonciation et de la pédagogie, et si
nécessaire de la dérision, les positions idéologiques de la réaction
néolibérale et de contredire la propagande qui depuis le milieu des années
soixante-dix, veut faire croire à des opinions publiques submergées de messages
qui sont autant d'expressions de "l'esprit d'injustice et d'erreur" que
celles-ci sont des vérités d’évangile et l’expression même de la modernité.
Le but poursuivi - et il a
été largement atteint - était de convaincre les peuples d'une Europe qui était
parvenue à progresser jusqu'à un stade où son environnement économique était
celui de la sociale démocratie ou de l'économie sociale de marché, que le
retour au capitalisme originel, à l'économie de marché pure et dure s'imposait
sans autre option possible. Et de faire de la crise interminable ouverte après
les deux chocs pétroliers une espèce de punition provoquée par l'abandon de la
vraie religion en économie, le culte du profit.
Une punition qui durerait tant
qu'on ne se conformerait pas à la pensée unique dispensée sans relâche et adossée
à la loi de l’offre et de la demande, tant qu’on ne soumettrait pas à
l’obligation de compétitivité comme au concentré des dix commandements attachés
à la foi aveugle que réclamait le capitalisme, et tant par conséquent qu'on ne
consentirait pas aux sacrifices humains que l'idole libérale exigeait : la
précarité et l'inégalité, l’une et l’autre sans limite possible ni concevable.
La liste des contre-vérités,
des affirmations artificieuses, des prétendues lois économiques et des
raisonnements biaisés est longue comme un jour sans pain - ou plutôt, ou d'abord, vu le contexte, comme un
jour sans emploi.
C'est contre chacun de ses
items qu'il importe d'entreprendre un travail de démolition pour que le projet
socialiste soit reçu comme l'ouverture d'une alternative, pour que le
changement de société auquel il invite soit jugé économiquement viable et
politiquement réalisable.
Ce qui sera exactement le
contraire de ce dont l'assommoir médiatique de la doxa néolibérale n'a cessé de
vouloir persuader nos concitoyens depuis trente ans. Et la réfutation des
discours inlassablement tenus par ses porte-voix attitrés : acteurs politiques
de toutes les droites, économistes soi-disant détenteurs du savoir et de
l'infaillibilité, experts auto proclamés, et amicale des interchangeables
éditorialistes, chroniqueurs et commentateurs qui, avec eux, tournent sans
répit devant les micros et sur les plateaux de télévision.
… à coup de
contestations et de provocations …
Au nombre des démentis à
asséner, on proposera ci-après, pêle-mêle, quelques affirmations qui sont à
même de contrarier le formatage au crédo du tout-marché, en opposant à ce formatage des contestations et des
provocations, y compris outrancières - l'outrance entre utilement dans la
composition du remède à un lavage de cerveaux -, qui ciblent directement les
dogmes qu'il lui importe par dessus de tout d'accréditer :
-
l'autorité légalement attribuée peut être légitime, le pouvoir d'un homme sur
un autre homme ne l'est jamais ; et encore moins s'il procède d'une situation
économique entachée d'inégalité.
- aucun
signe distinctif entre les citoyens ne peut être admis en démocratie s'il n'est
directement attaché à l'exercice d'une fonction et impérativement requis par
celle-ci.
Toute
marque extérieure de supériorité de statu ou de condition est une violation du
droit humain à l'égalité. Tout avantage ou faveur tiré d'une responsabilité
éminente est un détournement des moyens publics ou un abus de bien social. Et tout affichage, symbolique ou matériel,
d'une prééminence dans l'organisation sociale doit être regardé comme d'une
nature absolument identique à celle des privilèges en vigueur sous l'Ancien
Régime.
- la
République se reconnaît dans la pensée de Danton : « Après le pain,
l'éducation est le premier besoin d'un peuple ». L'école a pour première
mission d'apprendre à apprendre ; elle n'enseigne pas, ou elle n'enseigne pas
d'abord, un métier ; elle forme des citoyens en tant qu'individus dotés
d'esprit critique, aptes au libre examen, et leur donne le goût de la
connaissance et le désir et la possibilité d'accéder à toute l'étendue de la
culture.
L’école
n’est pas là pour inciter nos enfants à devenir milliardaires, mais - suivant
les mots si justes de Renaud Séchan - pour en faire de ‘’vrais humains’’.
- le
droit au travail est d'abord le droit d'avoir un emploi ; nul ne peut en être
privé de son travail avec moins de garanties et de sauvegardes préalables que
celles qui entourent le droit de propriété. A droits égaux (si l’on élève
jusque là le second …), protection égale !
-
l'autorisation administrative préalable aux licenciements, sous le contrôle
suspensif du juge, est la suite naturelle et obligatoire de la proclamation du
droit au travail inscrit dans le préambule de la Constitution.
-
l'emploi à vie est d'abord une protection, un droit, une dignité.
-
l'ancienneté est le seul critère de progression professionnelle intrinsèquement
juste.
-
l'évaluation du mérite individuel est une incitation utile dans 1 % des cas ;
dans les 99 % restants, elle dégrade la collectivité de travail, ouvre les
vannes à l'injustice et à la violence sociale, et expose les salariés qui y
sont assujettis au harcèlement psychologique et moral.
- le
talent est individuel, mais la performance est toujours collective ; l'entrée
dans une économie de l'intelligence a pour effet qu'aucune activité humaine ne
pourra plus prétendre échapper à ce principe - principe qui, plus ou moins
visiblement, régit depuis l'origine la plupart des ouvrages humains, qui vaut
depuis les temps de la chasse et de la cueillette jusqu'aux laboratoires de
recherche du monde moderne en passant par les bâtisseurs des cathédrales.
-
l'acquittement de l'impôt démocratiquement établi, et équitablement assis et
calculé, est le premier devoir civique en temps de paix ; s'y soustraire est un
manquement de même ordre que le refus de défendre son pays dans le cas où celui-ci
se trouve agressé. La fraude délibérée, quelle qu'en soit la forme, et sans
préjudice des sanctions pénales qu'elle requiert, exclut par principe de l'exercice
des droits de citoyens.
- les
recettes de la macronéconomie font irrésistiblement penser aux célèbres
trous du Sapeur Camember. Lequel après avoir creusé un trou avec l’ordre d’y
enterrer divers rebuts, se vit enjoindre par ses chefs d’en creuser un second
pour enfouir la terre qu’il avait retirée du premier ; et comme il se
trouvait ensuite avec toujours autant de terre à évacuer, il fut réprimandé
pour n’avoir pas creusé ce second trou suffisamment profond pour y déverser à
la fois la terre extraite de celui-là et du trou initial … confrontation avec
une injonction absurde que le Sapeur pouvait s’obstiner à satisfaire tant qu’il
lui restait de la place où creuser, avec pour seul résultat de laisser
finalement derrière lui le terrain de cet exercice stupidement réitéré complètement
dévasté …
Allégorie
derrière laquelle on peut identifier, quant à leur démarche, les politiques de
libéralisation ou d’austérité Et où,
quant au tableau final, on ne tardera pas à reconnaître l’état de la société
française si la continuation annoncée des réformes d’inspiration dite sociale
libérale se confirme et si à coup de mesures d’une conformation idéologique
identique à celle de la loi Macron, l’alignement sur les normes de la
marchandisation globalisée se prolonge sans que ses conséquences sociales et
sociétales, et ses effets politiques, soient pris en compte à temps.
- les
propagandistes de cet alignement qualifient à peu près toutes les deux phrases de
passéistes les réfractaires à la modernité qu’ils prétendent promouvoir -
étrange modernité qui engage à faire retour, au mieux, au modèle social des
années trente ou, au pire - et pourquoi pas, après tout, pendant qu’on y est ?
-, à celui du milieu de XIX ème siècle … Ils feraient bien de s’interroger sur
ceci : étaient-ils coupables de passéisme ces quatre-vingt
parlementaires qui au Grand Casino de Vichy refusèrent le 10 juillet 19 40 de
céder à l’injonction de Pierre Laval d’aligner la France sur les deux
totalitarismes allemands et italiens qui étaient alors, on n’osera pas dire une
modernité, mais le modèle nouveau et conquérant, et depuis quelques semaines la
force archi dominante, en Europe ?
Leur
« Non » fut l’un des deux ou trois actes qui inaugurèrent la
résistance de la France et de la République. Voilà une référence bienvenue pour
quiconque refuse aujourd’hui de se plier à quelque forme de totalitarisme que
ce soit, et s’agissant plus particulièrement de nous, les peuples européens, à
cet avatar du totalitarisme que sont le pouvoir absolu du marché et la dictature
du profit.
- le totalitarisme est divers mais son principe est
unique en ce qu’il est toujours mû par la volonté de tout soumettre à sa loi, à
ses dogmes et à sa puissance. Trait unificateur complémentaire, il poursuit l’accomplissement
de cette volonté sans se laisser arrêter par aucun sens de l’humain. Certes, le rapprochement
entre la réaction néolibérale et les deux totalitarismes respectivement en
chemises brunes et noires, et plus spécialement avec le nazisme, peut sembler
outré voire choquant : l’obsession de la compétitivité ne produit
évidemment pas des conséquences aussi effroyables que l’obsession de la pureté
raciale.
Reste
que toutes deux procèdent identiquement d’une déraison. Et que c’est de types voisins
d’irrationalité, comparables dans leur conception s’ils diffèrent dans leur
malfaisance, dont elles tirent leur substance. Affirmation d’une irrationalité
et d’une malfaisance heureusement partagée par l’humanité civilisée quand elle
vise le racisme sous toutes ses formes, mais qui sera puissamment contredite en
ce qui concerne le marché : les théoriciens de la prétendue rationalité du
marché, censé obéir à sa main invisible, font valoir que la concurrence désigne
nécessairement la meilleure offre, la plus économique et la plus pertinente, et
donc la mieux adaptée à la demande ; mais ‘’dans la vraie vie’’, le
gagnant sera généralement celui qui maîtrise le mieux le mensonge ou au moins l’exagération
trompeuse, et qui surtout possède et sait employer à l’encontre de ses
concurrents, clients, fournisseurs, sous-traitants et salariés les plus grandes
ressources de déloyauté et en tant que de besoin les capacités de nuisance les
plus décisives.
On
ajoutera, pour que la boucle soit bouclée, que c’est dans ce constat que réside
et se manifeste la déraison du marché.
On n'ira pas beaucoup au delà
de douze propositions, bien conscients d'avoir été déjà fort long.
Le lecteur se dira peut-être
que dans tout ce qui précède, on est parti dans beaucoup de directions, qu’il a
été traité de thématiques un peu disparates, et qu’à tout le moins ont été
abordés des sujets plus divers qu’il ne s’y attendait au départ.
Mais peut-être aussi constatera-t-il
à l'arrivée - c’est en tout cas ce que souhaitent les auteurs - qu’il trouve tout
bonnement dans cet article, mis noir sur blanc, ce qu’il aimerait que le
candidat pour qui il votera en 2017 lui donne alors à entendre et à lire.
Sur cet espoir, et plus que
jamais : salut et fraternité !
Martinien BUXUS / Didier LEVY
20 02 0215
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire