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mardi 12 octobre 2010

LETTRE AU PROFESSEUR DE PHILOSOPHIE SUR LA PANDEMIE DE L'EVALUATION

St Just en C., le 12 août 2010
Monsieur le professeur de philosophie,
Je viens de lire votre ouvrage « La religion du résultat, la pandémie de l’évaluation ».
J’ai à cœur de vous dire combien je me suis senti en accord, par la raison et par la conviction, avec votre dénonciation des effets de l’une et de l’autre.
La critique radicale que vous exprimez s’agissant de la prétendue rationalité des démarches managériales (pardonnez-moi ce terme haïssable puisque c’est hélas  celui qui a cours) de compétitivité et de mise en concurrence, et votre mise en accusation des pratiques d’évaluations individuelles, m’a fourni la réconfortante assurance que le réquisitoire que sur la même matière, je ne cesse de former - absolument en vain au demeurant - depuis le début des années deux mil dans le service public auquel j’appartiens, ne relevait pas seulement d’un engagement et d’un combat solitaires.
En plaçant en arrière-plans de votre réflexion les expressions les plus récentes de la souffrance au travail - pertes d’estime de soi, dépressions, suicides … - et également par la mise en perspective philosophique qu’apporte votre démonstration, vous donnez à la réfutation de l’idéologie de la performance un argumentaire qui s’étend sur un terrain bien plus large que celui auquel mon propre réquisitoire s’est tenu.
L’opposition, à la fois instinctive et de l’ordre de l’objection de conscience, qui m’a sur le champ déterminé au moment où les émissaires et les premières avant-gardes de l’idéologie du marché pénétraient le service public auquel je concoure, m’apparaît comme une sorte de réponse immunitaire spontanée à la peste qui franchissait nos portes.
Depuis, par les greffes successives des instruments ordinaires de la normalisation entrepreneuriale, le système a étendu son emprise. Ceux-là même qu’on aurait cru les plus fermes se sont laissé convaincre que les méthodes, les techniques et les ‘’outils’’ qui étaient ainsi importés pour mettre chacun en concurrence avec les autres et dans l’inquiétude vis à vis de lui-même - avec pour fin avérée de substituer une gestion par la crainte au statuts protecteurs désormais répudiés - s’imposaient de façon inéluctable pour la seule raison « qu’on fait pareil partout ailleurs ».
En même temps que s’instituaient différentes formes d’entretiens d’évaluation, assortis de primes assises sur la réalisation d’objectifs pour les cadres, ou, pour les autres, benoîtement présentés comme des instruments de bilan et de développement personnels où tout un chacun n’avait professionnellement qu’à gagner, notre discours interne incorporait ces « n + 1 » et ces « n - 1 » que vous avez justement épinglés parmi les fétichismes de la pensée scientiste en usage dans le monde de la valeur 1.
Beaux marqueurs de la modernité qu’emprunte là, en vérité, le catéchisme de la ‘’fonction RH’’ à l’archaïque architecture, héritée de l’Empire romain, des hiérarchies militaires, ecclésiales et napoléoniennes …
Quant à l’essentiel, la perspective vers laquelle on nous dirigeait, rien n’a vraiment été dissimulé : d’emblée nous a été délivré le constat que « par rapport aux fondamentaux, nous étions très en retard » - ces "fondamentaux‘’ étant les jalonnements imposés sur le chemin de la compétitivité, autrement dit tout ce qui formait et accompagnait la catéchèse exigée pour se dépouiller des mentalités égalitaristes d’une vieille culture de service public et pour réussir aux exercices obligés du culte nouveau de la mise en concurrence.
Il y avait là d’abord un enjeu politique, celui du dépérissement du service public ; à cet égard, nous étions logés à même enseigne que la plupart des autres services publics exposés soit à la privatisation, soit à la paupérisation, soit à la dénaturation - pour nous, l’arme choisie était donc la dénaturation qui consiste à importer une culture marchande dans le champ réservé à l’intérêt général, ou à y contraindre à une logique de fonctionnement marchand.
Affirmer qu’une université, un tribunal, un hôpital doit être géré comme une entreprise constitue une sorte d’Everest du nonsense (et sans doute l’échelle de grandeur qu’exprime ici la métaphore peut-elle être tenue pour notablement sous-évaluée…).
Qu’on puisse proférer une absurdité de cette dimension, qui abolit la séparation entre le service et le gain - et qui, par là, attente au corpus des démarcations et des délimitations organiques sur lequel se fonde historiquement notre organisation sociale - donne la mesure des effondrements de l’intelligence auxquels ont conduit plus de vingt-cinq années d’apologie de la ‘’Dallas society’’ 2.
Apologie dont la vulgate tient tout entière dans la formulation qui en a été donnée lors des présidentielles de 2007, et sans doute au degré indépassable de son expression la plus exemplairement vile et sordide : « On n’a pas à s’excuser d’être riche ».
Or, qui ne voit qu’être être géré comme une entreprise, c’est devenir une entreprise - et plus encore, c’est être déjà une entreprise, avec tout ce que cela implique en termes de raison d’être et de façon d’agir?
L’enjeu plus fondamental encore - en ce qu’il est non seulement sociétal mais de portée universelle - est celui de l’affrontement entre une anthropologie qui considère chaque être humain pour ce qu’il est, et qui regarde ce qu’il est pour consubstantiel à sa dignité, et une anthropologie qui ne s’intéresse qu’à la force combattante et/ou productrice que peut apporter au clan, à la horde, à la tribu ou à l’Etat chacun de ses membres ou sujets.
Cette anthropologie là, l’anthropologie barbare, use de l’humain comme d’une matière première, d’un matériau, d’une ressource consommable.
Que l’instrument soit un général fou envoyant sur quelque Chemin des Dames ses fantassins monter poitrines nues à l’assaut des canons et des mitrailleuses, qu’il s’agisse de bureaucrates, de policiers ou d’autres organes préposés à l’organisation méthodique d’une déportation, ou plus globalement de l’appareil d’un parti-Etat ou d’une DRH d’entreprise, l’économie dans son principe est la même : les vies qu’on détruit ou qu’on broie ne valent rien hors l’usage auquel les idoles de la race, du Volk, du régime ou du marché les destinent et les sacrifient.
Qu’on ajoute à cette anthropologie barbare la religion de la mort - celle du ‘’Viva la Muerte’’ qui, entendu de la bouche d’un général franquiste, fut qualifié publiquement par Miguel de Unanumo de paradoxe répugnant - et on obtient son avatar fasciste.
De cet avatar, l’anthropologie concurrencialiste, qui se fond par tous ses traits dans le registre de l’anthropologie barbare, est la transposition post moderne - ne s’en différenciant qu’en ce qu’elle substitue à la fascination morbide du sang la soif inextinguible de l’or, dans la figure présente d’un or dématérialisé et titrisé.
Pour ce qui est de son impact collectif, la pérennité de l’anthropologie concurrencialiste et des référents du culte néolibéral qu’elle produit se joue essentiellement dans le champ du politique.
C’est là, à partir du moment où un seuil quantitatif nécessaire de colère-révolte est atteint, que peuvent s’exprimer et s’exercer les forces sociales susceptibles de tirer le système du ‘’tout marché’’ jusqu’à son point de rupture et de causer sa dislocation - et de le faire ainsi passer de son statut archi proclamé d’horizon indépassable à la catégorie des régimes disparus.
Tout donne à penser que ces forces s’accumulent, convergent ou se combinent : tensions sociales continument et insupportablement accrues, disparition des emplois - et en premier lieu des emplois moyens ou peu qualifiés -, précarisation galopante des contrats de travail, bascule dans la misère d’un nombre sans cesse croissant d’individus et de familles, dégradation accélérée de l’ensemble des composantes de la protection sociale, délabrement des services publics, creusement sans fin des inégalités (tandis que deux des grands praticiens du capitalisme fixaient à un rapport de 1 à 20 - pour l’un - ou de 1 à 30 - pour l’autre - l’écart pertinent et admissible entre le haut et le bas des rémunérations dans une entreprise, nous en sommes en moyenne aujourd’hui, au minimum, à un rapport de 1 à 500 !).
La somme de ces facteurs, conjuguée à l’arrogance et la cupidité sans limites des castes dirigeantes, fragilise le système capitaliste autant que celui-ci pouvait se trouver ébranlé au sortir de la Seconde Guerre Mondiale, discrédité qu’il était alors par la crise des années Trente, par sa collusion avec les fascismes ou avec tel de leurs appuis les plus réactionnaires, et par une collaboration politique et économique largement pratiquée voire revendiquée dans les pays nazifiés ou occupés.
La société de marché a probablement devant elle, de ce fait, un avenir aussi incertain que l’Ancien régime dix, cinq, trois ou deux ans avant la réunion des Etats Généraux ...
Sous cet angle comparatif, et pour faire remonter sensiblement plus loin dans le passé la référence de la menace qui se dessine, le capitalisme donne présentement à voir quelque chose du carrosse du Régent qui, aux dernières images de Que La Fête Commence, trace sa route vers quelque château, ses fastes et ses plaisirs, s’éloignant à la hâte du désespoir et des imprécations des paysans dont il a en chemin écrasé l’enfant sous ses roues.
Reste, pour le temps immédiat, la question capitale du positionnement personnel devant l’idéologie de la performance et la compulsion à évaluer qui en découle. Et en particulier dans l’environnement professionnel où, de façon plus ou moins cyniquement avouée, et par des démarches plus ou moins conscientes ou insidieuses, ce qui est véritablement à l’œuvre est la proscription et la traque permanente du ‘’maillon faible’’.
Certes, dans l’immense majorité des cas, le salarié ne dispose d’aucune arme face aux machineries évaluatives des ‘’solutions RH’’ et aux lubies successives que produisent en la matière les clubs de ‘’DRH de l’année’’.
Les causes de cette impuissance ne sont pas appelées à disparaître de sitôt ; s’y conjuguent les effets de la faiblesse extrême de la syndicalisation dans le secteur privé (qui est, à ce jour, celui où les évaluations individuelles se sont le plus massivement imposées), mais aussi ceux d’une absence assez générale, sur cette problématique, de mobilisation effective ou agissante des responsables syndicaux de terrain en faveur d’une contestation systémique, et - probablement plus que tout - l’imprégnation, depuis deux décennies de l’air du temps par l’idéologie concurrentielle.
Demeurent individuellement la faculté à n’être pas dupe de l’apologétique de la compétition et la résilience éthique à tout ce qui dans les normes entrepreneuriales actuelles exprime un darwinisme caricatural et travesti appliqué au champ social.
A ce niveau de la responsabilité personnelle, même le manager contraint d’entrer dans les processus d’évaluation individuelle internes à son entreprise - voire de devoir désigner parmi ses équipiers le quota annuel, exigé et prédéterminé, de ‘’maillons faibles’’ - peut en dernier ressort sauvegarder une part encore essentielle de son bien moral le plus irremplaçable qui est, vis à vis de lui-même, l’idée de sa propre dignité.
Cela passe par l’objection de conscience, une objection raisonnée à partir de valeurs qui excluent la proscription des moins compétitifs et qui plus encore frappent d’interdit tout classement qualitatif des êtres humains - cette objection de conscience fût-elle durablement condamnée à s’exercer dans le seul silence de la liberté intérieure.
Le cheminement qui conduit à se formuler cet interdit est ouvert à des itinéraires multiples : la prescription morale peut venir de temps lointains, si elle est portée par les spiritualités ou les philosophies ; si elle engendrée par l’exercice du libre examen, elle peut naître de l’esprit laïque et des parcours de pensée qui s’y rattachent.
Elle partage la nature de toute autre référence éminente et exigeante aux lois non écrites et participe de l’affirmation de leur primauté. Porter une exécration intime, c’est à dire dans toutes les fibres de son être, à toute forme d’identification sur un critère de déficience supposée, préjugée ou dénoncée, et à ce qui l’accompagne en termes de visée d’exclusion ou de relégation des salariés qui seraient porteurs de ce critère, est bien de même ordre éthique que les conduites par lesquelles on cachait hier un enfant juif ou on recharge aujourd’hui chez soi les téléphones mobiles de réfugiés afghans du Calaisis.
Se fortifier dans le refus d’un discours ou d’une norme que leur caractère impératif ne rend pas moins irrecevable en conscience est la dernière liberté qu’on ne puisse aliéner, quand bien même la force des pouvoirs en place impose-t-elle que cette liberté s’exerce plus secrètement encore que le culte au Désert, ou en se confinant plus silencieusement à l’espace intérieur que la fidélité conservée des marranes.
L’opinion commune, pour sa part, a en tête, le commandement néotestamentaire « Tu ne jugeras point » généralement compris à travers la dimension dissuasive et simplificatrice que lui confère ce qui le suit dans la mémoire de tout un chacun : « de peur d’être jugé toi-même ».
Au regard de la prohibition qui doit frapper toute évaluation d’un individu par un autre individu, la portée de l’interdit chrétien est bien plus essentielle.
Elle ne prend sens, comme l’ensemble de ce qui fait débat et représentation dans les Evangiles canoniques, qu’inscrite dans le fond commun de la pensée juive, et plus spécialement dans l’état de la réflexion du judaïsme de l’époque sur la justice humaine.
Il en est au moins deux illustrations, l’une rarement mentionnée et l’autre objet d’une pédagogie ininterrompue au long des siècles tant par les textes cléricaux que par les arts représentatifs.
Il s’agit d’abord de la construction jurisprudentielle suivant laquelle un jugement rendu par une collégialité de juges souscrivant à la même opinion et établi sur des considérations unanimes de la part de ces juges doit nécessairement être invalidé du seul fait de cette unanimité des motivations.
Le raisonnement, qui contredit notre logique judiciaire, se fonde sur l’impossibilité, inhérente à la nature humaine, pour une pluralité d’hommes appelés à s’accorder sur une question controversée, à parvenir pour les mêmes raisons à une réponse identique. Le retournement dialectique qu’il comporte a quelque chose de vertigineux et soulève l’interpellation la plus puissante de la prétention à juger et la remise en cause la plus radicale des fondements mêmes de la bonne conscience d’un ordre répressif ou sélectif.
L’autre expression de la contestation de la justice humaine - dont la force subversive, au delà de la capacité à juger, vise la légitimité de la sanction - appartient à l’apologue de La Femme Adultère.
L’intérêt n’en est pas tant dans le corps principal du texte, à la lecture duquel on s’arrête le plus généralement (en ayant communément tendance à n’y voir qu’une saynète de théâtre de boulevard qui finit bien pour l’épouse infidèle), encore que l’enjeu du débat se place dans la riche continuité, déjà constituée l’époque, des controverses interprétatives et exégétiques portant, pour les faits en cause, sur l’application de la Loi de Moïse.
La scène finale où ne figure plus que les deux protagonistes les plus importants impose une réflexion plus méditative et bien plus dérangeante : d’une part, en ce que davantage qu’une condition préalable - mais non susceptible d’être remplie - à la possibilité de juger, y est formulé le refus pur et simple de juger, récusation d’autant plus déterminante qu’elle émane de celui que le texte tient pour le Messie d’Israël, et d’autre part parce que ce dernier développement narratif de l’apologue est pour l’essentiel occupé par le silence des personnages qui se retrouvent face à face 3.
Recentrée sur la critique du classement qualitatif des êtres humains, la confrontation silencieuse avec la femme adultère, qui ne comporte pas le commencement d’un interrogatoire et se conclut sans qu’aucune sentence ne soit prononcée 4 acquiert aussi et ainsi la dimension de contre-modèle exemplaire à toute forme d’entretien d’évaluation individuelle.
L’objection de conscience qui répond aux processus de détection et d’exclusion des moins compétitifs, et plus globalement à l’idéologie de la concurrence et de la performance, a donc bien des sources possibles à sa disposition. Mais qu’elle se place dans telle ou telle lignée de conviction ou de pensée, on ne manquera pas de lui opposer que pour affermi que soit son socle éthique, l’exercice muet de la liberté intérieure ne change rien aux données d’une situation d’injustice sur lesquelles elle a peu d’action.
Cependant, l’univers professionnel étant ce qu’il est 5, et à défaut d’une dynamique collective de contestation, cette objection personnelle, ou cette faculté de retrait mental individuel, reste l’unique espace de résistance éthique dont disposera ou bénéficiera un salarié face à la machinerie évaluative et aux instruments de détection des maillons faibles.
Et on pourra au surplus penser qu’il n’est pas indifférent pour le subordonné requis de se prêter à la comparution annuelle où son employabilité sera vérifiée, et où par conséquent son gagne-pain et son statut social seront remis en jeu, que son supérieur hiérarchique aborde ce détestable exercice habité de toute la restriction morale que celui-ci appelle.
En outre, si dans la confrontation avec l’anthropologie barbare, une opposition publique aurait probablement plus d’allure, l’exigence de l’héroïsme ne saurait être imposée à quiconque dans la méconnaissance des menaces auxquelles il s’expose - il serait bon à cet égard d’avoir entendu, sur la scène du TNP de Jean Vilar, l’avertissement lancé dans le Galileo Galilei de Brecht : « Malheur au pays qui a besoin de héros ».
Enfin, il ne faut pas sous estimer les armes dont une opposition individuelle, menée silencieusement, sicut latro, est capable de se saisir : l’exemple de multiples formes de résistance aux régimes totalitaires atteste de l’effet de désorganisation et d’usure que d’infimes sabotages sont susceptibles d’entraîner à la longue sur la machinerie évaluative s’ils sont répétés avec autant de constance que de prudence, formant une accumulation patiente de grains de sable qui grippent peu à peu ses rouages.
Il en sera ainsi, et d’abord comme autant de composantes de futurs vices de forme, des manquements invisibles aux détails et aux formalités des procédures en place et des ajournements qu’on laissera filer à la juste mesure de ce qui n’est pas sanctionnable ; une décrédibilisation rampante du système en sera d’autant mieux obtenue qu’on y ajoutera - en se gardant de laisser apparaître rien de trop manifeste - un certain air de ne ‘’pas trop y croire’’.
Si donc c’est là, dans l’objection de conscience et dans les possibilités qu’elle a de se concrétiser, que se trouve tout ce que l’on est en mesure de réunir comme moyens d’opposition à l’idéologie concurrentielle, ce ‘’peu’’ est assurément le moins qu’on doive faire.
En espérant que vous aurez trouvé de l’intérêt à ces réflexions que la lecture de votre ouvrage m’a incité à développer, je vous prie de recevoir, monsieur le professeur de philosophie, l’assurance de ma respectueuse considération et, si vous me le permettez, l’expression de mes sentiments très cordiaux.

Martin Avaugour - Denis Kaplan - Jacques Langlade

A : monsieur le professeur de philosophie Dm


1 - immanquablement, ces n + ou - 1 évoquent le ‘’Numéro 1’’ en qui Arthur Koestler symbolise et anonymise l’autocrate placé au sommet du système totalitaire …
2 - la plus accablante illustration des processus de dénaturation est fournie par les hôpitaux qui se sont déjà convertis à la religion de l’entreprise : dans l’un d’eux, à l’une des caisses de l’hospitalisation, sur les tables où opèrent les agents administratifs qui accueillent les patients, figure ainsi un chevalet les désignant comme des ‘’chargés de clientèle’’ - on doute qu’une patiente venant pour sa première chimiothérapie d’un cancer du sein, ou qu’un patient qu’on va opérer d’une tumeur à la prostate, entrent pertinemment dans l’idée qu’on peut se faire d’un ‘’client’’ … D’autres hôpitaux publics comptent toujours, en l’An de Grâce 2010, une ‘’direction des relations avec les usagers’’(le terme est juste même si celui de ‘’patientèle’’ conviendrait encore mieux).
3 - cet intermède silencieux contient d’ailleurs l’élément le moins déchiffrable du récit - et qui a lui seul suffirait à stimuler la curiosité d’un lecteur potentiel : il concerne l’interprétation à donner aux marques que le personnage de Jésus trace sur le sol tandis que la femme adultère attend inutilement qu’il s’adresse à elle pour lui notifier sa punition.
4 - le « Va et ne pêche plus » ne saurait en effet être tenu pour un objectif ‘’négocié’’ (si tant est que les entretiens d’évaluation et d’objectifs puissent être regardés comme incluant une négociation au sens propre du terme).
5 - notre république démocratique et sociale s’accommodant de ce que les salariés aient sensiblement moins de prise sur la gouvernance de leur entreprise qu’en avaient les sujets de Louis XV sur les affaires du royaume de France ….


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