Le manifeste ainsi intitulé vient de faire l’objet d’une publication sur le site de blogues en version française du journal israélien « The Times of Israël »[1].
Une publication échelonnée en cinq articles parus entre le 24 mai et le 13 juin derniers. Articles qui peuvent être consultés en suivant le lien : https://frblogs.timesofisrael.com/author/didier-levy/
Le présent texte accompagne la parution de ce manifeste. Pour
expliciter la thématique dont traitent les cinq articles en suivant une réflexion
politique qui confronte l’état de la nation, et la crise de la démocratie qui
en ressort, aux sommations innombrables et aux défis inouïs de la révolution
écologique où nous sommes entrés. Soit une double interpellation de la
République sur ce qu’il est advenu de la résolution qui lui intimait d’être
démocratique, sociale et laïque pour garantir la cohésion de la nation, et sur sa
capacité à se mettre en état d’affronter les convulsions planétaires auxquels elle aura à se
mesurer – une capacité dont on a toutes les raisons de douter qu’elle en dispose
encore
Des raisons qui ressortent de trois questions. Chacune de celles-ci
renvoie à ce que l’impasse où se trouve la nation met si dangereusement en jeu :
· Une nation peut-elle se réclamer de la démocratie quand tout montre qu’elle est rongée d’inégalités et de précarités socialement insoutenables, qu’elle se désagrège sous une addition de fracturations mortifères, tant économiques que culturelles, cultuelles et communautaristes ? Quand sa vie publique se réduit au face à face, délibérément agencé, d’un monarque élu et d’un corps citoyen privé de la parole entre deux couronnements plébiscitaires ?
· Une nation déchirée par des conflictualités politiques et sociétales sans cesse plus chargées de violence, et par des assignations identitaires qui puisent dans des fanatismes nourris d’arriérations ou d’aliénations mentales, et où des pans entiers du corps social ne font plus confiance aux institutions - au point de se retirer du contrat social et de ne plus se reconnaitre dans l’acception du Bien commun sur laquelle ce contrat s’est formé -, a-t-elle la moindre chance de se rassembler pour venir à bout de la formidable menace de désastre écologique qui lui arrive en pleine face ?
· Une nation progressivement submergée par des ravages planétaires, les uns consécutifs à un réchauffement climatique sans recours, ou à l’accumulation de pollutions et d’empoisonnements devenus irrémédiablement fatals, les autres associés aux extinctions irréparables de la biodiversité ou à des chaos sanitaires aussi meurtriers que massifs, aura-t-elle d’autre alternative que de se dissoudre dans des tribalismes de survie, ou que de passer sous la coupe d’une dictature totalitaire - et dans cette espèce, du type, par exemple de la Corée du Nord - qui se prétendra salvatrice ?
Les 5 articles qu’on présente et résume ici ne prétendent pas fournir un bloc de réponses toutes faites à ces fractures et à ces déchirements internes, et encore moins les solutions pour conjurer ces ravages planétaires. Mais des démarches de réflexion et d’anticipation. Pour tenter de mettre la République en ordre de bataille, et d’abord EN CAPACITE DE RESISTANCE.
En avançant l’idée que le sursaut de pugnacité qui est ainsi
profilé a pour première étape l’instauration d’une démocratie authentiquement
représentative, configurée sur le modèle des démocraties modernes reconnues
comme des références - des pays scandinaves à la Nouvelle Zélande, des Pays-Bas
à l’Australie, ou de la péninsule ibérique au Canada.
Soit une démocratie parlementaire conçue pour le XXI ème
siècle, assise sur un système politique où le peuple se voit parallèlement
garantir que ses représentants sont en mesure de sanctionner l’exécutif qu’ils
ont en charge de contrôler, et qu’il lui reviendra d’arbitrer par ses suffrages
le conflit ainsi ouvert entre les deux pouvoirs. Un système légitimé par un
mode d’élection qui assure les citoyens de la représentativité de leurs
assemblées. En même temps que les équilibres et les règles du jeu
institutionnel concourent à ce que cette représentativité rendue irrécusable ne
se traduise pas en un affrontement permanent bloc contre bloc, mais s’exprime
suivant les ‘’fondamentaux’’ de la démocratie parlementaire : majorité de
coalition et accord de gouvernement d’une part, dialogue inter-partisan et
recherche du compromis praticable de l’autre.
La réinvention de la démocratie représentative ne suffit
pourtant pas comme réponse aux attentes du peuple citoyen ; à elle seule,
elle ne saurait ni réduire les taux d’abstention ni, à la source du
désenchantement civique, restaurer la confiance à l’endroit du fonctionnement
démocratique. Parce que les membres actifs de ce peuple citoyen, mais aussi
tout le nombre des gens frustrés, dépités ou désillusionnés par la non-tenue
des promesses de la République, qu’ils aient pris le parti de la colère ou
celui du retrait, n’envisagent plus d’exercer leur citoyenneté à intervalles de
cinq années, pour ce qui est de chose publique nationale, ou de six années pour
ce qui regarde l’échelon local où ils vivent.
Le besoin de participation citoyenne est flagrant. L’obligation
d’y répondre entraine l’édification d’une démocratie délibérative en parallèle
à la démocratie représentative. A
travers l’institutionnalisation de la prise de parole collective, opérée notamment
par le canal de concertations thématiques ouvertes à tous les niveaux où la
demande s’en déclare et consolidées par une instance nationale d’agencement et
de portance des débats publics. La reconnaissance politique de l’initiative
populaire implique naturellement d’emprunter aux outils de la démocratie
directe, en particulier pour la banalisation du référendum, tout en
assortissant ces emprunts des encadrements normatifs de nature à prévenir toute
dérive de leur maniement pouvant mettre en péril les principes constitutifs
d’une république démocratique et l’état de droit qui les consacre.
Sur les enjeux nationaux, démocratie délibérative et
démocratie représentative se rejoignent et se combinent en ce que les
conventions élaborées dans le concours des citoyennetés se concluent par un
débat devant les assemblées et par une votation de ces assemblées, ou, en cas
de rejet, par une votation référendaire. Un schéma analogue se déclinant aux
échelons locaux.
Au total, il existe une bonne chance que les dispositifs argumentés
dans le cours des cinq articles de cette « ADRESSE
A UNE DÉMOCRATIE » puissent engager une réconciliation
significative du corps social avec le système démocratique. Une réconciliation qui
se pose en condition préalable à la fortification de la
République – une condition qu’on n’imagine pas remplie autrement que par un
ressourcement puisé dans le contrat social réécrit à la Libération à partir du
programme du CNR pour assoir le Bien commun sur la solidarité. A ce titre, la fortification,
ou la refondation, de la République passe par la convocation à un réarmement public
contre les rétractions et les abdications qui ont été accumulées par l’Etat -
invariablement au préjudice de la fonction de protection qui créé sa légitimité
- et dont a résulté le délitement de la nation.
C’est cette somme d’abjurations infligées à l’idée d’une
démocratie sociale qui aboutit à mettre en question – ou à tenir pour
improbables - la capacité de réponse et jusqu’à la survie de notre société
politique face à la révolution écologique, à ses échéances et, par-dessus tout,
à la radicalité de ses renversements.
Une révolution écologique qui contraint notre existant en son
entier à se réviser et à se ré-imaginer : en regard de cette contrainte
d’une portée formidable, un régime politique archaïque, coupé du peuple et révérant
la Main invisible du marché, et une
nation en voie de dislocation invalident l’espoir d’un sursaut commun. Et avec
lui, la confiance en une sauvegarde de la démocratie.
Une double invalidation que cette « ADRESSE » s’est
refusé à tenir pour acquise.
Didier Levy – 18 06 2022
D’HUMEUR ET DE RAISON
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