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vendredi 14 juin 2024

A Françoise Hardy

 

A Françoise Hardy

 

Françoise,  

Je ne saurai jamais comment te dire adieu,

 

Car Françoise je t’aime

Je t’ai aimé plus qu’ensemble Tous les garçons de ton âge

Et plus qu’ensemble j’aurais pu aimer toutes Les filles de ton âge

 

Car Françoise combien j’aime tes chansons

J’ai aimé il est vrai une à une toutes tes chansons

Sauf celle où tu me disais que tu n’étais Pas d’accord

 

Car Françoise j’aime tes lèvres délicates

J’ai aimé tes lèvres Ce petit cœur qui dessinait

Les mots de tes chansons

 

Car Françoise j’aime le doux mouvement de tes cheveux

J’ai aimé leur mouvement à ton changement d’humeur

A ton changement de strophe ô Mon amie la rose

 

Car Françoise j’aime ton élégance ton Soleil

J’ai aimé ton élégance où se mariaient tous tes charmes

A tous tes âges

 

Car Françoise j’aime à jamais non Premier bonheur du jour

J’ai aimé ta première photo aux yeux de mes quinze ans d’ado

 

Car Françoise j’aime la mélancolie

J’ai aimé la douceur de la tienne m’apprenant

Qu’Il n’y a pas d’amour heureux,

 

Françoise je sais qu’il faut Partir quand même

Mais ne me donne pas Rendez‐vous dans une autre vie

Laisse encore à la mienne ces Tant de belles choses

Que j’appelle ta beauté.

 

Didier LEVY - 14 juin 2024

 

lundi 3 juin 2024

« Sur le moulin des ombres ».

 .

Début 2009, se répandait depuis le Brésil une nouvelle qui laissait atterré et meurtri. Et même, pour beaucoup, horrifié.

Après l'avortement d'une fille de 9 ans, violée par son beau-père et enceinte de jumeaux, l'archevêque de Recife avait prononcé l'excommunication de sa mère et du corps médical qui avait pratiqué cet avortement.

L’excommunication avait provoqué un scandale, lequel était encore aggravé par le fait qu’il était apparu que l'archevêque ne l'avait pas étendue au beau-père de l'enfant. Pour le motif, qui aujourd’hui provoquerait l’explosion de colère qu’on imagine : « Le viol est moins grave que l'avortement ». Quelques jours plus tard, la conférence nationale des évêques du Brésil s'était désolidarisée de la décision de l'archevêque.

Mais le Vatican avait soutenu cette décision par la voix du cardinal Giovanni Battista Re, président de la commission pontificale pour l'Amérique latine : ce dernier, dans un entretien donné à la ‘’La Stampa’’, avait déclaré qu'il s'agissait « d'un cas triste, mais (que) le vrai problème, (c’était) que les jumeaux conçus étaient des personnes innocentes qui ne pouvaient être éliminées ». Le journaliste du quotidien italien avait-il alors demandé au cardinal si la fillette, qui subissait des abus sexuels de la part de son beau-père depuis l’âge de 6 ans (ainsi que sa sœur aînée, âgée de 14 ans et handicapée de surcroît), était à regarder comme une autre sorte de personne innocente[1] ?

La question, il est vrai, n’était pas de confronter des innocences qui, au mieux, auraient été déclarées antagonistes. Comme elle n’est pas de débattre de la conviction qui dirigeait les excommunicateurs de 2009 - cette conviction au reste est rendue insusceptible de discussion, vis à vis notamment des avancées de la connaissance scientifique, pour s’être ancrée depuis des siècles aussi profondément qu’un article de foi ou un commandement attribué au divin.

 

L’ombre portée du scandale  

Le crime sexuel exposé au grand jour, et dans toute son horreur, en 2009 appartient-il à un passé déjà lointain ? Assurément non : innombrables sont ceux, identiques, qui depuis ont été publiés, et jamais autant n’ont été documentés que toutes ces dernières années[2].

Le viol de cet enfant brésilienne se serait le plus probablement perdu dans le nombre monstrueux de ceux, pareillement infligés à des mineur(e)s, qui l’ont suivis, tous dans la terrible continuité d’une abomination perpétrée depuis la nuit des temps Il reste cependant gravé dans nos mémoires par ce qu’ont laissé d’ineffaçables les excommunications qui en furent la suite. 

Ineffaçable en ce que le déni que celles-ci portaient à l’encontre de la charité (on peut tout autant retenir les mots de pitié, de solidarité ou encore d’équité) conduisait à y voir un crime contre l’esprit en même temps qu’un acte de dénaturation commis contre l’humanité.

Pour nombre de celles et de ceux que ces excommunications avaient bouleversé, il ne sera plus jamais envisageable de prendre part à un débat où serait mis en cause le droit à l’avortement ; plus encore, aucun argumentaire, d’obédience religieuse et/ou de militance politique, qui mettrait en avant le statut de personne attribué à l’embryon ou au fœtus pour proscrire l’IVG, ne sera tout simplement plus jamais audible.

 

… n’occulte pas la place qui appartient à la liberté de conscience ...

La reconnaissance - et a fortiori dans toute l’étendue que celle-ci en France a acquise - du droit d’avorter repose au premier chef sur la liberté de conscience. Il va sans dire que cette liberté, la plus fondamentale dans une société démocratique, vaut pour « (les) idéologues de l’embryon-personne dès la première heure » (emprunt étant fait ici à Irène Théry).

Pour ces derniers, leur pleine liberté est celle de convertir, autrement dit de convaincre pour faire partager leur opinion de conscience par d’autres consciences. Mais elle est tenue par la définition même de la liberté qui se confond avec celle de sa limite: son exercice personnel, et plus singulièrement encore celui des libertés touchant au croire et au non-croire, s’arrête là où commence l’exercice garanti à autrui (que soit dans la même matière ou dans une autre). En découle que l’opposante à l’IVG peut s’interdire d’y recourir[3] et que chacune et chacun est libre de vouloir persuader ses concitoyens de se ranger volontairement sur cette interdiction, mais que la Loi fondamentale d’une démocratie ne laisse pas la place à une négation légale du choix individuel, ou à une abolition du droit à l’avortement tel que celui-ci est légalisé et ouvert au titre des libertés instituées et des suretés communes.

Le statut de l’embryon et du fœtus n’est donc pas écarté du débat public. Au demeurant, le législateur s’est référé, dans ses fixations successives des délais pour avorter, à l’état du savoir scientifique relatif à « l’être anténatal » (autre emprunt à Irène Théry[4]). Mais dans la confrontation des choix de conscience, la proscription de l’interruption volontaire de grossesse procède d’une conception métaphysique de ce même être anténatal * - ce qui, en soi, n’invalide bien entendu en rien la conviction qui trouve là sa source.

 

… mais laisse bien mesurer le paradoxe qui est inséparable de la liberté.

Demeure en effet que dans le champ politique, l’ontologie essentialiste qui consacre l’embryon en tant que personne, est presque exclusivement partagée par des familles de pensée qui s’agissant en particulier du droit d’avorter récusent, ouvertement ou de fait, la liberté de conscience. Une récusation qui, dans la très grande majorité des cas, invoque la supériorité absolue d’une prescription confessionnelle, et l’intangibilité irrévocable de l’enseignement doctrinal auquel cette prescription doit de ne pouvoir connaître aucune exception. La réquisition d’y obéir se veut la plus impérative, et, surtout, la contrainte à s’y conformer s’énoncera comme universelle, quand la prescription se revendique d’une lecture cultuelle traditionnaliste ou, a fortiori, d’un intégrisme assumé.

Ce paradoxe de la liberté dirigée et instrumentée contre elle-même participe de la plus éclairante pédagogie de la démocratie. Et pour la nôtre, restitue tout son sens à la Séparation des cultes et de l’Etat républicain : au second l’impérieuse obligation de protéger le libre exercice des cultes et d’assurer la liberté des croyances et, partant, des non-croyances ; et aux premiers, celle de respecter les lois instituées par la République en tant qu’expression démocratique de la volonté des citoyens. Avec, pour toute première résultante qu’aucun culte ne saurait prétendre que son système de pensée, ses certitudes et les règles qu’il édicte pour ses fidèles, puissent prendre valeur et force de loi dans la société civile : dans les matières où un état démocratique consacre la liberté de conscience, une loi ainsi formée abolirait le libre choix et la libre détermination des individus – rien d’autre pour ceux-ci que la privation de droits déclarés inaliénables, et une identique privation qu’ils soient étrangers ou affiliés au culte considéré.

.La Séparation actée depuis 1905, et à laquelle depuis s’adossent les libertés de pensée, d’opinion et d’expression, exclut non seulement qu’une autorité religieuse et ses auxiliaires dictent les lois applicables dans la République, mais également qu’ils concourent à leur élaboration, ou à leur rejet, notamment par un jeu de pressions et de positions acquises – soit tout ce que recouvre la notion de cléricalisme[5]. En revanche, sur les mêmes sujets de jugement intime, et à partir des mêmes principes, la législation d’une démocratie se doit d’inclure une clause d’objection de conscience, en exposant de façon précise la configuration que celle-ci comporte.

 

En conclusion proposée : convaincre n’est pas légiférer.

Autant d’éléments de la pédagogie démocratique qui sont censés être archi connus et de longue date. Néanmoins, dans les mises en cause du droit à l’IVG, dans les menaces dirigées contre ce droit, c’est bien le cléricalisme attaché au catholicisme, et les mouvances qui aspirent à le faire perdurer, qui constituent le force de motivation et d’influence de loin la plus importante. Une force qui s’est pareillement mobilisée – ou remobilisée depuis la seconde moitié du siècle passé – sur tous les sujets où les lois de la République cessaient de s’accorder, ou de s’aligner, sur les vues et les enseignements de l’Eglise romaine.

De la libération de la contraception (de son usage et, en amont, de sa connaissance et de sa prescription) à la légalisation de l’interruption volontaire grossesse, mais également du PACS au ‘’Mariage pour tous’’, et à présent sur ‘’l’Aide à mourir’’ dans la dignité, les contre-offensives politiques et sociétales, motivant les obstructions destinées à arrêter chacune de ces subversions de l’Ordre moral, ont eu ce cléricalisme pour principal concepteur et les courants traditionnalistes et intégristes du catholicisme pour premiers bataillons de combat. Le cas du ‘’Mariage pour tous’’, et l’appel virulent à de multiples manifestations de rejet auquel la discussion de celui-ci au Parlement a donné lieu, sont à cet égard particulièrement exemplaires.

Chaque citoyen avait naturellement la faculté de déclarer une opinion contraire au projet - et d’avoir conformé cette opinion sur ses convictions religieuses -, ainsi que de traduire cette opposition de principe en déterminant de ses votes à venir. En revanche, se joindre à une campagne très majoritairement confessionnelle qui prenait des allures de croisade, et défiler par les rues dans la résolution de figer la loi sur la position défendue par les ‘’Manifs pour tous’’, procédait d’un enrôlement cléricaliste qui affirmait une méconnaissance ou un déni du caractère laïque de la législation républicaine. Un caractère que soulignait pourtant le fait – ô combien flagrant – que le droit ouvert aux couples homosexuels s’inscrivait dans le cadre exclusif du mariage civil officialisé par une autorité publique, par nature et en droit totalement distinct des mariages célébrés par les différents cultes, et seul reconnu par la République : un mariage civil conformé et défini par la loi - expression de la volonté générale et émanation du vote majoritaire des représentants du peuple. En l’espèce, la modification de la loi en vigueur était placée de surcroît sous le contrôle du Conseil constitutionnel.

Sur tous ces sujets, comme pour les autres débats et controverses touchant des domaines comparables ou voisins, ne faut-il pas anticiper la montée des passions sourcées dans le religieux par un rappel en forme d’avertissement : la laïcité des institutions, et son fondement juridique qu’a été en France la ‘’Séparation des cultes et de l’Etat’’, sont la première, et souvent l’unique assurance politique apportée à la liberté de conscience. Un rappel et une mise en garde qui ne devraient pas même nécessiter qu’on les motive par les violations qui, de par le monde, sont infligées à ce que nous tenons pour les droits humains les plus imprescriptibles, et par les persécutions, les terreurs et les crimes indicibles qui en résultent.

Oui, et « Qu'importe comment s'appelle / Cette clarté sur leur pas », pour la liberté de toutes et de tous, ‘’Le cléricalisme, voilà l’ennemi’’. D’où qu’il vienne.

Didier LEVY

« D’humeur et de raison » - 31 mai 2024

Le titre « Sur le moulin des ombres  » est tiré du poème de Paul Éluard «Liberté ».

* L’ontologie essentialiste appliquée à l’embryon peut ne se placer qu’en arrière-plan de la criminalisation de l’avortement. Ainsi est-ce au nom d’un natalisme réactionnaire érigé en raison d’Etat par le régime de Vichy, que l’avorteuse Marie-Louise Giraud fut condamnée à la peine de mort ; elle fut exécutée le 30 juillet 1943 dans la cour de la prison de la Roquette à Paris, le maréchal Pétain ayant refusé de la gracier. Le  film de Claude Chabrol «Une affaire de femmes», sorti en 1988 et adapté du livre du même nom de l'avocat Francis Szpiner, retrace l’histoire de cette ‘’faiseuse d'anges’’ (incarnée à l’écran par Isabelle Huppert), jugée pour avoir pratiqué 27 avortements dans la région de Cherbourg, qui fut l’une des dernières femmes guillotinées en France.


[1] On notera seulement qu’à son âge, l’enfant violée mesurait 1,36 m et pesait 33 kg, et que les médecins avaient conclu que son corps était incapable de mener cette double grossesse à terme.

[2] Et, particulièrement dans le cas du Brésil, les avortements de mineures violentées (ainsi en 2020, celui d’une enfant de 10 ans enceinte suite à un viol commis par son oncle) n’ont pas cessé provoquer les condamnations des milieux hostiles à l’IVG - les réactions les plus véhémentes y viennent à présent des groupes dits évangéliques et des personnages politiques que soutiennent ceux-ci.

[3] Tout comme, bien sûr, le médecin sollicité est, sous certaines conditions légales (par ailleurs sans doute trop imprécises), en droit de refuser de pratiquer l’intervention.

[4] Ces deux emprunts étant tirés d’une très stimulante publication qu’Irène Théry a fait paraitre sur facebook le 16 mai 2024, appelant à la lecture de l’étude qu’Anne-Sophie Giraud, chargée de recherches au CNRS, a consacré à l'ethnographie de notre rapport à la vie anténatale.

[5] Un cléricalisme qui s’identifie ici à la récusation qu’en formulait Léon Gambetta, et non à celui que le pape François s’efforce avec tant de peine de réduire. Reste saisissant qu’à largement plus d’un siècle de distance, le pouvoir clérical soit, dans sa nature même, dénoncé de deux bords qui jadis opposaient leurs visions du monde et du bien.